Il y a 60 ans, le 22 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy, âgé de 46 ans, était abattu à Dallas par Lee Harvey Oswald, 20 jours après l’assassinat du Président catholique Ngô Dinh Diêm à Saïgon, étape fatidique pour les États-Unis dans l’engrenage de l’accélération de leur participation à la guerre du Vietnam soldée par la victoire du régime communiste de Hanoï le 30 avril 1975… Quelle aurait été l’évolution du concert des nations si le charismatique Chef d’état américain, qui avait contribué avec Nikita Khrouchtchev à éviter de justesse la bascule de la planète dans une troisième guerre mondiale en désamorçant la crise des missiles à Cuba, n’avait pas prématurément perdu la vie ce jour-là ? Il est bien sûr impossible de le dire, de même que le regard porté sur le court bilan de son action à la tête de la plus grande puissance de son époque est avec le recul du temps plus nuancé qu’au soir de sa disparition. Il est des anniversaires dans le fil tragique de l’histoire qui rouvrent des interrogations existentielles sur notre devenir collectif et réveillent le fantôme des occasions perdues, des illusions et des échecs beaucoup plus nombreux que les succès dans la conduite des affaires politiques du monde…
Ce monde reconfiguré à la conférence de Yalta en février 1945 avait tourné la page de la barbarie nazie pour entrer dans l’ère de la guerre froide et être confronté à une autre forme de totalitarisme meurtrier qui prendrait fin en 1989 avec l’effondrement du bloc communiste et la dislocation de l’URSS en 1991. 60 ans après la tragique disparition du Président Kennedy, on ne lutte plus contre le communisme mais c’est à la menace du totalitarisme islamiste que doivent faire face les démocraties occidentales et jamais elles n’auront fait preuve d’un tel désarroi et d’une telle faiblesse dans un environnement international où leurs valeurs auront été complètement sapées par leur propre délitement interne, perte de repères, dérives sociétales et par l’émergence au fil des décennies d’une toute autre vision de l’humanité et de son destin qui prend toute sa résonance avec ce qu’il s’est passé le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël aux lisières de la bande de Gaza. Ce jour-là, les terroristes du Hamas ont entraîné l’État hébreu et l’ensemble des démocraties occidentales dans un piège mortel avec une inversion spectaculaire de nombre de valeurs que l’on croyait acquises ou partagées en leur sein -notamment l’élémentaire distinction à ne pas perdre de vue en tout conflit entre l’agresseur et l’agressé-, mettant finalement à nu l’ampleur de leur affaissement et de leur vulnérabilité face aux assauts de ceux qui poursuivent le but de les détruire pour imposer leur conception mortifère du monde. Le retour dans un enfer que l’on croyait appartenir à une époque révolue et la résurgence de crimes abjects et d’horreurs comme l’antisémitisme dans nos sociétés nous replongent à la merci de pulsions délétères et de démons qu’on pensait non pas exorcisés mais du moins endormis temporairement, tout cela ressuscité par une des facettes la plus venimeuse de l’hydre terroriste islamiste.
