Le dernier épisode qui s’est déroulé entre E.Macron et E.Borne, nous a inspiré quelques réflexions, pour certaines inspirées de rencontres avec des protagonistes ou leur entourage, sur le plus important couple de notre exécutif. Si dans l’ensemble la relation est plutôt courtoise et républicaine, il arrive quelques tensions parfois. Le prochain remaniement permettra aussi d’éclairer nos propos.
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Sous François Mitterrand (1981-1995)
Il détient le record des premiers ministres sous la Vè : sept ! Ce ne fut pas toujours un long fleuve tranquille.
- Pierre Mauroy : « vous mettrez du bleu au ciel » (1981-1984)
C’est cette phrase prononcée par F. Mitterrand peu de temps avant la nomination de P. Mauroy que ce dernier utilisera pour titrer ses Mémoires (2003). Entre Mitterrand et Mauroy c’est une longue histoire de compagnonnage (plus que d’amitié) qui débute en 1965 et s’achève en 1995 avec le décès de l’ancien président. De 1965 à 1971 les deux hommes s’allient pour rénover la gauche. Enfin de 1971 à 1981 c’est la conquête du pouvoir.
Ils n’ont pas toujours été d’accord mais chez P. Mauroy il existait, comme il nous l’a confié, une certaine fascination pour le futur président.
« Quel bonhomme ! Quel parcours y compris depuis « Vichy » ! Il n’y avait que lui pour faire ça ». En 1981 la nomination de Pierre Mauroy fut comme une évidence mais aussi la récompense pour un grognard de la mitterrandie, un héraut du socialisme. Mitterrand y songeait de longue date. Les deux hommes vont ouvrir ensemble le chantier des grandes réformes. Chaque témoin de l’époque que nous avons rencontré nous a narré la complicité qui existait entre les deux. Même si, comme nous l’a dit M. Charasse, « Mauroy n’était pas du premier cercle ». Les deux hommes s’efforcent de surmonter les divergences qui ne manquent pas d’apparaitre. Petit à petit c’est la réalité des difficultés économiques issues notamment d’une politique sociale très (trop) généreuse qui vont séparer les deux hommes.
Les problèmes économiques de la France vont imposer un coup de frein à cette générosité qui plombe déjà le budget. De la rigueur s’impose.
De même doit-on sortir du Serpent européen ? P. Mauroy ne le souhaite pas. Le président Mitterrand, pour la première fois depuis son arrivée, est confronté à un dilemme. Confirmer son vieux compagnon ou s’en séparer ? Les visiteurs du soir (Jean Riboud, Laurent Fabius, Pierre Bérégovoy notamment) vont l’aider à choisir. Dès lors il remplace P.Mauroy par Laurent Fabius en 1984.
- Laurent Fabius : « le plus jeune premier ministre (que j’ai) donné à la France » (1984-1986)
C’est ainsi que F.Mitterrand va qualifier le nouvel hôte de Matignon. Quand il est nommé, il est effectivement le plus jeune à ce poste depuis la III è République. Via Matignon, ce « Giscard de gauche » est promis à un destin national. Il est comme un « fils prodige » du chef de l’Etat sur lequel il exerce une fascination certaine ainsi que nous le confia E. Cresson. « C’était même parfois pénible car sur combien de dossiers. Voyez avec Fabius nous disait-il » précise-t-elle.
L. Fabius est à coup sûr l’antithèse de P. Mauroy.
Il doit donc piloter un nouveau cap économique. Habile communiquant, le locataire de Matignon ne va pas se gêner parfois pour se démarquer de l’Elysée. Ainsi devant le Parlement il exprime son « trouble » lors de la venue du général Jaruzelski. Il ira jusqu’à dire en parlant de sa relation avec le président « lui, c’est lui et moi c’est moi » ! Mitterrand ne blâme pas cette autonomie qu’un certain nombre de socialistes « historiques » ne prisent guère. Mais ce surdoué de la politique va connaitre un premier arrêt avec un débat complètement raté face à J. Chirac. Un proche de Mitterrand nous a confié que ce fut le « premier doute » qu’eut le chef de l’Etat sur son poulain. Précisons que par leur différence d’âge et leur rôle respectif, Mitterrand et Fabius ne sont nullement intimes. Une certaine amitié quelque peu paternelle s’est instaurée.
