« La mission première de l’Unedic n’est plus de financer l’indemnisation du chômage mais de financer
les politiques publiques de l’emploi, les établissements publics et de créer de la dette hors du périmètre
des lois de finances. » C’était l’introduction d’une précédente tribune, ici publiée 1. L’actualité vient marquer une étape nouvelle dans cette évolution de la mission de l’Unédic qui devient financeur de l’État.
C’est au souci de transparence et de bonne gestion de la gouvernance de l’Unedic, qui publie, le 20
février, sa note périodique sur la situation financière de l’assurance chômage 2, que l’on doit un éclairage diplomatique sur la réalité crue sur cette nouvelle étape de la mutation de l’organisme encore paritaire.
L’Unedic présente dans cette note les perspectives financières de l’organisme telles qu’elles résultent des prélèvements opérés sur sa ressource financière par l’État et ce qu’elles seraient sans ces prélèvements. Il faut apprécier l’exercice à sa juste valeur, celle de la vérité.
L’État avec la réforme de 2017-2018, substituant une CSG-chômage à la contribution salariée, prenait la main sur le pilotage financier du régime. L’Unédic devenait comme un opérateur comptable de l’État, comme une chambre de compensation, comme un clearstream social. Prendre la main sur le pilotage c’était se donner la capacité de prendre l’argent, c’est fait.
Les perspectives de recette illustrent cette transformation de l’Unedic qui perd, peu à peu, sa nature d’organisme financeur et gestionnaire d’un régime assuranciel du risque chômage :
- 2024 : 48,1 Mds € hors prélèvements de l’Etat mais 45,5 Mds après prélèvements,
- 2025 : 49,35 Mds € hors prélèvements, 46 milliards après prélèvements,
- 2026 : 50,6 Mds € hors prélèvements, 46,5 milliards après prélèvements.
Le résultat des prélèvements opérés par l’État sur la ressource de l’Unedic se mesure dans la dette de l’Unedic qui, de 59 Mds fin 2023 3, ne sera pas ramenée à 37,1 Mds fin 2026 mais sera de 49,7 Mds du fait des prélèvements opérés par l’État.
Des observateurs experts de la finance publique peuvent légitimement (!) dire que dette publique il y a et qu’il importe peu qu’elle soit supportée par l’Unedic ou par l’État. S’ils poursuivent le raisonnement ils ajouteront que l’État perçoit, de cette façon, les bénéfices des dernières reformes (tout comme il envisageait de capter partie des « réserves » de l’Agirc-Arrco).
À ces observateurs qui font un tout des prélèvements dits obligatoires, amalgamant impôts, taxes et cotisations sociales, on peut adresser des félicitations : ces prélèvements sur l’Unedic sont une taxe nouvelle qui, sans dire son nom, porte « en même temps » sur les entreprises et les individus.
Sur les employeurs particulièrement parce que leur contribution à l’assurance chômage finance autre chose que le risque chômage. Une taxe nouvelle, à 12 Mds sur 3 ans, qui satisfait à une logique de moyens, pour France compétence et France travail, dont on peine à voir quelles obligations de résultat sont jointes à cette logique de moyens. Il y a bien l’objectif du plein emploi mais ne dépend-il pas bien davantage de la conjoncture économique que de l’administration du chômage et du financement d’établissements publics ? Une taxe nouvelle donc qui, avant de « raboter » les droits à indemnisation, taxe le travail (dont on n’arrête pas dénoncer le coût).
Imaginons que l’urgence budgétaire ait fait place à une réflexion économique. Imaginons qu’au financement d’établissements publics imposé aux gestionnaires de l’Unedic « on » ait préféré imposer aux partenaires sociaux de baisser, un peu, la contribution employeur à l’assurance chômage. Imaginons que dans le souci du pouvoir d’achat (celui-là même qui faisait substituer la CSG à la contribution salariée) « on » ait décidé de baisser, un peu, la CSG-chômage… (On n’osera pas imaginer que les partenaires sociaux se soient vu imposer de revaloriser les droits à indemnisation). Il aurait alors fallu trouver à financer ce qui n’aurait pas été capté sur l’Unedic nous diraient les experts de la dette publique (qui ne manqueraient pas d’ajouter qu’il s’agirait là de « dépenses fiscales », ce qui est crime de lèse fiscalité).
Oui messiers, mais puisque dette il y a qu’elle soit supportée par l’État ou par l’Unedic importe et c’est bien qu’elle le soit par l’État quand c’est lui qui la crée – pour de bons motifs évidemment.
« L’État dégrade davantage la situation financière de l’Unedic que sa gestion paritaire 4» et force ainsi à un changement de nature. L’assurance chômage n’est plus seulement un filet de protection ou un amortisseur social : l’État ajoute à l’Unédic la mission d’amortisseur budgétaire. Il a raison ! L’Unedic est légitime en ce domaine : son expertise dans la pratique des émissions sociales- social bonds 5 sert déjà autant la dépense sociale que … les impasses budgétaires de l’État.
Michel Monier,
Membre du Cercle de recherche et d’analyse de la Protection sociale- Think tank CRAPS est ancien Directeur général adjoint de l’Unedic.
Source photo : HJBC / Shutterstock.com
- Assurance chômage et carambouille budgétaire (à quoi sert l’Unedic ?) ↩
- Situation financière de l’assurance chômage pour 2024-27 accessible via www.unedic.org ↩
- Après 63,6 Mds en 2021 dont 26,6 Mds résultant de la crise sanitaire et des mesures d‘urgence. ↩
- Bruno Coquet, OFCE, in Info-socialRH, 11 septembre 2023. ↩
- Cf. Social Bond 2021 : publication du rapport d’allocation et d’impact accessible vi,a www ;unedic.org ↩