A peine le fiasco pour la démocratie et le coup de semonce d’un taux d’abstention record au deuxième tour des élections départementales et régionales, balayés par les médias et une classe politique d’ores et déjà lancée à corps perdu dans la prochaine compétition électorale, le variant Delta vient raviver le lent et corrosif cauchemar de la pandémie, allié a une météorologie meurtrière en ce début d’été triste et lourd de menaces un peu partout dans le monde…
En France, la mesure des ravages du virus n’a jamais été aussi visible que dans les images de la fête nationale – pour assister au traditionnel défilé, un public clairsemé soumis à la dernière contrainte de l’heure, le pass sanitaire qui dispense les dirigeants d’avoir le courage d’imposer l’obligation du vaccin à l’ensemble de la population, dignitaires masqués à la tribune officielle, rares feux d’artifice qui de toute façon ne renoueront jamais avec l’insouciance des festivités du 14 juillet antérieures au drame de Nice, autant de marqueurs du nouveau monde dans lequel la Covid 19 a fait basculer l’ensemble de la planète. Le diable se niche toujours dans les détails et il semble clair que dans les semaines à venir, l’absence d’anticipation et de pédagogie raisonnée risquent de se payer au prix fort, sans nécessairement obtenir les résultats escomptés… L’histoire dira en son temps si, à la croisée des chemins de cet été bien mal commencé, la voie empruntée mène à bon port et si les lendemains seront aussi radieux qu’on nous le promet, arrogance et inconscience en prime…
En attendant, le pass sanitaire alimentera les conversations, craintes ou fantasmes des vacanciers, attisera les débats les plus vifs sur les plateaux des chaînes d’information et sa mise en œuvre fournira certainement un sujet d’étude aux observateurs étrangers des spécificités hexagonales… Il faut aussi espérer qu’il n’incitera pas les estivants à abandonner les gestes barrières dans un accès d’optimisme et de crédulité inconscients, au fur et à mesure où le beau temps fera sa réapparition… L’avenir aussi nous le dira et on mesurera son efficacité pour juguler une quatrième vague à la fin de cet été de toutes les incertitudes.
Au-delà de nos frontières, d’autres drames se nouent ou se profilent, qui ne manqueront pas d’occulter la mesquinerie et la médiocrité de nos préoccupations du moment au regard des malheurs du monde et de la violence des conflits qui l’agitent… Ce début d’été voit Haïti plonger un cran de plus dans son effroyable descente aux enfers, avec l’assassinat de son Président, Jovenel Moïse, dans une spirale insoutenable de misère, de violences criminelles sur fond de ruines du séisme de Port au Prince, qui attend toujours de panser ses destructions dix ans après, à quelques miles marins des États-Unis sous la présidence de Joe Biden… En Afghanistan, d’où se retirent les forces coalisées les unes après les autres et où un ultime avion rapatriera les derniers Français civils de Kaboul, la menace du retour du règne obscurantiste des Talibans se précise et rallumera au-delà l’hydre du terrorisme qui continue de nous miner sans répit…
Deuxième été depuis le déclenchement de la pandémie, endeuillé par les pluies torrentielles chez nos voisins en Allemagne et en Belgique… Formulons le vœu que le retour du soleil dissipe un peu le voile de tristesse d’une actualité sous emprise du variant Delta et des contraintes en résultant- la liberté d’un bain de mer ou d’un repas au restaurant pour le prix d’une injection ou deux ?- à quoi tiennent nos destinées de par la malédiction et la fatalité d’un virus qui n’a pas fini de remodeler notre horizon et de rebattre les cartes, en nous invitant à plus d’humilité et moins d’arrogance ?
Eric Cerf-Mayer