La promesse des ténèbres que plus rien ne vient masquer aujourd’hui est en passe de se concrétiser et les raisons d’espérer une solution politique réaliste à l’issue des opérations militaires menées par Tsahal ne tiennent pas la route au vu de la confusion qui règne dans les positions affichées par un camp occidental qui n’a pas pris la juste mesure de ce qui se joue au Proche-Orient depuis le 7 octobre 2023 et qui est incapable d’afficher une ligne commune claire et ferme dans l’enceinte d’une ONU reproduisant à bien des égards les mêmes lamentables divagations devant la montée des périls que la Société des Nations à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. Le monde émergent post pandémie et clivé par la guerre en Ukraine est redevenu la vaste poudrière dont on avait presque oublié la dangereuse volatilité et la faiblesse des démocraties rongées de l’intérieur par des maux allant de l’immigration sans contrôle ni politique d’intégration réels à l’insécurité la plus débridée (pour ne citer que ceux-là car on peut sans trop se fourvoyer les relier directement aux événements dramatiques du Proche-Orient au vu de la flambée d’antisémitisme observée en France et ailleurs sous couvert erroné de défense de la cause palestinienne) qu’elles ont laissé grandir inexorablement par un déni coupable et leur aveuglement combinés à une impuissance notoire pour les maîtriser, ne peut qu’inspirer le plus grand des pessimismes sur une évolution positive du conflit à plus ou moins court terme. Le Hamas a entraîné dans son opération criminelle suicidaire les parties impliquées indirectement dans cette guerre asymétrique exactement là où il pensait pouvoir remporter une victoire sur Israël, l’inversion des valeurs de démocratie occidentale et le retournement de l’opinion publique internationale contre les victimes de son agression, avec la complicité de tous les idiots utiles dits « progressistes » en Europe et en Amérique qui servent aveuglément ses intérêts et cautionnent son objectif de destruction de l’État hébreu, ni plus ni moins. Israël lutte pour sa survie qui est en danger extrême, on le constate dans les terribles négociations d’échange de prisonniers en cours qu’il a dû confier à l’entremise du Qatar et de l’Égypte pour libérer ses otages civils et les arracher un à un aux griffes des criminels qui les ont capturés et jouent cyniquement avec l’angoisse des familles et proches de tous ceux qu’ils ont frappés sans pitié le 7 octobre 2023. Les enfants et les femmes, âgées en majorité, rescapés de cet enfer au fil des trois jours de trêve de cette sinistre fin de mois de novembre constituent un très faible rayon de lumière à travers les ténèbres et les destructions dans lesquelles le Hamas a plongé cette partie du monde et au delà, par sa folie raisonnée et la perversité de son calcul politique qui a réussi à déstabiliser bien plus que la société israélienne, l’ensemble d’un monde occidental divisé et dans le déni de sa faiblesse et de sa vulnérabilité. En refusant de comprendre que la solution pour une paix basée sur la coexistence de deux États ne sera possible qu’une fois que le Hamas sera totalement éradiqué et que lorsque avec l’aide ou sous contrôle d’observateurs internationaux de la Ligue arabe et d’ailleurs la population palestinienne pourra s’appuyer sur des instances nationales réellement représentatives de ses aspirations, sans continuer à leur servir de chair à canon dans un jeu de massacre où leur vie ne compte pas aux yeux de leurs dirigeants actuels, le monde occidental prend le risque de l’impasse et s’engage dans la voie d’une redoutable ambiguïté propre à attiser l’embrasement perceptible de jour en jour en Cisjordanie et au Liban. Les conditions du temps pour la recherche d’une solution politique, à plus forte raison l’entame de négociations en vue d’un cessez-le-feu et de la paix, ne sont absolument pas réunies et ne le seront pas tant que le Hamas conservera une possibilité de poursuivre une lutte armée contre Tsahal. C’est le calcul auquel l’organisation terroriste se livre à travers la manipulation de l’opinion publique internationale, cette partie d’échecs où les otages survivants servent de pions, et le piège dans lequel les autorités israéliennes ne doivent pas tomber dans les semaines à venir. Il n’y a hélas rien à attendre de fiable de l’agresseur dans quelque conflit que ce soit, en particulier dans celui déclenché le 7 octobre 2023 dont l’horreur et la cruauté barbare sont révélées au fur et à mesure où enfin les voix de la conscience avec le visage des victimes et le témoignage des rescapés se réveillent pour contrecarrer l’ignominie des interventions de ceux qui en minimisent l’ampleur, la mettent en balance dans une concurrence victimaire dont on n’est pas réellement en mesure de vérifier les chiffres exacts, ou osent en rire pour les plus dévoyés d’entre eux, résurrection ou avatar de ces cinquièmes colonnes qui ont fait le jeu de l’ennemi dans toutes les périodes de crise traversées par l’humanité…
Dans cette atmosphère cauchemardesque, le « cher et vieux pays » aura vu se succéder marches et manifestations sans pour autant qu’une immense majorité de Français soient en mesure de retrouver le reflet d’une position officielle à la hauteur de la disparition de 40 de nos compatriotes dans le drame du 7 octobre 2023. Qui sont-ils ? Quels ont été leurs parcours, leurs espoirs, leurs destins tout court ? Le silence du tombeau entoure les circonstances de leur disparition et ne permet pas la prise de part nationale à un deuil hélas bien réel pour leurs familles, leurs amis et leurs proches, comme s’ils n’avaient jamais existé ? Si on peut comprendre la discrétion ou le secret entourant les négociations en vue de la libération de nos compatriotes otages du Hamas, ce silence autour des 40 victimes françaises du Hamas devient au fil des semaines qui passent de plus en plus pesant et blessant.
