Laurent Wauquiez a remporté la présidence du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes avec 113 voix sur un total de 204. Il succède ainsi à Jean-Jack Queyranne qui dirigeait la Région depuis 2004.
Revue Politique et Parlementaire – Vous envisagez près de 28 millions d’euros d’économies d’ici la fin de la mandature. Quelles mesures allez-vous prendre pour parvenir à ce résultat ?
Laurent Wauquiez – Ma première priorité, c’est de revoir le train de vie des élus et de notre collectivité. Ma conviction est simple : on ne peut pas demander des efforts à nos concitoyens sans nous-mêmes nous les appliquer.
Dès la première séance, j’ai donc demandé aux élus de renoncer aux abonnements téléphoniques pris en charge par la Région et de baisser de 10 % leurs indemnités. Plus largement, j’ai décidé une division par deux du nombre de directeurs et une diminution de 10 % des membres de cabinet.
Tout cumulé, on est pour moi clairement au-delà du symbole puisque l’économie sur la durée du mandat, rien que sur le train de vie des élus et de la collectivité atteint les 28 millions d’euros.
Mais je veux aller beaucoup plus loin puisque sur le mandat, c’est plus de 300 millions d’euros d’économies de fonctionnement que je souhaite réaliser pour remettre cet argent au service des projets concrets et utiles à nos territoires.
RPP – Dans un souci d’exemplarité à l’égard des habitants de la région, vous avez mis en place une charte éthique applicable aux membres du Conseil régional. Que contient-elle ?
Laurent Wauquiez – Des choses de bon sens : je veux tout simplement des élus présents, des élus au travail, des élus qui soient sanctionnés lorsqu’ils ne respectent pas les règles. Je veux que nous garantissions de l’exemplarité dans le comportement des élus. La méfiance de nos concitoyens à l’égard des politiques est chaque jour plus grande : ne pas avoir cette exigence serait pour moi incompréhensible.
RPP – Vous projetez le lancement de trois pactes : « un apprenti, une entreprise » ; « préférence régionale » ; « la région dans nos assiettes ». De quoi s’agit-il ?
Laurent Wauquiez – Ces trois pactes sont en effet des engagements de campagne. Ils partent de convictions très simples. La première, c’est que trop de jeunes ont des difficultés à trouver un employeur pour faire leur apprentissage : ce n’est pas normal. Je veux que la Région soit là pour simplifier la vie des entreprises et faire sauter les obstacles à la formation de nos jeunes.
Pour la préférence régionale, l’idée est de s’assurer que les marchés publics financés par l’argent des habitants de notre région bénéficient en priorité aux entreprises qui font vivre notre territoire. Le code des marchés publics nous en donne les moyens : nous ne devons pas nous priver de les utiliser.
Le dernier pacte enfin, « la région dans nos assiettes », vise à soutenir notre agriculture qui traverse aujourd’hui une crise forte et profonde. Nous avons dans notre région des produits d’une qualité incomparable : c’est dans les assiettes de nos lycées qu’ils doivent être en priorité, autant pour le bien de nos jeunes que pour celui de nos agriculteurs.
RPP – La sauvegarde de l’emploi est au centre de vos préoccupations et vous soutenez une vision du social basée sur le travail plutôt que l’assistanat. Quelles actions allez-vous mettre en œuvre ?
Laurent Wauquiez – Le vrai social, ce n’est pas le social par l’assistanat mais le social par le travail. À l’échelle de la Région, cela veut dire que je veillerai à ce que nous valorisions toujours l’effort et le mérite.
L’une de mes premières priorités, c’est ainsi le rétablissement des bourses au mérite supprimées par Najat Vallaud-Belkacem. Ces bourses venaient donner un petit coup de pouce à des étudiants issus de milieux modestes – contrairement à ce que j’ai pu entendre parfois – et qui se donnent du mal. Ma position est claire : la Région les rétablira.
