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dans Economie, N°1098

La dette publique implacable

Jean-Yves ArcherParJean-Yves Archer
26 février 2021
La dette publique implacable

Depuis de nombreux mois, la dette suscite des discours enflammés où des procureurs parfois obtus invectivent des avocats de circonstances. La controverse est saine si elle n’est pas vaine polémique. Ici, il est tenté d’être une sorte d’amicus curiae au service du nécessaire débat technique et surtout constructif.

L’économie politique est remplie de concepts plus ou moins complexes à analyser voire décrypter. Tout le monde n’est pas familier avec la propension à épargner explicitée par John Maynard Keynes ou la baisse tendancielle du taux de profit formalisée par l’école marxiste.

Pour la dette, il en va autrement. C’est une notion familière aux citoyens car proche de leur vie quotidienne. Chacun gère son budget et palpe ainsi les contours rugueux de la notion d’endettement voire de passage en commissions de surendettement sous l’égide de la Banque de France.

Si la dette domestique est un mot-clef pour des milliers de ménages et d’entreprises, la dette publique parait sinon plus abstraite du moins faiblement exigeante. Son ampleur provoque une distance avec son caractère pourtant implacable. L’effet loupe des sommes en jeu altère la capacité individuelle d’entendement.

À l’heure où la crise économique issue de la Covid-19 est en passe de plonger plus d’un million de personnes dans le chômage et plus d’un million deux dans la pauvreté (source Secours populaire), le débat sur la dette publique peut sembler superfétatoire voire indécent comme « une discussion d’intellectuels qui ont trop mangé » pour reprendre le mot de l’ancien président Abou Diouf émis lors d’une conférence internationale sur le dialogue Nord-Sud.

La dette : variable de rang 2

La dette publique française connaît une dynamique impressionnante. De 2 000 milliards d’euros en 2014, elle se hissera à plus de 3 000 Mds en 2023 (source Minefi). Si une partie de la dette issue de la Covid-19 (soit 10 % du PIB) mérite vraisemblablement d’être juridiquement cantonnée et est une variable de rang 1, le reste de la dette – soit les 110 % du PIB – relève d’une variable de rang 2. L’étiologie, la science des causes, nous enseigne en effet que cette dette vient de notre déficit public qui est structurel depuis 1974. Quand un pays ne parvient pas à boucler son exercice budgétaire à l’équilibre (variable de rang 1), il ne peut que donner naissance à une dette publique corrélée mais subséquente (variable de rang 2).

Autrement dit, pour qui veut penser la question de la dette publique, cela revient de manière intransigeante à poser le débat de notre déséquilibre budgétaire. Il ne s’agit nullement d’une coquetterie d’énoncé mais d’un prérequis analytique autant que factuel.

En guise de slogan, certains libéraux considèrent que « La France vit au-dessus de ses moyens » (Raymond Barre) mais fort peu sont en capacité de proposer une sérieuse réforme de la dépense publique. Il y a beaucoup d’incantations pour peu de perspectives opérationnelles.

La France reste donc confrontée à sa dette qu’il faut définir de manière plus affinée étant entendu que sa dynamique intrinsèque a déjà été évoquée.

La dette en quelques chiffres-clefs

La dette des APU (Administrations publiques) se décompose en trois sous-ensembles définis par la Comptabilité nationale. D’une part l’État et les ODAC (organismes divers d’Administration centrale), les ASSO (Administrations de Sécurité sociale) et les APUL (Administrations publiques locales).

La dette de Maastricht s’élevait à 98,1 % du PIB en 2019 soit 2 380 Mds d’euros. Selon l’Insee, à la fin du deuxième trimestre de 2020, la dette publique s’établit à 2 638,3 Mds d’euros.

Ainsi, la dette s’est accrue de 258,3 Mds entre ces deux bornes calendaires ce qui suscite une forme de vertige que l’opinion ressent à plus d’un titre.

Selon une approche conventionnelle classique, on regarde la situation au travers du ratio dette sur PIB. Cela fait techniquement sens mais n’est guère parlant pour le décideur public ou pour le citoyen. À cet égard, il semble nettement plus avisé de mettre en perspective l’endettement avec les facultés contributives de la nation. Ainsi, de souligner le lien entre la dette et la pression fiscale dont on sait, par ailleurs, qu’elle est élevée en France au regard des autres pays membres de l’OCDE.