De même qu’assimiler la marche républicaine contre l’antisémitisme qui a explosé en France depuis le 7 octobre (et n’a malheureusement pas diminué depuis cette marche…) à une quelconque forme de stigmatisation anti- musulmane n’a aucun sens recevable et au contraire soulève encore plus d’interrogations sur la capacité du vivre ensemble entre communautés dans une France n’échappant désormais plus à la montée des tensions et où la limite en termes de résilience a largement été atteinte, l’attitude d’un pouvoir qui persiste à occulter la réalité de l’imminence d’une explosion prophétisée par un des premiers piliers de la macronie disparu le 25 novembre, Gérard Collomb, est éminemment préoccupante. Après le vivre côte à côte, l’heure du face à face et de tous ses dangers est bel et bien arrivée et il est vain de crier à la récupération politique, quand force est de constater qu’en France c’est la « racaille » qui tue et non pas la police, qu’il est de plus en plus intolérable de perdre la vie à 16 ans comme Enzo et Thomas d’un coup de couteau qui vous arrache à vos proches et brise des jeunes vies à leur envol, au nom de quoi ? En premier lieu : la lâcheté coupable de responsables politiques qui ont fermé les yeux sur l’ensauvagement d’une France livrée au délitement et au recul croissant de l’autorité mandature après mandature, de ministres qui estiment sans aucune honte que la justice réprime sévèrement les atteintes à l’ordre public lorsqu’un jeune voyou écope de 35 heures de travaux d’intérêts généraux après avoir mis en péril la vie et blessé un policier en le traînant sur une vingtaine de mètres suite à un refus d’obtempérer, de tous ceux qui sont complices dans le refus d’identifier la racine du mal qui gangrène le pays tout entier, l’échec de l’assimilation d’une grande partie de la jeunesse qui ne se reconnaît plus dans la France et ne partage plus les règles élémentaires de la vie en société civilisée. En deuxième lieu, il est grand temps que les Français reprennent en main leur destin en sanctionnant le naufrage par leur retour aux urnes et une participation massive aux prochaines élections pour accélérer le terme de cette démission collective mortifère qui détruit le pays à petit feu, jour après jour. L’exaspération qui vient d’attiser la montée des extrêmes dans les rues de Romans sur Isère (ou à Dublin dans une Irlande en proie aux mêmes formes d’insécurité) et qui finira par achever le processus de décomposition sociétale en cours d’accélération en France, n’est plus susceptible d’être anesthésiée par des marches blanches, des dépôts de fleurs ou l’allumage de bougies votives sur les flaques de sang encore fraîches des victimes de l’impéritie de ceux qui ne rachèteront pas leur défaillance et leur manque de résultats pour enrayer la descente aux enfers par des minutes de silence à l’Assemblée nationale et au Sénat !
Pire encore, le risque que cette exaspération fasse des émules en s’amplifiant et en nous précipitant un peu plus dans les ténèbres n’est pas à prendre à la légère dans un environnement international explosif où la barque France est ballotée tel un fétu de paille et au cœur d’un débat national où l’opinion publique ne sait plus quoi attendre d’un projet de loi sur l’immigration qui risque de déboucher sur un terrible marché de dupes, sans que les électeurs n’aient eu réellement l’opportunité d’exprimer leurs attentes au vu de la situation présente et de la dramatique actualité en lien avec cet enjeu politique crucial…
Eric Cerf-Mayer