Je veillerai aussi à garantir un système équilibré entre les droits et les devoirs en matière de formation professionnelle : plus d’aides pour ceux qui jouent le jeu, moins d’aides pour ceux qui en abusent.
RPP – Vous ambitionnez de faire de votre région l’un des leaders dans le secteur du numérique. Quels sont vos projets ?
Laurent Wauquiez – Nous vivons une époque où le numérique et le digital sont en train de révolutionner à une vitesse incroyable le monde qui nous entoure. Mon ambition, c’est que Rhône-Alpes-Auvergne se positionne à la pointe de ce secteur.
En nous en donnant les moyens, nous pouvons faire de notre région la Silicon Valley européenne.
J’en suis convaincu.
C’est la raison pour laquelle j’ai proposé de créer sur l’ancien site du Conseil régional de Charbonnières le premier grand campus européen des métiers du numérique, afin d’apporter des enseignements innovants aussi bien en formation initiale que continue. Les entreprises ont en effet des besoins immenses dans ce domaine : je veux que la Région soit là pour y répondre.
RPP – Comment assurer la défense de la ruralité à laquelle vous êtes particulièrement sensible ?
Laurent Wauquiez – Élu de Haute-Loire, je suis en effet très attaché à la ruralité dont je connais à la fois la beauté et les contraintes. Je veux qu’elle puisse garder toute sa place dans notre grande région. Je crois en une ruralité dynamique, forte, innovante, une ruralité où l’on peut vivre et où nos entreprises peuvent se développer, une ruralité où l’on trouve des emplois et où l’on porte des projets.
J’ai donc souhaité mettre en place un plan dédié, « la Région pour tous », afin de débloquer 30 millions d’euros pour l’Ardèche, la Haute-Loire et le Cantal – trois départements modestes en apparence, mais qui ont les moyens de faire de grandes choses, trois départements ruraux qui doivent savoir que la Région est à leurs côtés.
RPP – La sécurité des habitants de la région est l’une de vos priorités. Quels dispositifs allez-vous mettre en place ?
Laurent Wauquiez – Nous devons dans notre région avoir une vision d’ensemble de la sécurité. On protège actuellement des mairies, des administrations ou des lieux de culte. Comment nos concitoyens pourraient-ils comprendre qu’on laisse nos enfants sans protection, ou qu’on ne renforce par la sécurité dans nos transports qui sont utilisés par des millions de personnes chaque jour ?
Nous avons ainsi commencé à mettre en œuvre un grand plan de sécurisation de nos 600 lycées avec l’installation de portiques et d’équipements de vidéo-protection, et nous travaillons au renforcement de la sécurité dans nos gares et nos TER qui dépendent de la Région.
RPP – La région Auvergne-Rhône-Alpes fait déjà partie des grandes régions de l’Union européenne. Comment renforcer sa position ?
Laurent Wauquiez – Vous avez raison : c’est bien en Europe que peut s’affirmer tout le potentiel de notre région.
Demain, mon objectif, c’est que Lyon et Rhône-Alpes-Auvergne soient à la France ce que Milan et la Lombardie sont à l’Italie, ce que Munich et la Bavière sont à l’Allemagne : des moteurs, l’endroit où les choses bougent. Étendue (70 000 km²) et peuplée comme un pays (7,8 millions d’habitants), notre région peut rivaliser avec le Danemark, la Bulgarie ou la Finlande. Elle peut faire jeu égal avec la Catalogne ou la Basse-Saxe.
Mon ambition, c’est qu’elle aille plus loin encore : elle bénéficie d’une position géographique exceptionnelle et d’atouts considérables. C’est une région équilibrée, avec une identité forte et de vraies pépites. Laissons enfin s’exprimer tout ce potentiel !
Laurent Wauquiez
Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes
(Propos recueillis par Florence Delivertoux)
Photo : Alesclar/Wikimedia Commons