Fabius ou pas, les réalités économiques de la France sont le chômage, la crise économique, l’inflation.
Ce sont comme des boulets pour la gauche lors de la campagne des législatives. Le bilan est négatif est donc guère défendable. Il n’est donc pas étonnant que la droite les remporte d’autant que la campagne menée sous la houlette de L. Fabius n’a pas été bonne. Cet échec est aussi celui du premier ministre ! Le premier de sa carrière.
- Jacques Chirac : héraut de la première cohabitation de la Vé (1986-1988)
C’est donc la seconde fois que le député de Corrèze entre à Matignon. Là encore il n’est pas en phase avec l’hôte de l’Elysée. Mais, comme nous l’a confié un des ses anciens conseillers de l’époque, l’inimitié était bien plus prononcée avec VGE qu’avec F. Mitterrand !
Chirac a mené la campagne tambour battant et l’a gagné. Il est donc appelé par Mitterrand pour conduire la première cohabitation de la Vè. Le premier Conseil des ministres est glacial et le président est un peu seul contre tous. D’emblée c’est Mitterrand qui plante le décor dans un grand discours au Parlement. Une phrase va déterminer tout le contexte et fixer le scénario : « La Constitution, rien que la Constitution, toute la Constitution ». Comme nous le confia M. Charasse (qui fut aussi la plume du président) « avec ce discours Mitterrand a dégainé le premier et obligé Chirac ». Malgré tout le futur président va essayer de prendre la main, « de se mêler de tout » y compris du domaine régalien. C’est connu à présent mais l’Elysée mit en place une cellule spéciale en matière de politique étrangère. Très vite des négociations sont impulsées sous l’égide notamment de Charasse pour « calmer le jeu » et revenir à une pratique orthodoxe de la Constitution. Ce qui fut fait.
En matière militaire, pour couper court là aussi à quelques velléités chiraquiennes, Mitterrand affirmera : « la dissuasion nucléaire, c’est moi ».
C’est en politique intérieure que Chirac et sa majorité veulent réformer vite et fort notamment par ordonnances.
Mitterrand (qui ne côtoie Chirac que lors du Conseil des Ministres) prévient qu’il ne signera pas les ordonnances qui remettraient en cause les acquis sociaux.
Il met à exécution en refusant de signer des ordonnances visant aux privatisations ainsi que celles relatives au redécoupage des circonscriptions législatives françaises de 1986. Bien sûr Mitterrand (qui ne laissait jamais rien au hasard) avait bénéficié des conseils de M. Charasse mais aussi du regretté Jean-Claude Colliard, constitutionnaliste reconnu et directeur de cabinet du président depuis 1981. Que voulez-vous qu’il arrivât ? nous confessa JC Colliard. L’ordonnance fut transformée en projet de loi adopté haut la main ! « Cela finit comme cela aurait dû commencer » asséna Mitterrand. Durant cette cohabitation ce dernier se transforme en arbitre, comptant les bons et les mauvais points. Jamais avare de critiquer quand il le faut. La présidentielle de 1988 se profile à l’horizon et la côte de popularité de Chirac décline à meure que celle de Mitterrand remonte. Il va y avoir un débat avant le second tour. Il va se révéler comme le paroxysme d’une cohabitation difficile entre le président socialiste et le leader gaulliste. Au cours de cet échange, François Mitterrand terrasse son adversaire d’une réplique cinglante, le renvoyant à sa fonction de Premier ministre. Quand ce dernier souhaitait l’appeler M. Mitterrand et que lui ce soit J. Chirac. « Vous avez tout à fait raison M. le Premier Ministre ». Entre les deux, et à ce niveau de l’histoire républicaine, le courant ne passait pas. Cela changera quelques années plus tard.
- Michel Rocard : une deuxième cohabitation officieuse ? (1988-1991)
Avec Catherine Nay, on aurait pu titrer : « Les pires ennemis de la gauche ».