260 Mds de dette en plus, c’est un peu moins que les 306 Mds du total des recettes fiscales que le PLF pour 2020 portait. D’évidence, il est requis de mettre en parallèle la dette explicite totale (2 638 Mds) avec les rentrées fiscales. Tel un mauvais film destiné à faire émerger des peurs, on doit noter que pour absorber la dette, il faudrait 8,6 années de pression fiscale intégrale sous la condition explicite et fort hypothétique que le pays présente un budget hors trace de déficit budgétaire. Si l’on approfondit ce raisonnement, on doit – faute de rigueur – inclure les 93 Mds de déficit votés initialement lors du PLF 2020 et bien évidemment garder en ligne de mire que les déficits prévisionnels pour 2020 (-10,2 % du PIB) et pour 2021 (-6,7 %) établis et rendus publics (voir PLF 2021 et PLFR4) atteignent d’ores et déjà – avant la crise de la deuxième vague sanitaire – des montants qui sont proches de 160 Mds.

Sous cette contrainte forte, on en déduit qu’une campagne de désendettement de la France nécessiterait, en mode réaliste, près de 14 années d’effort national continu. Autant dire qu’il est illusoire de penser réduire la dette, même d’un tiers, dans les dix ans à venir à charge fiscale non alourdie. Ici, encore, la dette paraît implacable et alimente le bien-fondé de l’analyse de David Ricardo : « Les dettes du jour sont l’impôt de demain ». Tout comme le sera le probable alourdissement fiscal allant au-delà de 3 à 5 Mds issu d’un nouvel ISF avec maintien de l’IFI.

D’évidence, à l’approche de l’échéance électorale faîtière de 2022, notre légendaire laxisme structurel pluri-décennal en matière budgétaire est renforcé par des coups de boutoir violents qui découlent de la crise sanitaire.

La lecture de rapports documentés et pondérés de la Cour des comptes conduit à poser la question de la frugalité non aboutie de la gestion publique. Là se loge la pierre angulaire du sujet.

Il n’est pas indifférent, à l’heure où le plan de Relance vise l’investissement, de relever l’écart quasi-systématique existant entre le calcul prévisionnel d’une infrastructure publique et son coût à réception finale. Ces glissements budgétaires visent les lignes LGV, les lycées, les hôpitaux, les logiciels intégrés, l’EPR et traduisent une difficulté contemporaine que des personnalités comme Paul Delouvrier ou Marcel Boiteux auraient très probablement su dompter voire éradiquer au moyen de méthodes de travail bannissant le risque des tâches effectuées en silos. De la meilleure gestion publique dépend directement l’amoindrissement de la dette publique comme l’a démontré le regretté professeur Pierre Lalumière.

Les flux et l’anatocisme

L’Agence France Trésor, dont le minutieux travail est rarement salué, va lever 360 Mds d’euros cette année. Autrement dit, si le chiffre total de la dette a un sens, il faut garder à l’esprit que nous sommes en présence d’une sédimentation de flux qui correspond aux tranches de dettes échues et, d’autre part, aux nouvelles tranches d’emprunts souscrits.

Ce mouvement d’effacement et de souscription digne des marées de Bretagne est implacable même si la faiblesse des taux d’intérêt le rend effectivement plus supportable. À terme, la France s’endette dans des meilleures conditions contemporaines qu’il y a 15 ans. Cette année, en 2020, la charge de la dette sera moindre qu’en 2019. De surcroît, notre pays parvient à bénéficier de taux d’intérêt négatifs (autour de -0,22 %) qui traduisent derechef la qualité de sa signature même s’il n’est pas interdit de penser que l’épargne française (supérieure à 5 240 Mds d’euros hors immobilier) influence l’appréciation de nos créanciers et endosse ainsi un rôle de caution de fait de la dette publique.
Les Finances publiques sont dégradées et en l’absence d’une comptabilité patrimoniale exhaustive de l’État, pourtant notoirement réclamée par les anciens ministres Alain Lambert et Jean Arthuis, la qualité de signature du pays vient d’une abolition de frontières entre la sphère publique et l’épargne des ménages voire leur patrimoine immobilier que des organismes tels que France Stratégie ont dans le collimateur ce qui conduit à des préconisations qui remettent en cause, peu ou prou, le droit de propriété (notion de loyers fictifs).

En clair, dans certains bureaux publics, on raisonne avec des voies et moyens potentiellement implacables et finalement ouvertement confiscatoires.

Les économistes conviennent que notre dette n’est probablement pas très éloignée du point à compter duquel elle sera insoutenable.

