La très longue audition du Premier ministre devant la commission d’enquête parlementaire, mercredi 14 mai, a montré qu’il ne suffisait pas de dénoncer, voire de calomnier et, surtout qu’il ne fallait jamais sous-estimer un politique chevronné.
« Vieilli, usé, fatigué », Bayrou ? Comme l’avait dit Lionel Jospin à l’endroit de Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle de 2002 ? Pour avoir oublié que ce jugement hâtif avait eu pour seul effet de doper l’énergie du président sortant de l’époque… pour battre son adversaire, le député LFI Paul Vannier, rapporteur de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’affaire Bétharram, n’a pas obtenu le résultat qu’il escomptait après la très longue audition du Premier ministre, mercredi 14 mai.
Compte tenu des premières approximations de Bayrou interrogé lors des questions au gouvernement en février dernier, de son élocution parfois hésitante et de son âge, le député LFI pensait le confondre facilement et prouver sa responsabilité, forcément écrasante, dans les violences faites aux victimes. Au lieu de quoi, il a eu face à lui un homme ayant préparé son dossier, argumenté, bien décidé à défendre son honneur, offensif malgré son émotion. Et surtout très politique : il ne faut jamais sous-estimer les vieux routiers.
A politique, politique et demi… Face aux questions du rapporteur, mué en procureur, Bayrou a inversé d’emblée le rapport de force et imposé son rythme : lent. Quitte à doubler la durée prévue pour cette audition, il a déroulé le propos préliminaire qu’on voulait lui interdire et pris tout son temps pour répondre aux questions et développer son argumentation. Non sans attaquer durement le rapporteur, ses fâcheuses méthodes de questionnement et d’interprétation des réponses. Etrangement, Vannier mélange en effet souvent toutes les violences – physiques et sexuelles – dans ses questions. Or, du temps de Bayrou ministre de l’Education, il n’était question à Bétharram que de mauvais traitements.
De même a-t-il démonté le témoignage de la lanceuse d’alerte Françoise Gullung, principale pièce à conviction de la commission d’enquête, souligné les contradictions entre les déclarations du gendarme Alain Hontangs et le juge d’instruction Mirande, prouvé qu’il n’était pas intervenu dans le dossier en montrant un courrier prouvant l’intervention du procureur Laurent Le Mesle dans la procédure lorsque Elisabeth Guigou était garde des Sceaux, alors qu’il était à l’époque député dans l’opposition…
Conclusion logique de Bayrou à l’adresse du rapporteur LFI Paul Vannier : « Votre cible est politique, l’objectif est d’abattre ce gouvernement, puis le suivant, et le suivant encore », reprenant là des propos off de la galaxie LFI. Un procès politique cette commission d’enquête ? En déclarant, après avoir souligné la « cécité » et la « surdité » de Bayrou, « Comment voulez-vous qu’on puisse encore vous faire confiance ? », le député Alexis Corbière, ex-ami de Mélenchon mais toujours proche de LFI, l’a clairement démontré.
Le meilleur est encore pour la fin, dans les propos tenus au lendemain de l’audition ce jeudi matin sur France Info par Paul Vannier. Ce dernier a fait allusion à la gifle donnée à un gamin qui lui faisait les poches par le candidat Bayrou pendant la campagne présidentielle de 2002. Ce geste, rappelons-le, avait été approuvé par les Français et lui avait même fait gagner quelques points dans les sondages. Mais selon le rapporteur LFI, cet épisode interrogerait sur le rapport de Bayrou à la violence, notamment envers les enfants… Quand on veut noyer son chien…
Carole Barjon
Editorialiste