En 1988 Mitterrand/Rocard c’est 27 ans d’inimitié rythmée par la conquête du PS, de la gauche et du pouvoir. Lorsque, poussé par les événements et l’opinion publique, François Mitterrand nomma Michel Rocard à Matignon, ce ne fut pas de gaité de cœur. Euphémisme !
On sait en effet que les deux hommes, tellement différents l’un de l’autre, se détestaient cordialement. Une haine faite de mépris, de rivalité et d’incompréhension.
Si on devait résumer d’une phrase l’état d’esprit de Mitterrand à l’époque, ce serait celle-ci : « Rocard ? Dans 6 mois on verra à travers ! ». Et effectivement tous les témoignages se rejoignent pour dire que pour Rocard et son équipe ce fut tout sauf les « Jours tranquilles à Matignon » narrés par JP Huchon (ex directeur de cabinet du premier ministre).
A un journaliste qui lui demandait en 1998 pourquoi il avait accepté Matignon, Rocard répondit : « Curieuse question ! Vous connaissez beaucoup de gens qui refuseraient ? Vous me posez cette question car dans le cas particulier des relations exécrables qui avaient toujours eu cours depuis vingt ans entre François Mitterrand et moi, il pouvait y avoir un problème ». Par ailleurs il précise : « Et puis, malgré tout, même s’il est partiel, c’est un formidable poste d’autorité. On y fait des choses et j’en ai fait beaucoup. Certaines avec le Président et son accord. Certaines dans le silence et sans son accord, parce que c’est une compétence primo-ministérielle. D’autres carrément contre lui que j’ai réussi à faire par la ténacité. Et quelques fois nous sommes allés jusqu’au conflit. Il m’est arrivé d’en perdre beaucoup : changer le mode de scrutin des élections régionales, par exemple. Mais j’en ai aussi gagné pas mal ». Tout est dit ou presque. Qu’on le veuille ou non, l’essentiel passait par l’Elysée.
Rocard rajoute aussi qu’au-delà des « relations exécrables » avec l’ancien président de la République, il estime que « son vrai problème, c’était que Mitterrand n’était pas un honnête homme. Ma religion était assez faite sur les attitudes politiques et financières, non seulement du Président, mais aussi de l’essentiel de son entourage proche ». Là il déclencha les foudres de la mitterrandie et notamment de Charasse selon lequel « François Mitterrand l’a mis au gouvernement pour qu’il fasse la démonstration qu’il n’était pas capable et la démonstration a été faite ». Et l’ancien ministre du Budget de nous donner l’exemple du « Livre Blanc sur la Sécurité Sociale resté blanc ou presque » !
- Edith Cresson : « La femme piégée » (1991-1992)
C’est le titre d’un livre qui lui a été consacré par E. Schemla et qui résume parfaitement ce qu’a été le passage de la première femme française à Matignon. C’est F. Mitterrand lui-même qui a eu l’idée de cette nomination, trois fois ministre sous son premier mandat et qui occupait alors le poste des Affaires Européennes. Un certain nombre de proches lui avaient déconseillé ce choix (Charasse le premier). Mais elle faisait peut-être aussi partie du cercle féminin de l’homme de Latché !
Comme elle nous l’a confié ce fut effectivement aux antipodes d’une sinécure.
Certains diront un chemin de croix. D’abord les barons socialistes de la majorité lui rendirent « la vie impossible ». Certains ministres aussi.
Elle cite volontiers Bérégovoy qui attendait Matignon depuis longtemps et ne l’appréciait pas. Aussi Rocard, « furieux de na pas avoir été cité » (ce qui est discourtois il est vrai !). La droite aussi fit tout pour lui compliquer la tâche. Beaucoup de sexisme régnait également à son égard.
En 2022 lors de l’arrivée d’Elisabeth Borne, E. Cresson s’est livrée sur BFM. « Dès que j’ai été investie, j’ai été tout de suite très attaqué par les médias et par les hommes politiques, et pas seulement de droite ».
Lors de son discours de politique générale elle ne parvient pas à asseoir sa stature politique, alors qu’elle n’est quasiment pas applaudie par les députés de son parti à l’Assemblée nationale.