Les recherches internationales sont diverses mais aucun consensus ne ressort des analyses récentes : la barre des 100 % du PIB ne fut, in fine, que symbolique.

Pourtant, de manière basique, il est acquis qu’il existe un plafond de titane au-dessus duquel l’endettement serait plus qu’hasardeux. Les taux bas et le rappel effectué par Olivier Blanchard – ancien chef économiste du FMI qui a souligné que la mer est calme tant que le taux de croissance est supérieur aux niveaux des taux d’intérêt – milite pour la poursuite d’une « dose » d’endettement. D’argent parfois qualifié de magique.
Reste que le service de la dette – les intérêts annuels à payer – représente d’ores et déjà une ponction budgétaire supérieure au premier budget ministériel, à savoir celui de l’Éducation nationale, et qu’en cas de remontée des taux « qui est nécessairement inscrite dans notre futur commun » (Jacques de Larosière), la France pourrait être confrontée à une charge annuelle dépassant 60 Mds d’euros.

En cas de blocage budgétaire, notre pays pourrait être amené à recourir à des mécanismes conventionnels d’anatocisme.

En droit – selon l’ancien article 1154 du Code civil devenu 1343-2 – les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts –, dès lors cela revient à considérer que le service de la dette pourrait – sous réserve d’acceptation du ou des créanciers – être intégré au principal de la tranche d’emprunt considéré. Ce n’est pas de bonne gestion – image de la boule de neige qui s’étoffe sans cesse – mais cela éviterait une impasse budgétaire en année n. Le banco plutôt que le fiasco ?

La monétisation de la dette

Depuis la crise de 2008 mais surtout depuis la crise de l’euro en 2011, la BCE a opté pour une politique accommodante (dite de « quantitative easing ») reposant sur un puissant stimulus monétaire.

La dynamique contemporaine de la monnaie a été modifiée. Ainsi, si la création monétaire provient toujours des crédits distribués par les banques commerciales, il est impératif de relever l’apparition vigoureuse d’une monnaie institutionnelle, dite banque centrale.

Au plan juridique le plus absolu, la monétisation de la dette publique des États composant la zone euro est strictement proscrite par l’article 123 du Traité de Lisbonne qui bannit explicitement le fonctionnement de la planche à billets. Mais force est de constater que la BCE procède à des rachats d’actifs publics dans des proportions conséquentes. Comme le démontre le professeur Markus Kerber avec virulence et comme l’a rappelé la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe l’indépendance de la BCE est une question d’importance qui est habilement égratignée par sa pratique consistant à augmenter son bilan de près de 1 600 Mds en moins de deux ans. Et ceci avant l’éventail de décisions du mois de décembre 2020 en réponse à la virulence de la deuxième vague de l’épidémie sanitaire.

Même si le terme est partiellement impropre, il est établi que la monétisation des dettes publiques par la BCE se traduit par des segments impressionnants d’achats d’actifs : 180 Mds (il y a un an), 120 Mds le 12 mars et 750 Mds le 19 mars. Plus de mille milliards ont été injectés en soutien à l’économie ce qui a nourri le financement des obligations d’État lié aux dettes publiques, la hausse des réserves des banques commerciales auprès de l’Institut d’émission ainsi que des phénomènes ponctuels de bulles comme dans l’immobilier. Le bas niveau des taux d’intérêt étant, dans ce dernier cas, considéré comme déterminant.

Nous assistons par conséquent à une réponse monétaire sans précédent afin d’endiguer les forces de la récession dans l’Union. La séquence étant ouverte par une sorte d’open bar des dettes nationales suivie d’une validation forcée par les achats de la BCE.

Critiquable pour certains comme l’économiste libéral Jean-Marc Daniel, il faut relever que cette politique ne rencontre pas d’alternative formalisée pour nous éviter un choc récessif d’ampleur.

Les leçons de certains ne forgent pas un corpus de solutions.

La dette hors-bilan

Face à la crise économique dont 2021 devrait être le pic, les Pouvoirs publics français se sont magistralement penchés sur la question de la trésorerie des entreprises. Ainsi, il a été mis en place un programme de prêts garantis par l’État à hauteur de 300 Mds d’euros. La garantie portant sur 90 % du nominal – le risque bancaire net est donc mathématiquement plafonné à 10 % – via le relais opérationnel de BPI France.

