En Europe, nous sommes habitués à regarder comme un grand danger social l’inquiétude de l’esprit, le désir immodéré des richesses, l’amour extrême de l’indépendance. Ce sont précisément toutes ces choses qui garantissent aux républiques américaines un long et paisible avenir […]. Heureux pays que le nouveau monde, où les vices de l’homme sont presque aussi utiles à la société que ses vertus !1.
La réforme des retraites vient rappeler à quel point « l’état social » (selon l’expression de Tocqueville) d’une nation influe sur ses enjeux sociétaux, avec des répercussions dans différents champs, en particulier celui du monde du travail.
Si l’état social ne résume évidemment pas à lui seul les enjeux d’une société, il laisse néanmoins son empreinte à travers les siècles, et participe à la continuité historique d’une conscience nationale.
Cet état social est inversé, pour ce qui est de ces deux nations que sont la France et les États-Unis ; par conséquent, le rapport au travail l’est tout autant. Toutefois, malgré cet antagonisme originel, ces deux états sociaux, chacun dans sa solitude périclitant et s’aliénant, se rejoignent finalement en se dissolvant dans cet état social commun à tout l’Occident que porte la mondialisation libérale.
François-Xavier Roucaut
Psychiatre
Professeur adjoint de clinique à l’université de Montréal
- Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1835, Des causes principales qui tendent à maintenir la république démocratique aux États-Unis. ↩