Et de rajouter : « Ça devient vraiment dur à partir du moment où l’on occupe un poste pour lequel les hommes pensent qu’on n’est pas légitime. Et même si on est élue et réélue, on n’est pas légitime à leurs yeux. Le suffrage universel ne suffit pas et on vous le fait sentir de bien des façons. Imaginez ce que c’est que de monter à la tribune de l’Assemblée nationale et que les hommes se mettent à crier ‘à poil' ». Personne ne peut contester que le style Cresson était on ne peut plus maladroit voire choquant. Elle multiplie aussi les maladresses. Moins d’un moins après sa nomination, elle explique par exemple lors d’une interview sur ABC News, que l’homosexualité est plus proche des « coutumes anglo-saxonnes » que des usages « latins ». F. Mitterrand n’apprécia pas qui avait dépénalisé l’homosexualité quelques années avant. Elle nous a confié avoir reproché en direct à Mitterrand de ne pas l’avoir assez soutenu. Elle le sentit assez impuissant….
Durant son bref séjour, elle aura le temps de délocaliser l’ENA à Strasbourg. Mesure purement symbolique. Quelques affaires politico-financières touchant le PS (Urba-Graco, sang contaminé) vont télescoper sa mission. Le président lui demande finalement de présenter sa démission, à peine 10 mois après son arrivée à Matignon, évoquant « les forces obscures » (?) à l’œuvre depuis sa nomination.
- Pierre Bérégovoy : premier locataire de Matignon d’origine prolétaire (1992-1993) :
En effet « Béré » comme on le surnommait au PS est issu d’un milieu très modeste (ouvrier et cafetier) et d’origine ukrainienne par son père. Lui-même est titulaire d’un double CAP d’ajusteur et de dessinateur industriel. Il commence à travailler en usine à 16 ans. Par la suite il travaille à la SNCF puis à GDF jusqu’en en 1978. Date à laquelle il entre à la SFIO, au PSU et enfin au PS. C’est dans le cadre de ce dernier qu’il rejoint F. Mitterrand au début des années 70.
Il fait ses preuves puisqu’en 1981 ce dernier lui confie pour un an le poste essentiel de secrétaire général de l’Elysée. A partir de 1982 il devient ministre des Affaires Sociales puis de l’Economie. En 1988 il pensait accéder à Matignon. Il n’en sera rien pas plus qu’en 1991. A un historien qui lui demandait pourquoi pas Béré à cette époque, Mitterrand répondit que ce n’était pas son tour.
C’est donc en 1992 qu’il accède aux fonctions tant convoitées. À 66 ans, il est le Premier ministre le plus âgé lors de sa nomination ; ce record est toujours inégalé. À Matignon, Béré doit affronter les attaques qui visent sa majorité, notamment en raison d’instructions judiciaires pour corruption touchant des proches du président de la République. Lui-même est mis en cause pour un prêt consenti par le sulfureux Roger Patrice Pelat qu’il remboursera.
Malgré les mesures prises, il se voit confronter à la persistance des difficultés économiques et au mécontentement de la gauche, qui voit en lui le symbole du ralliement des socialistes au libéralisme économique.
Au-delà des affaires, le contexte est marqué par une récession économique et une déroute annoncée aux élections législatives de 1993. Une déclaration faite par Bérégovoy à l’AFP peu avant sa nomination confirme un pressentiment face à la difficulté de la charge : « Je savais que lorsque Mitterrand me nommerait Premier ministre, ce serait parce que c’est foutu ». Bérégovoy a cru bon aussi prendre les habits du chevalier blanc de la corruption. Dans le contexte de « affaires » touchant à l’époque le PS, c’était inopportun.
Là encore il n’y avait pas de relations d’amitié entre les deux têtes de l’exécutif. Une sorte de cordialité fraternelle. Comme Mauroy, « Béré » ne faisait pas partie du premier cercle mitterrandien.
Malgré les efforts déployés par ce dernier, la situation économique, les affaires (dont la sienne pour laquelle il a pourtant été « blanchi ») vont provoquer une cuisante défaite de la gauche aux législatives de mars 1993. Mitterrand est contraint de se séparer de Béré, très affecté par cette situation, et de nommer Balladur à Matignon. Et puis le 1er mai 1993, vers 18 heures, Pierre Bérégovoy, en dépression selon certains, est découvert par son chauffeur et son garde du corps inanimé le long du canal de Nevers. D’après les constatations officielles il s’est donné la mort avec l’arme d’un de ses officiers de sécurité.