À ce jour, 130 Mds ont été consommés. Lorsque le terme de ces prêts surviendra – et il a déjà été repoussé dans certains cas d’espèce –, il y aura nécessairement et hélas un taux de sinistralité donc un appel en garantie de l’État. Pour l’heure une somme a été, conformément à la rectitude budgétaire, provisionnée. Elle rejoint la masse des « Engagements financiers de l’État » particulièrement bien analysée par un rapport – en date du 21 novembre 2019 – de la sénatrice UDI Nathalie Goulet alors membre de la commission des Finances et désormais vice-présidente de la commission des Lois du Sénat.

Deuxième illustration, l’Unedic va devoir s’endetter du fait de la redoutable crise de l’emploi qui commence à se traduire dans les faits. Déjà lesté par une dette de plus de 43 Mds, il est clair que cet organisme, partie intégrante de notre modèle social et paritaire français, ne pourra lever des lignes d’emprunts qu’avec la garantie de l’État.

Autrement dit, les engagements financiers de l’État vont s’alourdir de 20 voire 25 Mds additionnels.

Troisième illustration fort significative, contrairement aux obligations du secteur privé, l’État ne provisionne pas, au mois le mois, les futures pensions de ses agents malgré des remarques de l’OCDE l’invitant à procéder classiquement.

Ainsi des milliards sont inscrits au Tableau des engagements financiers au sein de la Comptabilité de l’État.

Toutes ces cautions et garanties (voir le navrant dossier Dexia dans lequel la garantie de l’État a été appelée au chevet du dossier des emprunts toxiques initialement souscrits par les collectivités territoriales) ne se retrouvent pas dans la dette publique au sens de Maastricht (soit près de 120 % du PIB et 2 700 Mds) dite dette explicite mais dans les « engagements financiers de l’État » autrement nommés la dette hors-bilan voire la dette implicite.

Du rapport sénatorial précité et de travaux de la Cour des comptes, il ressort que la dette hors-bilan a augmenté de plus de 200 % depuis 2006 et atteignait 4 115 Mds d’euros en 2019 soit 168 % du PIB sachant que les « contours » (sic) de cette dette demeurent incertains selon les deux sources précitées.

Plusieurs estimations émises par des personnalités autorisées et par mes propres travaux sur ce sujet depuis dix ans estiment que l’État est totalement en capacité d’éluder certains points notamment les charges à prévoir lorsqu’il est son propre assureur. Loin de nous l’idée de demander l’inscription prévisionnelle du coût d’un incident nucléaire dans la dette hors-bilan mais à l’inverse, il demeure troublant de devoir constater que le Tableau des engagements hors-bilan n’inclut pas exhaustivement les charges inférieures au milliard d’euros. Il y a là un zest d’opacité qui n’est pas respectueux des membres du Parlement et par ricochets des contribuables.

Tout un chacun doit savoir que les pensions et retraites pèsent pour 2 800 Mds d’euros et que l’État joue sur l’apparition différée et graduelle de l’exigibilité de cette somme (supérieure à la dette publique explicite) pour être ainsi en mesure d’y faire face.

En consolidant les deux dettes, à l’instar des agences de notation, on parvient à un total provisoire d’environ 275 % du PIB. Soit plus de vingt ans de pression fiscale hors nouveau déficit budgétaire.
Les dettes publiques explicite et implicite sont donc l’affaire d’une génération entière de contribuables.

Bien entendu, tout n’est pas immédiatement exigible. Comme la caution accordée par des parents au bailleur détenteur de l’appartement où leurs enfants sont locataires. Mais nous savons bien que les aléas de la vie peuvent conduire à actionner ladite caution.

D’évidence, certains postes sont en croissance et de notoriété publique. Reprise partielle de la dette de la SNCF ou de celle des hôpitaux. L’État, avec le hors-bilan, déplace des sommes qui sont de la même importance quantifiée que le produit de l’impôt sur le revenu ou la moitié de la TVA.

Qui en parle ? Qui en avise les Français ?

Cette dette hors-bilan est soumise à une axiomatique critique par certains des économistes dits « atterrés ». Ils considèrent que l’État a une dimension atemporelle et que son éternité théorique permet de ne pas « s’affoler » (Henri Sterdyniak) face au hors-bilan.

La dette est implacable mais trouve des avocats qui, parfois, imitent les trois petits singes qui esquivent le monde du réel pourtant largement décrit par le rapport de Michel Pébereau de 2005 commandité par le ministre des Finances Thierry Breton.

Comme disait le doyen Georges Vedel, on juge aussi un pays à l’aune de sa lucidité budgétaire. Propos repris, à plusieurs reprises, par le regretté Guy Carcassonne.

