La mission première de l’Unedic n’est plus de financer l’indemnisation du chômage mais de financer les politiques publiques de l’emploi, les établissements publics et de créer de la dette hors du périmètre des lois de finances.
Accusée de ne pas inciter à la reprise d’emploi, accusée d’être trop généreuse, accusée de déficit structurel dont la cause ne serait autre que la mauvaise gestion des partenaires sociaux l’Assurance chômage, par le moyen des lettres de cadrage adressées par l’exécutif aux partenaires sociaux a été prise en mains par l’État. Le modèle assuranciel n’existe plus et on a pu penser que la réforme de son financement- la CSG étant substituée à la contribution salariée- le transformait en régime de solidarité mais ce n’était là qu’une première étape.
Avec la perspective de la création de France travail le financement apporté aujourd’hui par l’Unédic à Pôle emploi sera revu à la hausse.
Le pari n’est plus à prendre que sur le niveau de l’augmentation. Aujourd’hui à hauteur de 11% de la ressource de l’Unédic, la subvention apportée par l’Unedic passera-t-elle à 12 ou 15 ou 17% ?
Avec la dernière lettre de cadrage que l’exécutif vient d’adresser aux partenaires sociaux les choses s‘éclaircissent : la part de l’excédent annuel de l’Unédic qui sera captée par l’État pour financer ses politiques pour l’emploi est fixée[1], imposée aux partenaires sociaux.
Si l’État peut être légitime à agir ainsi parce qu’il finance l’Unedic, par la CSG, il faut voir qu’il finit de saper ce qui fut un régime d’assurance d’un risque professionnel et qu’il le fait pour une mauvaise raison !
Il faut là aussi un détournement de procédure budgétaire. Il faut voir, enfin, que la trajectoire de remboursement de la dette de l’Unédic, dont une part significative résulte non pas de l’indemnisation mais des charges diverses que l‘Unédic supporte au-delà de sa mission d’indemnisation, est devenue un objectif secondaire !
Le modèle d’assuranciel n’est pas simplement devenu un régime de solidarité il est aussi un instrument de détournement de la procédure budgétaire et, subsidiairement, un instrument déni de démocratie, pas seulement sociale.
Le débat doit dépasser celui des économies faites sur le dos des chômeurs. Le débat doit dépasser aussi celui de la disparition de la gestion paritaire. Le débat doit porter sur la carambouille budgétaire.
La promesse faite par le Ministre de l’économie de pas d’impôts supplémentaires trouve, pour être tenue, l’artifice du rapt des cotisations sociales. Aujourd’hui l’Unédic une fois encore et les mutuelles aussi qui doivent financer les désengagements de la Sécurité sociale et, demain, les retraites complémentaires. Pari est pris, ici, que les effets bénéfiques de la réforme Borne sur le régime Agirc-Arrco seront captés, en tout ou partie, par l’État.
La Cour des comptes relevait que le « financement des dépenses [sociales] par cotisations ou par impôts [est] devenu sans logique claire » [2]. Avec le cadre imposé aux partenaires sociaux pour la négociation sur l’assurance chômage l’exécutif ajoute encore à cette illogique.
Se demander à quoi sert l’Unedic est réducteur. La vraie question est de savoir à quoi servent aujourd’hui les assurances sociales et une réponse semble évidente : à des tours de passe-passe budgétaire.
C’est là une nouvelle illustration de ce qu’est le en même temps : pas d’impôts supplémentaire mais en même temps détournement compensatoire (!) des financements de la protection sociale. C’est demander beaucoup à un modèle social, en crise depuis le début des années ’80, devenu insoutenable, essoufflé par des réformes toujours paramétriques et jamais réinventé.
Sans forcer le trait il faut voir dans le cadrage imposé aux partenaires sociaux une nouvelle affirmation de la socialisation du modèle français.
On aurait pu espérer, à ce niveau de prélèvements obligatoires, que la start-up nation oriente la négociation des partenaires sociaux vers la baisse de la cotisation des employeurs pour son effet sur le coût du travail dont la baisse est certainement plus incitative à l’emploi que le financement d’un nouvel établissement public.
Non c’est la voie socialiste qui a prévalu sur l’option libérale.
Michel Monier
Ancien DGA de l’Unédic
Membre du Cercle de recherches et d’analyse de la Protection sociale
Think tank CRAPS.
[1] Bruno Coquet, « De l’assurance chômage à la taxation des chômeurs », Alternatives Économiques Le blog de Bruno Coquet.
[2] – Cour des comptes, Sécurité sociale – Rapport 2022, Chapitre II Le financement de la sécurité sociale : des règles à clarifier et à stabiliser