Dans la sombre période de pandémie endurée par le monde entier, la disparition de Philip de Grèce et Danemark, à quelques semaines de ses 100 ans, suscite une émotion légitime et profonde pour tous ceux qui ont en mémoire le parcours de cette grande figure de l’Europe monarchique, en ces temps de grand désarroi et de perte de repères.
Celui qui s’est endormi paisiblement aujourd’hui est un chevalier qui aura consacré sa vie entière au service de sa Souveraine et Epouse bien-aimée, Elizabeth II, la Reine universellement reconnue, dont le règne traverse deux siècles et qui symbolise la solidité des vraies valeurs et du devoir, face aux dérives et errances idéologiques, morales et sociétales du monde nouveau– comme certains choisissent d’appeler la période actuelle de mutation incertaine et lourde de menaces…
Né le 10 juin 1921 à Mon Repos sur la belle île de Corfou, où la légendaire Sissi venait soigner son insondable mélancolie et sa soif de liberté, un joyau dans ce bleu magique qui commence à partir de Brindisi jusqu’aux rivages enchantés de la Grèce, le Prince Philip aura eu un destin exceptionnel sous le sceau de la mer. Doublement insulaire puisque son parcours sur cette terre en fera le consort de la Reine d’Angleterre, la Souveraine aussi célèbre que Victoria, la légendaire matriarche dont le sang coule à travers toutes les dynasties du vieux continent ; Elizabeth qui séjournera à Malte aux côtés de son époux, brillant officier de la Royal Navy, avant son accession au trône le plus prestigieux du monde par son ancienneté désormais.
Ce chevalier au physique de Viking a fait don de sa personne et sans doute le sacrifice de nombre de ses ambitions et désirs personnels, au service de celle qu’il a aimée au premier regard ; le Prince Philip a lutté pour se faire accepter de sa patrie d’adoption, sans jamais abdiquer ses convictions et avec une franchise qui lui a valu souvent les critiques de ceux que la sincérité et le franc-parler peuvent déranger – les tenant la plupart du temps du politiquement correct et de la langue de bois qui sévissent aujourd’hui à travers le vaste monde. A plus forte raison, ceux qui réécrivent et déforment l’histoire au profit d’idéologies mortifères et pernicieuses, en sapant inexorablement les fondements des sociétés qu’ils voudraient reformater à l’aune de leurs dérives et de leur mauvaise foi… L’opposé de tout ce qu’un Prince comme Philip, Duc d’Edimbourg, a su incarner au long cours de sa vie exemplaire.
C’est grâce a un échantillon de son ADN que les experts médicaux ont pu identifier les restes de la famille impériale de Russie, massacrée par les bolcheviks à Ekaterinbourg, car il était le petit neveu de la Tsarine martyre Alexandra Feodorovna, petite fille née à Darmstadt de la Reine Victoria… Tout un symbole d’une Europe révolue, disparue à jamais dans les affres de deux guerres mondiales, mais qui a perduré dans ce qu’elle avait de plus noble à travers des figures comme celle du Prince Philip, et qui va se perpétuer à travers Elizabeth II et sa lignée pour la plus grande gloire du Royaume Uni, aussi paradoxal que cela puisse paraître aux yeux de ceux qui voudraient que le Brexit coupe définitivement le vieux continent d’une de ses composantes historiques.
Le Prince Philip, issu de la maison de Schleswig Holstein Sonderbourg Glucksbourg, qui règne sur le Danemark et a régné sur la Grèce, pilier de la civilisation européenne, a rejoint une longue et immémoriale lignée de preux qui ont forgé l’histoire du monde, avec leurs qualités et leurs faiblesses, leurs convictions et un sens de l’honneur qui méritent notre profond respect. L’expression de notre compassion la plus sincère pour celle dont il a été l’homme lige et fidèle, indéfectible soutien à travers toutes les tempêtes traversées mais aussi des moments de lumière et de bonheur pendant presque un siècle d’existence, doit être unanime en ce 9 avril 2021.
Eric Cerf-Mayer