Cette irruption de juristes éminents dans un débat de Finances publiques est révélateur de la puissance des enjeux en cause et des tentations qu’ont eu certains gouvernants de recourir à de la cosmétique comptable (« window-dressing »).

C’est ici que je milite inlassablement pour une prise en cause la plus exhaustive possible des dettes explicite et implicite afin que le diagnostic pré-opératoire soit le plus exact possible.

Le cantonnement de la dette Covid

Le gouvernement est confronté à une crise parfaitement qualifiable d’historique. Face aux risques de fractures économiques et sociales, il a opté pour la leçon keynésienne visant le recours massif à l’arme budgétaire.
De là le discours – que l’on doit valider – : « la dette n’est pas le problème du moment » et qui vient d’être repris dans une communication récente de Christine Lagarde.

Toutefois, l’État ne s’interdit pas de réfléchir, avec d’autres parties prenantes.

À cet effet, il est apparu la notion de cantonnement de la dette Covid-19 d’autant plus intéressante que la France replonge dans une deuxième vague épidémique dont la vigueur semble – à nouveau – redoutable et qui va, hélas, réalimenter la dynamique de la dette nationale.

Dans l’optique de bâtir un pare-feu entre l’endettement qui vient d’un risque de laxisme budgétaire lié aux opérations courantes (le train de vie de la sphère publique) et la dette provoquée par la Covid-19 et les plans de soutien à l’activité, l’État envisage de s’inspirer du dispositif existant dans le domaine social. Ainsi, il pourrait être élaboré, via une loi organique ad hoc en 2021, un organisme du type Cades qui avait permis d’isoler la dette de la Sécurité sociale.

Plusieurs chiffrages sont évoqués : 200 Mds seraient ainsi transférés à la Cades (ou à une nouvelle entité) dont la durée d’existence passerait alors de 2024 à 2033.

Pour mémoire, la dette française a augmenté de 210 Mds au deuxième trimestre de 2020 soit 12,7 points de PIB.

L’idée du cantonnement de tout ou partie de la dette publique Covid-19 se posera. C’est imparable pour la présentation des Finances publiques s’agissant d’une dette qui va continuer d’être implacable dans sa dynamique haussière en 2021 et dont Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes a annoncé, lors d’une récente audition devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale que « la dette se vengera » tandis que l’estimé François Ecalle (site « fipeco ») effectuait une analyse conséquente des scénarios de la dette dans la décennie à venir.

Juguler la dette

Si la coalition des forces de gauche avait remporté les élections législatives de 1978, François Mitterrand souhaitait avoir pour ministre de l’Économie et des Finances, André Boulloche, technicien rigoureux de la matière budgétaire et des arcanes parlementaires prématurément emporté par un crash aérien.

Convoquer, hic et nunc, le nom d’André Boulloche c’est un signe à destination de celles et ceux qui rêvent d’un big-bang de la dette là où le potentiel ministre ne cessait déjà d’expliquer que le financement de la mise en œuvre de politiques publiques volontaristes impliquerait plus de dette mais une dette féconde pour le pays. Vouloir une France sans dette, cela conduit à un étranglement de notre économie tant celle-ci est dépendante de la commande publique et autres achats de la sphère étatique. Ici, nous sommes au-delà des pétitions de principe à visée politicienne. Nous devons respecter la franchise qu’impose la connaissance des faits. Par exemple, si la cinquième branche de la Sécurité sociale est enfin mise sur les rails, il est clair que ses ressources ne seront pas uniquement issues de cotisations mais aussi, pour une part, de la dette.

La question, dans un pays où le déficit budgétaire chronique nourrit sans répit la dette publique, n’est pas de juguler celle-ci mais de réussir un découplage entre le palliatif le plus évident – à savoir l’impôt – et les trois autres pistes possibles autant que crédibles. Vouloir reprendre la matraque fiscale reviendrait à stimuler l’austérité.

Une première piste aurait pu être l’inflation mais deux écueils se dressent. D’une part, son niveau très bas va être relancé par les forces découlant de la récession. D’autre part, il faudrait des décennies d’inflation pour absorber une telle dette. La lecture du Rapport économique, social et financier (RESF) annexé au PLF pour 2021 le démontre.

