Ces derniers jours, des tractations entre le candidat EELV, Yannick Jadot, et celle de la primaire populaire/PRG, Christiane Taubira ont été révélées, et ont poussé le leader des Verts à « ouvrir grand les bras » à l’ancienne garde des Sceaux. Si l’on tient compte de la moyenne des sondages réalisés sur les deux dernières semaines (Jadot : 5,1 % ; Taubira : 4,5 % et Mélenchon : 9,6 %), on obtient l’équation : Jadot + Taubira = Mélenchon. Au-delà des chiffres, quelle signification ?
Les alliances n’ont de sens que si elles consolident une candidature en lui apportant non seulement un électorat complémentaire, mais une dimension politique complémentaire. L’équation ci-dessus, pour être vraie, suppose que les électorats de Christiane Taubira et de Yannick Jadot soient disjoints et ne demandent qu’à s’allier pour former une entité plus grande. Rien ne permet, ni dans l’analyse des programmes des candidats ni dans celle de leurs trajectoires politiques, d’indiquer que ce soit le cas. De façon très probable, nous assisterions en cas de fusion, à la disparition de l’un derrière l’autre, au moins partiellement ; c’est-à-dire que très probablement l’intérêt d’une partie des électeurs de la « primaire populaire » faiblirait si Christiane Taubira devenait un « lieutenant » de Yannick Jadot. Christiane Taubira le sait, tout comme elle sait qu’une telle alliance serait perçue comme un affront par les centaines de milliers d’électeurs de la primaire populaire, lesquels auraient alors l’impression que leur mobilisation « démocratique et sociale » a été cadenassée par une logique partisane. Elle ne se rangera donc pas derrière Jadot. L’autre option, Jadot derrière Taubira, est tactiquement inenvisageable, sachant 1. le refus réaffirmé du leader écologiste de participer à la primaire populaire, et 2. que la légitimité de la primaire organisée au sein d’EELV n’est pas inférieure à celle de la primaire populaire.
Conclusion : Non seulement une alliance ne se résumerait pas à une addition de popularités respectives dans les sondages, et ne parviendrait donc probablement pas à égaler le score de Jean-Luc Mélenchon, mais elle affaiblirait les processus de sélection et d’adhésion qui ont été mis en œuvre pour choisir les candidats.
La seconde dimension cachée de cette équation impossible : Jadot + Taubira = Mélenchon réside dans les socles idéologiques de trois candidats. Quel apport une alliance Jadot + Taubira en matière d’idées ? Pour le dire autrement : Christiane Taubira est-elle à même d’apporter à Yannick Jadot une épaisseur idéologique qui lui manquerait pour venir défier Jean-Luc Mélenchon ?
La réponse, encore une fois, est négative. L’ancrage politique de la gauche s’est inscrit, après le tournant marxiste de 1848, dans une ligne résolument sociale, anticapitaliste et anti-bourgeoise. Nous n’allons pas refaire l’histoire de l’évolution des gauches, elle est parfaitement connue de tous. Bilan en 2022 : La dimension anticapitaliste, incluant le mythe originel marxiste de la lutte des classes, est toujours gravé dans le marbre mélenchonien. Ce n’est en revanche le cas ni de Yannick Jadot (qui refuse le courant décroissant pourtant très présent chez les écologistes) ni de Christiane Taubira, figure d’une social-démocratie qui s’est ralliée aux gouvernements bourgeois et à l’économie de marché depuis bien longtemps – sa présence dans le gouvernement Valls II, aux côtés d’Emmanuel Macron, social-libéral par excellence, en témoigne. Bénéfice net d’une alliance sur ce thème : Zéro ! Mais la gauche n’a pas évolué que sur des thématiques économiques ; depuis quelques décennies le progressisme embrasse de plus en plus les problématiques dites sociétales : notamment la lutte contre toutes les « phobies » : trans-, islamo-, negro-, etc. Sur ces thèmes, Jean-Luc Mélenchon a également une longueur d’avance sur Jadot et Taubira. Par exemple, lorsque cette dernière lutte pour que les femmes « obtiennent la place qui leur convient », Jean-Luc Mélenchon la double par la gauche, embrasse la cause « trans », et inscrit dans son programme le « changement de genre » via une simple formalité administrative. Lorsque Christiane Taubira distingue Assa Traore en la qualifiant de « chance pour la France », Jean-Luc Mélenchon s’agenouille devant elle, place de la République, et prête allégeance à l’idéologie woke. Lorsque Christiane Taubira décline l’invitation à participer à la marche contre l’islamophobie, en novembre 2019, jugeant que : « On se trompe complètement de question et on se trompe absolument de réponse », Jean-Luc Mélenchon y défile fièrement, aux cris de « Allahou Akbar » entonnés massivement à l’initiative, entre autres, de Marwan Muhammad, directeur du CCIF aujourd’hui dissout pour cause de propagande islamiste. Reste l’écologie, dernier thème commun, disputé par Jadot et Mélenchon à parts presque égales. C’est malheureusement une dispute à laquelle Christiane Taubira n’apportera que peu d’éléments, du fait de son parcours politique plus rose que vert.
Conclusion : L’équation Jadot + Taubira = Mélenchon, aussi séduisante soit-elle pour la gauche, demeure une équation insoluble !
Frédéric Saint Clair
Photo : Denis Makarenko/Shutterstock.com