- Edouard Balladur ou sa « courtoise suffisance » (1993-1995)
Il existe un contraste certain entre la personnalité du chef de l’Etat et celle du nouveau Premier ministre. Néanmoins cette seconde cohabitation sera plus apaisée que la première. Le contexte est aussi très différent. D’abord la nouvelle majorité est la plus pléthorique depuis 1958. Ensuite le président est gravement malade et il n’a plus toutes les capacités physiques de présider. Tous les témoins de l’époque l’ont relaté.
Comme sous Pompidou, lorsqu’il était secrétaire général de l’Elysée, E. Balladur va devoir faire plus que sa mission parfois (avec le précieux concours d’Hubert Védrine).
Le domaine où F. Mitterrand souhaite garder ses prérogatives, c’est le régalien. Mais là encore, ainsi qu’a bien voulu nous le dire l’ancien Premier ministre, le président était parfois empêché (réunion par ex). Ainsi la révision de la Constitution sur le droit d’asile de 1993 a été menée pour l’essentiel par le cabinet de F. Mitterrand et celui d’E. Balladur. Idem pour l’entrée en vigueur des accords de Schengen (Mitterrand tenait beaucoup aux dossiers européens).
Assez vite l’hôte de Matignon devient populaire. Les réformes économiques entreprises pour rétablir la situation économique portent leurs fruits. Le président se contente d’observer d’autant plus que c’est son dernier mandat et qu’il n’est pas en état de lutter. Si ce n’est sur quelques acquis sociaux. La cohabitation est plutôt consensuelle.
En revanche les rapports personnels que les deux hommes entretiennent sont ambigus. Ils sont très différents et le président socialiste a du mal avec le style quelque peu ampoulé et grand bourgeois de son premier ministre.
« Ils n’étaient pas du même monde » comme l’a relevé M. Charasse. Également, du fait de l’état de santé du président, l’ancien maire de Puy-Guillaume nous a confié qu’il avait souvent fallu « batailler » pour préserver l’exercice des compétences présidentielles.
A la fin du mandat de Mitterrand, ce dernier est très souvent alité et il revient à l’hôte de Matignon d’agir le plus souvent. « J’avais déjà connu cela avec le président Pompidou » nous confia- t-il. Mais le contexte n’était pas vraiment le même. Notamment car ici le Premier ministre est candidat à l’Elysée.
Alors qu’une lutte fratricide se fait jour entre E. Balladur et J. Chirac, F. Mitterrand va, aussi discrètement qu’étonnamment, soutenir le second.
« C’est votre tour » dira-t-il à celui contre lequel il a pourtant si longtemps lutté. Un certain nombre de témoignages attestent que Mitterrand a bel et bien aidé Chirac à être élu ! Il avait finalement, à la fin de sa vie, des points communs avec son éternel rival ! Comme nous l’a confié un ancien ministre de l’époque, « Mitterrand était sensible à la sollicitude dont faisait preuve son ex premier ministre à son égard ». Ce soutien inattendu se fit aussi au détriment du candidat du PS, L. Jospin (qui paiera là son indélicat « droit d’inventaire »…).
De son côté Balladur avouera quelques années plus tard : « Mitterrand m’a fort peu gêné (…) Les entraves me sont plutôt venues d’une partie de la majorité ». Un certain nombre d’anciens ministres nous ont confié qu’E. Balladur était très interventionniste, sans concession dans ses arbitrages et qu’il ne parvenait pas à réfréner un côté « roi soleil »! Tout le contraire du « Ballamou » que certains humoristes ont bien voulu mettre en valeur !
Lors de la passation de pouvoirs au printemps 1995, une complicité certaine régnait entre J. Chirac et son illustre prédécesseur. Le duo semblait se dire on a finalement battu nos adversaires en faisant une improbable cause commune. L’échec cuisant d’ E. Balladur (éliminé au 1er tour) a démontré une nouvelle fois que Matignon n’était pas un strapontin pour l’Elysée.
Raphaël Piastra
Maître de Conférences en droit public des Universités