La dérive des Finances publiques existait avant la crise de la Covid-19 et ses lourdes répercussions budgétaires. Pour le dernier budget du quinquennat, l’État se croit autorisé à jouer au mistigri, ce qui déplaît fortement au HCFP.
Le Haut Conseil des Finances Publiques a rendu son Avis sur le PLF 2022 en date du 17 Septembre, mais ne l’a publié que le 22 courant du fait de désaccords de principe avec le Ministère des Finances.
Au final, “Le Haut Conseil note que les scénarios macroéconomique et de finances publiques qui lui ont été présentés n’intègrent pas l’impact de certaines mesures annoncées par le Gouvernement au cours de l’été (plan d’investissement, revenu d’engagement, notamment) qu’il prévoit de faire adopter en cours de débat parlementaire par voie d’amendement. Le Haut Conseil regrette ces conditions de saisine qui ne lui permettent pas de rendre un avis pleinement éclairé sur les prévisions de finances publiques pour 2022 à l’intention du Parlement et des citoyens, en application de son mandat.“
L’adoption, par voie de simple amendement, de mesures importantes (tant sur le fond qu’en masse financière) est un procédé singulier et qui ne recueille pas l’adhésion de celles et ceux qui sont attachés à la transparence du débat budgétaire, acte-clef du Parlement.
Par ailleurs, c’est la toute première fois que le HCFP se voit contraint de conclure en émettant un avis non pleinement éclairé ce qui – en sémantique administrative – revêt un poids négatif certain.
Le PLF 2022 ne reçoit pas l’imprimatur du HCFP et c’est grave.
C’est grave car cela démontre que les Pouvoirs publics ne sont pas étouffés par la quête de loyauté vis-à-vis des parties prenantes que sont les contribuables, les agents et décideurs du secteur privé et aussi nos partenaires européens.
Ce laxisme budgétaire avéré représente un sparadrap pour notre pays que d’aucuns vont taxer d’entité publique non fiable.
Pour l’heure, le HCFP refuse de se prononcer sur l’ampleur exacte du déficit budgétaire. Du jamais vu.
“Pour 2022, les recettes assises sur les salaires pourraient de même être sous-estimées. À l’inverse, la prévision des dépenses est raisonnable compte tenu des éléments transmis au Haut Conseil. Cependant, ces éléments étant incomplets, le Haut Conseil n’est pas à ce stade en mesure de se prononcer sur la plausibilité de la prévision de déficit pour 2022 (- 4,8 points de PIB).”
Le HCFP a conquis son rang d’institution qui mérite le respect des intervenants qu’il pratique. Dès lors, son incapacité méthodologique à conclure sur un sujet-clef comme le déficit budgétaire est fort préoccupant puisque derrière ce déficit se profile l’alourdissement de notre dette publique, déjà située à plus de 114% de notre PIB.
“Face à un endettement public accru ( 114 points de PIB en 2022, soit 17 points de plus qu’en 2019 ), le Haut Conseil souligne que la soutenabilité à moyen terme des finances publiques appelle à la plus grande vigilance. Dans ce contexte, il importera que tout surcroît de recettes par rapport à la prévision soit consacré au désendettement”.
Comme l’avait dit, en son temps, Philippe Marini, en sa qualité de président de la Commission des finances du Sénat : “Cette histoire de cagnotte relève de la pure fumisterie“.
J’ignore s’il y aura effectivement un surcroît de recettes par rapport à la prévision mais je souhaite émettre une divergence d’interprétation avec le HCFP.
Celui-ci nous rappelle les faits suivants : ” Les organisations internationales (Commission européenne, FMI et OCDE) ont révisé à plusieurs reprises leurs prévisions de croissance à la hausse depuis le début de l’année pour le monde, la zone euro comme pour la France. Au total, selon les dernières prévisions du FMI, le PIB mondial devrait rebondir de 6,0 % en 2021 (après la contraction de -3,2 % en 2020) puis de 4,9 % en 2022.”
Or, il semble réaliste d’ajuster, dans un sens baissier, ces prévisions de croissance du fait de la désorganisation des chaînes de valeur et des pénuries de matières premières, de semi-conducteurs et aussi des difficultés de recrutement de personnels qualifiés.
Prenons le cas emblématique du secteur automobile. A qui fera-t-on croire que les arrêts prolongés de production chez Stellantis (Sochaux, Rennes), Renault Groupe (Sandouville), Toyota (Onnaing) qui représentent des milliers de véhicules en termes de manque à gagner, ne finiront pas par impacter la croissance ? Et évidemment, cette liste n’est pas exhaustive.
Tout le monde crie victoire pour la croissance du deuxième semestre 2022 à l’exception de celles et ceux qui ont des capteurs par branches d’activité.
Quant au strict regard macroéconomique, il ne peut désormais se retourner à la vue des pressions inflationnistes dont seuls les téméraires veulent les croire transitoires. Or le lien entre inflation et érosion tendancielle de la croissance est établi depuis longtemps.
Ce qui ne manquerait pas d’ériger un plafond de verre à l’endroit des recettes budgétaires.
Néanmoins, nul ne peut gommer la virulence de la spirale dépensière que le président de la République désormais candidat fort manifeste, à défaut de déclaration formelle, impose au pays.
Près de 6 milliards en un mois là où il lui avait fallu plus d’un mois et demi pour concéder 10 Mds aux Gilets Jaunes en Décembre 2018…
Bruno Le Maire s’est répandu dans les médias pour expliquer que le budget était sincère et irréprochable.
Le HCFP le juge incomplet donc contestable. Pour ma part, je l’estime périlleux pour notre pays.
Si Emmanuel Macron venait à être réélu, il aurait tout loisir pour toucher du doigt le prix tangible de ses approximations.
Une chose est acquise, si un entrepreneur se présentait devant son pool de banquiers avec une telle construction pour renégocier son PGE, il serait vertement retoqué. Le reste n’est que littérature pour député LREM en mal de pâture.
Jean-Yves Archer, Economiste, Membre de la Société d’Economie Politique