A l’approche du Printemps des Technologies, la Revue Politique et Parlementaire a interrogé plusieurs intervenants sur leur vision de l’IA. Professeur émérite de neurologie et de biologie cellulaire et membre de l’Académie des Sciences, Yves Agid débute cette série d’entretiens.
Revue Politique et Parlementaire – Que dit de nous notre rapport à l’IA ?
L’intelligence artificielle est une réalité qui bouleverse désormais l’existence des êtres humains. Les ordinateurs sont utiles pour prédire à partir des données existantes, mais ils font peur car, si les machines peuvent arriver à penser comme notre cerveau peut le faire, ils pourraient prendre notre place. Aussi, la question à retenir est : est-ce que les machines auront un jour une conscience, des émotions, une capacité à créer ?
RPP – A-t-on besoin de créer ?
Yves Agid – L’intelligence artificielle peut produire du nouveau à partir d’une complexité que l’intelligence humaine ne peut décrypter. Mais la créativité, ce n’est pas seulement faire du nouveau, c’est faire du nouveau qui ait de la valeur. Or, les êtres humains sont les seuls à pouvoir créer de la sorte, ce qui leur confère une autonomie.
RPP – En quoi l’intelligence humaine est-elle différente de l’intelligence artificielle ?
Yves Agid – À la différence de l’ordinateur, les comportements humains sont régis non seulement par la logique, mais par les émotions, sous le contrôle de la conscience et plus particulièrement la métaconscience (qui est une pensée sur ce qu’on fait, ce qu’on est), laquelle est le fondement de l’éthique. La raison que le cerveau dispose de millions de réseaux de neurones qui se font et se défont, ce qui lui permet d’être modulable et adaptable, avec, de plus, 100 milliards d’autres cellules, 600 kilomètres de capillaires, et un milieu interstitiel, le tout constituant un véritable « milieu intérieur cérébral ».
Yves Agid
Professeur émérite de neurologie et de biologie cellulaire
Membre de l’Académie des sciences
Propos recueillis par Mathilde Aubinaud