Bernard Meunier, ancien président du CNRS et de l’Académie des Sciences interviendra au Printemps des Technologies. En amont de l’événement, il répond à nos questions.
Revue Politique et Parlementaire – Quelle lecture avez-vous de l’IA ? Comment la définissez-vous ?
Bernard Meunier – L’arrivée des outils informatiques dans le domaine scientifique a permis d’établir des bases de données de plus en plus sophistiquées pour le plus grand bien de la recherche et des chercheurs. Croisée avec des algorithmes de plus en plus puissants l’exploitation de ces bases de données permet d’obtenir des réponses pertinentes à des questions de plus en plus pointues. Il ne s’agit plus simplement d’extraire des informations, mais de créer des contenus, copiés ou inspirés, à partir des bases de données.
Un dernier point, en anglais le mot intelligence a un double sens, l’un est d’évoquer des capacités intellectuelles et l’autre concerne la collection de renseignements, c’est le I que l’on retrouve dans CIA ou MI6 des services de renseignements anglo-saxons. Dans l’IA, il y a un peu des deux, en français seul le premier aspect est retenu.
RPP – Que dit de nous notre rapport à l’IA ?
Bernard Meunier – « Le rapport que nous entretenons avec l’intelligence artificielle (IA) peut être complexe et varié, reflétant à la fois nos attentes, nos craintes et notre compréhension de cette technologie en constante évolution. Voici quelques points clés sur ce que notre rapport à l’IA peut dire de nous.
Attentes et Espoirs : notre intérêt et notre engagement envers l’IA témoignent de notre désir de progrès technologique et de solutions innovantes. Nous espérons souvent que l’IA améliorera notre qualité de vie, résoudra des problèmes complexes et nous aidera à réaliser des avancées scientifiques et sociales.
Craintes et Préoccupations : en même temps, notre rapport à l’IA révèle également nos craintes quant à ses implications, notamment en ce qui concerne l’emploi, la vie privée, la sécurité et l’éthique. Ces préoccupations reflètent nos inquiétudes concernant le contrôle, la transparence et les conséquences imprévues de l’adoption généralisée de l’IA.
Confiance et Méfiance : notre niveau de confiance envers l’IA dépend souvent de notre compréhension de ses capacités, de sa fiabilité et de son objectif. Certains peuvent avoir une confiance aveugle envers l’IA, tandis que d’autres adoptent une approche plus sceptique, se méfiant des biais, des erreurs et des implications à long terme.
Éthique et Responsabilité : notre réflexion sur l’IA met également en lumière nos valeurs éthiques et notre sens de la responsabilité envers son développement et son utilisation. Nous devons prendre des décisions éclairées sur la manière d’intégrer l’IA dans nos vies tout en respectant les normes éthiques et en garantissant qu’elle soit utilisée pour le bien de l’humanité.
Adaptabilité et Résilience : notre capacité à nous adapter aux progrès rapides de l’IA et à ses implications en dit long sur notre résilience en tant qu’espèce. Nous devons être prêts à apprendre, à nous ajuster et à repenser nos structures sociales et économiques pour tirer le meilleur parti de cette technologie tout en minimisant ses effets néfastes. »
Ces réponses entre guillemets ont été fournies en moins de deux secondes par Chatgpt. Pas mal, me semble-t-il ! De nombreux « rédacteurs » ont du souci à se faire sur leur avenir.
Dans le domaine des sciences expérimentales, c’est différent, les propositions issues de l’IA demanderont toujours à être validées par la recherche expérimentale, donc par la réalité.
RPP – Quels possibles représente-t-elle dans le secteur de la santé ?
Bernard Meunier – L’IA, dans ses versions les plus élaborées, permettra de faire des propositions qui devront ensuite être validées, dans le monde du réel, lors des tests pré-cliniques et des essais cliniques. Certains décideurs du monde l’industrie pharmaceutique en attendent beaucoup, bien plus que les chercheurs compétents qui s’en serviront comme aide à la décision.
L’IA, tirant profit des solides bases de données créées au cours des trente dernières années, peut fournir des résultats impressionnants dans certains domaines, comme celui de la biologie structurale (obtention de structures tridimensionnelles de grande qualité à partir de la simple séquence d’acides aminés de protéines). Seuls les « purs créateurs » seront à même d’apporter plus que l’exploitation des données existantes par l’IA.
Les grandes décisions dans les différentes étapes de création d’un nouveau médicament resteront entre les mains de l’homme de l’art, laissant, in fine, la place à « l’intelligence naturelle ».
Bernard Meunier
Directeur de recherche émérite au CNRS
Ancien président de l’Académie des sciences
Propos recueillis par Mathilde Aubinaud