Les cerisiers ont débuté leur floraison et les tulipes et autres bulbes de printemps ensoleillent les jardins bien arrosés par les giboulées de fin mars, symboles de résurrection pascale et d’espérance mais hélas une actualité des plus tristes vient ternir cette période de renouveau et conforter pour beaucoup le constat que notre « cher et vieux pays » traverse une très mauvaise passe, au pied du mur, confronté à un déficit d’une ampleur exceptionnelle et à des crises non résolues dans pratiquement tous les domaines, sans grande visibilité sur ce qui l’attend en national et à l’international dans les mois à venir …
L’épilogue tragique de la disparition du petit Émile Soleil qui avait assombri l’été 2023, survenu le jour même de Pâques 2024, est venu endeuiller le pays tout entier, anéantissant l’espoir ténu de le savoir vivant quelque part en dépit de l’angoisse indicible et de la souffrance des siens au long de ces mois cruels d’attente où l’esprit veut rejeter le pire et croire encore au miracle.
La mort d’un enfant est un drame absolu et une épreuve qui remue jusqu’au tréfonds de l’âme car c’est une atteinte à la grâce, celle émanant du beau portrait de ce petit garçon, une fleur à l’oreille, qui va nous hanter longtemps en nous rappelant combien la vie est un trésor fragile et nos parcours terrestres sont susceptibles d’être brisés à tout moment dans des circonstances échappant à notre contrôle et à notre entendement…
Il faut désormais souhaiter à ses Parents et à ses proches de conserver intacte la force exemplaire de leur foi pour surmonter une épreuve aussi lourde, endurer ce qui va suivre aussi pour élucider ce drame, et chérir avec eux le souvenir d’un être rayonnant d’innocence et de lumière arraché beaucoup trop tôt à leur affection. Dans un monde en perte de repères et en proie à des menaces grandissantes, il y a dans ce terrible dénouement concordant avec la célébration de la résurrection du Christ comme un mystérieux signe d’appel au recueillement et à la compassion universelle envers tous ceux que le malheur frappe, chaque aube qui se lève sur la vaste terre.
Il faudra également retenir de ce jour de Pâques 2024 l’appel lancé par le Pape François à un échange de tous les prisonniers de guerre entre la Russie et l’Ukraine. A l’occasion de sa traditionnelle bénédiction urbi et orbi, cet appel du souverain pontife tranche avec l’atmosphère générale de montée irréversible vers une extension de cette guerre fratricide à toute l’Europe, une perspective folle qui signerait l’amorce de sa fin au delà même de la raison et à l’encontre de ses intérêts existentiels.
C’est le 5 mai que la Russie orthodoxe célébrera Pâques, dans la foulée du monstrueux attentat terroriste du 22 mars à la périphérie de Moscou : 144 morts, 360 blessés, victimes de l’hydre du totalitarisme islamiste, dans sa branche de l’État islamique au Khorasan, qui rappelle que cette abomination peut frapper à tout moment où et quand elle le décide en déjouant les protections les plus élaborées et que nous sommes tous sous sa menace permanente parce qu’elle sait profiter implacablement de nos moindres faiblesses et divisions… 7 octobre 2023, 22 mars 2024 sont des ponctuations additionnelles sur la partition de l’horreur qui nous détruit un peu plus à chaque redite mortelle de cette lutte sans répit ni issue possible tant que l’on ne voudra pas comprendre qu’elle demeure notre priorité de combat absolue si on veut réellement préserver notre survie et tourner le dos à notre propre suicide.
L’appel du Pape François peut à cet égard résonner comme un avertissement à bien mesurer où réside véritablement le plus grand des périls auxquels notre monde transformé en poudrière à tous ces carrefours se trouve confronté aujourd’hui…
L’état d’urgence qui, par la force du dramatique attentat perpétré en Russie le 22 mars, a obligé nos autorités à métamorphoser en cette période pascale les lieux de culte de France en camps retranchés gardés par les armes pour éviter que ces havres de lumière et d’espérance, sanctuaires de paix et abris ultimes, puissent être l’objet d’autres assauts meurtriers, est malheureusement une contrainte indispensable, impérative illustrant combien notre pays est un cœur de cible.
Il va falloir vivre de longs mois avec cette triste réalité en redoutant à tout moment l’irruption de la tragédie dans le quotidien des Français, notamment pendant la durée des Jeux olympiques à Paris, lieu vulnérable, hôte de nombreux visiteurs étrangers à cette occasion, dans un pays au pied du mur, accablé de difficultés et en proie aux doutes sur la capacité de ses dirigeants à faire face aux épreuves à surmonter qui se profilent à un horizon très proche.
La plupart des voyants sont au rouge avec 5,5% du PIB de déficit public, une dette approchant les 3200 milliards d’euros dans un environnement européen et international où rien ne laisse entrevoir la perspective d’une réduction des conflits et de l’émergence de trêves viables pour tenter de sortir des impasses en Ukraine ou au Proche-Orient, alors même que notre propre économie n’est pas en régime de guerre ni en état de supporter une montée en puissance si, résultante d’une escalade fatale, une bascule dans le chaos devait se préciser.
Sans essayer de les hiérarchiser, un rapide inventaire des multiples motifs collectifs d’inquiétude donne le tournis et il demeure hélas bien loin d’être exhaustif : crise agricole non résolue, où en est-on à Mayotte sans parler des autres départements et territoires outre-mer en proie à des situations frisant le quasi- abandon comme en témoigne l’appel au secours désespéré et poignant lancé par le Maire de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe le 24 mars, départ en retraite prématuré du proviseur du Lycée Maurice Ravel à Paris – illustration patente de la faiblesse du système éducatif devant l’entrisme islamiste-, perspective d’une énième crise politique devant le test hasardeux du choix de réduire les dépenses sociales dans le cadre d’une réforme de l’assurance-chômage pour pallier le déficit budgétaire sur fond de divisions de la macronie quant aux solutions à retenir pour retarder sans doute à terme un inéluctable tour de vis fiscal drastique, exaspération des tensions et des clivages dans la campagne électorale pour les européennes sans débats réellement dignes de ce nom jusqu’à présent, exacerbation de la violence dans une spirale d’insécurité mortifère à tous les niveaux de la société etc., etc…
Le « cher et vieux pays » est bel et bien au pied du mur et il ne sert à rien de se voiler la face devant ce constat ni de multiplier les exercices de communication accompagnant des opérations comme celles des Places nettes XXL pour rassurer une opinion publique en proie non seulement au doute mais aussi à une forme prégnante de fatalisme incarnée dans le sentiment diffus qu’il n’y a plus grand chose à attendre ou espérer de sa classe dirigeante actuelle si celle-ci continue à tourner le dos à la réalité en feignant un illusoire sursaut dans le déni des fractures et des périls.
Pâques rime pourtant avec résurrection et saison du retour de la lumière alors c’est peut-être encore dans cette formidable résilience du peuple de France qui a aidé le Royaume hexagonal à traverser les multiples tempêtes des siècles écoulés que réside l’espoir du salut, en acceptant les signes du destin et en écoutant la voix de nos consciences…
Eric Cerf-Mayer