Actionner la durée de la dette, au niveau national voire au sein des pays de la zone euro, donc jouer sur la maturité des multiples tranches d’emprunts paraît une action recevable. Un créancier peut accepter un étalement temporel plutôt qu’un risque accru. L’Agence France Trésor a les talents pour effectuer cette gestion des biseaux pour prendre un terme de planification industrielle. Il ne s’agit pas de s’exciter sur la notion de dette perpétuelle mais d’acter qu’une crise inédite au niveau d’un siècle entier comme celle que nous subissons de plein fouet appelle peut-être à réfléchir à la notion d’amodiation pour qui se souvient de l’ampleur du patrimoine foncier (et foncier bâti) de l’État.
Pour mémoire, l’amodiation est l’acte par lequel une entité publique affecte à un tiers – qui peut être son créancier d’origine – un terrain pour une durée limitée et conventionnellement réversible.
Oui, j’estime que l’amodiation est une voie à examiner lors d’une restructuration conséquente de la dette publique française.

Troisième piste, il faut savoir élaborer une ingénierie comptable interne au bilan de la BCE. J’en suis convaincu.

Certains économistes, dont l’eurodéputée Aurore Lalucq, ont publié (Le Monde, 12 juin 2020) un texte intéressant selon lequel « La BCE devrait, dès maintenant, annuler une partie des dettes publiques qu’elle détient ».
Compte-tenu des Traités et statuts régissant la BCE, la voie semble raide et pourrait, de surcroît, poser une question relative à la contrepartie de la masse monétaire. Jouer habilement avec le passif de la BCE, c’est prendre le risque de voir ses fonds propres s’enfoncer en territoire négatif.

Point crucial, il y aurait un risque de porter atteinte à la valeur de l’euro.

« L’action de la banque centrale est conditionnée par son objectif monétaire de stabilité des prix plutôt que par les besoins budgétaires des pays membres. Remettre cela en cause, ce serait mettre en risque la confiance dans la monnaie. » (Gouverneur de la Banque de France, F. Villeroy de Galhau).

Néanmoins, il existe certainement un corridor au sein duquel l’ingénierie et la volonté politique doivent rendre possible une réflexion technique portant sur l’annulation de droit ou de fait des dettes actuellement détenues par la BCE.

Dette publique et énigmes contemporaines

La situation présente comporte plusieurs énigmes.

Tout d’abord, tant de création monétaire n’a pas fait surgir des forces inflationnistes.

Puis, il y a l’énigme de la durée – impossible à évaluer – du maintien de taux d’intérêt bas voire négatifs.

Enfin, sachant que l’identité des créanciers qui détiennent la dette française est mal connue du fait de l’existence d’un marché secondaire qui ne peut être documenté par l’Agence France Trésor, l’idée d’une restructuration de la dette française est d’autant plus complexe et pourrait s’avérer être tout autre chose qu’un parcours de santé.

Après ces trois énigmes, il faut rappeler une évidence. Ceux qui pensent que l’on peut être brutal avec des créanciers le jour J doivent impérativement garder à l’esprit qu’étant en position budgétaire structurellement déficitaire, la France aura besoin de prêteurs à J + 1. Le jour J ne sera pas simple, pas davantage que le jour d’après. La dette, vis sans fin ? Le déficit budgétaire, vice sans fin ?

Dans les premiers jours de 2021, une certaine euphorie a découlé des perspectives ouvertes par la vaccination. Puis, les aléas logistiques en France et l’émergence sur notre territoire du variant britannique plus contagieux ont changé la donne.

Désormais, comme l’indique un communiqué du 12 janvier 2021 de l’OMS, l’immunité collective voit son calendrier repoussé ce qui modifie la physionomie de 2021.

L’activité économique d’ensemble est à la merci d’un possible troisième confinement ce qui veut – notamment – dire que les recettes fiscales peuvent être atteintes à hauteur de 30 milliards d’euros.

Quant au volet dépenses, il sera à nouveau stimulé par le coût des différents plans sectoriels de soutien et pourrait ainsi déraper – si la pandémie est rugueuse autant que sévère – de 80 à 130 Mds.

Autant dire que 2021 va voir la dette publique s’aggraver tout autant que le fossé entre les avocats de l’annulation au regard des procureurs de la rigueur qui ne rime pas avec une improbable austérité.

Le débat public sera-t-il fair-play ou truffé de contrevérités ? On peut craindre le pire d’autant que 2021 est d’ores et déjà une année pré-électorale.

Finalement, pour l’heure, le mot de F. Picabia peut réunir certains analystes : « Il n’y a que les dettes que l’on peut payer qui sont ennuyeuses » (in Écrits).

Jean-Yves Archer
Économiste
Membre de la Société d’Économie Politique

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