Décidément, la conjoncture n’est pas favorable au Gouvernement de Madame Borne. A peine adoptée, sous 49-3, la première partie du PLF 2023 va être frappée de caducité. En cause ? Les coûts de l’énergie qui étranglent les industriels.
Après les fonderies, les verriers (Arques et Duralex), ce sont désormais des industriels du secteur agro-alimentaire qui sont face au mur de l’accroissement vertigineux de leurs coûts énergétiques. Il y a ainsi l’exemple de ce producteur d’endives qui voit sa facture globale passer de 76.000 € à près de 800.000 €. C’est d’évidence intenable sauf à imaginer l’impensable en transformant l’endive en quasi-produit de luxe.
Idem pour les producteurs de pommes qui, eux aussi, sont pris à la gorge par la brutalité de ces hausses.
Bien des comptes d’exploitation ne résisteront pas et il est urgent de faire face au risque de cessation des paiements en cascade.
Pour l’heure, la France a élaboré un bouclier énergie à destination des seuls particuliers. L’Allemagne vient de faire voter un plan de 200 Mds savamment panaché entre le soutien aux industriels puis aux particuliers.
Dans cette période de refroidissement des relations franco-allemandes, nul besoin d’insister sur le caractère pleinement unilatéral de cette décision de Berlin.
La France est face à un dilemme de politique publique : soit elle aide, soit elle compte les faillites.
Le ministre Bruno Le Maire a concédé qu’une stricte enveloppe de 10 milliards d’€ pourrait être attribuée aux industriels en difficulté.
Ainsi, le déficit de 155 Mds inscrit dans le PLF 2023 est d’ores et déjà dépassé. Les experts du monde industriel, les syndicats professionnels CPME, MEDEF conviennent que le compte n’y est pas. Certains chiffrages vont jusqu’à 40 Mds ce qui me semble hélas réaliste.
La France chemine vers un déficit de 200 Mds au minimum.
En effet, il faut tenir compte du coût additionnel en provenance des mécanismes de chômage partiel total tels qu’instaurés chez Duralex.
La politique de soutien à l’industrie à définir est cohérente avec la ligne vertueuse initialement engagée par Agnès Pannier-Runacher et que poursuit l’actuel ministre de l’Industrie Roland Lescure.
La France voit l’industrie ne représenter que 16 % de son PIB et il y a lieu de se ressaisir d’autant que des motifs géopolitiques justifient la relocalisation de certains secteurs sensibles.
Pour l’heure de grands ensembliers mais aussi des ETI envisagent carrément de se délocaliser en Amérique du Nord tant la hausse des coûts de l’énergie va être en Europe un coup de massue.
Certains ouvrent le débat sur les sanctions à l’égard de la Russie et vilipendent l’effet boomerang. J’ai tendance à dire que le coup est parti et qu’il faut gérer plus que palabrer.
L’État sera donc le payeur partiel en dernier ressort des factures d’énergie. Tout cela montre l’interventionnisme qui existe avec virulence dans notre pays et qui va poser de vraies questions.
Safran, le motoriste aéronautique, a une unité de production aux États-Unis et une à Villeurbanne. Comment répartir le plan de charges ? La calculette ou l’esprit patriotique ?
Franchement, la conjoncture est ingrate pour celles et ceux qui se battent depuis plusieurs années pour rendre flamboyante l’industrie nationale.
Quant au super déficit que la France va subir, il ira alimenter la dette publique dont nous sommes désormais certains qu’elle franchira le seuil de 3.000 Mds d’€ en 2023.
Cette année 2023 va être marquée par des jours difficiles et le tempérament sera un des facteurs de réussite.
” L’optimiste pense qu’une nuit est entourée de deux jours, le pessimiste qu’un jour est entouré de deux nuits “. Francis Picabia (Écrits).
Puissent les nuits de veille de nos industriels être fécondes.
Jean-Yves Archer
Economiste
Membre de la Société d’Économie Politique