Une information chasse l’autre. La presse a relégué au second plan le combat des femmes iraniennes et de ces hommes courageux, généralement une jeunesse qui a l’âge de nos adolescents. Il n’empêche. On continue de fouetter, de lapider et de pendre. J’ai écris ce texte pour les soutenir avec la seule arme à ma disposition : la plume. Mais aussi pour dénoncer un Occident dont la pusillanimité risque, si on ne redresse pas la barre, de lui être fatale.
Je suis iranien, j’ai 22 ans et je vais mourir.
Si j’ai des doutes sur l’existence du paradis, je n’en ai plus aucun sur l’enfer. Il se situe en Iran. Ici comme dans d’autres pays — tu n’imagines pas à quel point le diable s’intéresse à la mondialisation — à défaut de vivre on se prend à rêver. Et de quoi rêve-t-on ? Mais de liberté bien sûr ! Pouvoir refaire le monde avec des copains, écouter de la musique, flirter avec les filles… On aimerait bien « s’éclater » comme vous dites trop imprudemment. Car chez nous, quand un jeune s’est éclaté c’est qu’il s’est explosé dans le seul but de tuer des jeunes comme toi. — Un conseil : méfie-toi des idées et des mots.
J’ai 22 ans et je vais mourir.
Tout a commencé quand une femme s’est révoltée en retirant son hijab. Et puis il y a en eu une autre, puis une autre et encore une autre. On les a assassinées. Et puis des hommes se sont enfin réveillés et sont descendus dans la rue. On les a assassinés.
J’ai 22 ans et je vais mourir.
Dans ton pays les grues servent à construire des maisons. Ici, c’est pour détruire des vies. Je sais bien que je vais pleurer parce que, à 22 ans, on n’est pas tout à fait sorti de l’adolescence. Toi, ami de mon âge, tu as toute la vie pour penser à la mort, moi je suis déjà vieux puisque je vais mourir sans avoir eu de beaux souvenirs. Dans une heure — mais ici le « temps-qui-passe », c’est déjà de la mort — la corde islamiste me brisera la nuque. Les gens de ma génération ; je veux dire ceux qui veulent que le ciel soit bleu-libre et pas vert-islamiste ne veulent plus se taire. Ils descendent dans la rue au risque de finir accroché à une grue comme celle où je serai étranglé. Et quand je la verrai, j’aurais forcément la trouille. Et puis on me mettra la corde au cou. Et puis, je chialerai. Et puis la corde me serrera de plus en plus fort. Je donnerai n’importe quoi pour perdre connaissance le plus rapidement possible ! Que veux-tu ! On nous croit courageux mais au final quand vient le moment, on se fait dessus. On m’a même dit que ça les faisait sourire cette peur des dernières minutes.
J’ai 22 ans et je suis mort.
Ne me demandez pas s’il y a des anges, s’ils ont des sexes, si Dieu existe ; enfin toutes ces choses qui sur Terre font débat mais qui, d’où je suis, sont dérisoires. Sachez seulement qu’il existe une planète spéciale pour les millions de salaud comme Torquemada, Hitler, Staline, Khomeny pour ne citer que les plus à la mode. Cette planète, c’est une boule de soufre. Selon mes informations il y a encore pas mal de place et pas mal de clients repérés ce qui n’est pas rassurant pour votre avenir, les enfants. A croire que la faucheuse s’est convertie à l’islamisme et par ricochet s’est faite copine avec tous les tyrans du moment. N’oubliez jamais que si les dictatures naissent dans le sang, elles finissent tôt ou tard par crever dans le sang. L’islam politique finira comme ça à condition que l’esprit de résistance soit encore pour vous une valeur sûre.
Les Iraniens — pas les vert-de-gris, tendance islamiste bien sûr — aimeraient bien qu’on s’occupe d’eux comme vous vous occupez des Ukrainiens. On aurait aimé vous entendre crier « Je suis Iranien » comme vous avez manifesté d’une seule voix « Je suis Charlie» A Paris il y a une rue qui s’appelle rue de Téhéran. Ça serait bien une manifestation comme celle-ci dans une rue comme celle-là, non ? Mais, disons-le tout net, nous ne sommes que des morts lointains, des assassinés d’ailleurs. Personne dans les chancelleries pour nous soutenir, pas de grands discours, pas de livraisons de chars César, Marc-Antoine, Tibère ou je ne sais pas quoi. Quant à Biden, il préfère regarder ses pompes que voir la dictature iranienne en face…Poutine ça se comprend, qui se ressemble s’assemble. Les Puissants ne sont que des impuissants, des couards, des soumis qui se croient insoumis. J’arrête là, je risque de devenir grossier. Pardon ami. Tu n’es pas responsable de ces faux-jetons, et pourtant, il y a des moments où je me demande si ton silence n’est pas pire que les grues de Téhéran. Au lieu d’un soutien clair et sincère à la cause des femmes iraniennes, il y a même eu des folles qui, « par fraternité féministe » ont décidé d’une « journée où tout le monde porterait le hijab ». Tu parles d’un soutien ! Imagine une seule seconde, que pour, pour exprimer le soutien à tous les homosexuels pourchassés — et l’Islam n’est pas en retard sur la chose — tous les hétéros passeraient à la casserole toute une nuit complète avec un mec pour faire ce que tu imagines. Le Hijab genre show-room ! la gay-attitude-24-heures-chrono … Pourquoi pas, pendant qu’on y est, une journée happy-cocaïne pour tout le monde ?
Le peuple iranien souffre. Il comme ces malades en fin de vie à qui le médecin vient dire « ne vous en faites pas, tout va bien se passer ». Hezbollah, Hamas, Iran, Houtistes, Frères Musulmans, dictatures islamo-militaires et régime militaro-islamistes, intégristes de tout bord et à tout ceux qui ont pris le sacré en otage, nous leur disons que rien ne se passera comme ils le veulent, parce que nous ne sommes pas en fin de vie.
En vous détournant les yeux de la folie islamiste, en pensant que « ça se tassera » vous rendez- vous compte, amis des pays libres, que vous mettez votre tête sur le billot ?
J’ai 22 ans et je suis mort.
Peut-être vais-je enfin comprendre bien des choses ? La question des Juifs par exemple. Depuis que je suis tout petit on m’a dit qu’il fallait les tuer et que ce qu’ils appellent la « Shoah » c’est de la propagande américano-sioniste. L’école n’est pas là pour nous éduquer, elle est là pour nous fanatiser. On lave les cerveaux. On nettoie les consciences. On gomme les volontés. A voir les hommes dans leur cruauté comme les ai vus en Iran, comment ne pas penser qu’il y a eu d’autres salopards pour tueurs d’autres hommes, d’autres femmes et d’autres enfants parce qu’ils étaient juifs, chrétiens, arméniens, bouddhistes ou je ne sais quoi encore.
Les vrais criminels de guerre, ce sont ceux qui fouettent, qui lapident, qui pendent, qui décapitent, qui assassinent à la mitraillette. Quand est-ce qu’une grande puissance aura assez de courage pour les assigner devant un tribunal ? Faute de justice divine, peut-on encore croire à la justice des hommes ?
Michel Dray,
Historien,
Président de l’Association Internationale ZONE LIBRE (Zone Libre regroupe à ce jour des universitaires, des acteurs de la société civile, des artistes issu de 12 pays différents.)