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dans International, La Revue, N°1098

Le particularisme libanais à l’épreuve d’un contexte géopolitique complexe

Khattar Abou DiabParKhattar Abou Diab
11 mars 2021
Illustration drapeau libanais et éruption volcanique

L’année 2020, marquant le centenaire de la naissance du Grand Liban, a été un tournant tragique dans l’histoire de ce pays éprouvé par un environnement géopolitique troublé et plutôt hostile.

Seize mois après le soulèvement populaire du 17 octobre 2019, l’impasse persiste, les solutions et les alternatives sont introuvables au Pays du cèdre victime de la mainmise du Hezbollah et de l’Iran, ainsi que de l’absence d’un front souverainiste ou d’une ligne nationale unie à l’abri des intérêts partisans et extérieurs.

Cent ans après sa fondation, le Liban subit une crise structurelle multiple conduisant à l’effondrement économique et mettant l’existence de son identité en question. La résilience reste de mise bien que l’année 2020 soit celle de tous les malheurs avec l’érosion financière et la catastrophe de l’explosion du port de Beyrouth. Elle demeure sous le poids de la pandémie de la Covid-19 et le refus de la classe politique d’appliquer les préconisations de la France donnant la priorité au sauvetage économique et social. Plus significatif encore, la tentative de régler le contentieux autour des frontières maritimes avec Israël (ouvrant la voie à une possible exploitation de champs gaziers dans les eaux contestées) semble ne pas aboutir, bien que l’Iran ait permis le lancement de négociations avec Israël (sous l’égide des États-Unis) comme « un message adressé à Washington ». En réalité, le Liban est quasiment pris en otage par la République islamique d’Iran qui compte l’utiliser comme une carte de négociations dans son deal avec la nouvelle administration américaine. Ainsi s’installe la crainte de sacrifier le Liban dans le grand jeu des nations entamé sur la scène syrienne depuis 2011. Les événements des derniers mois démontrent incontestablement le poids d’un contexte régional marqué par son instabilité chronique.

L’entité libanaise risque d’être l’objet d’un « Munich régional » où les États-Unis seraient tentés de composer avec l’Iran aux dépens d’un Liban privé de sa profondeur arabe et du soutien international nécessaire. Le retour à la genèse du Liban nous permet de mieux saisir les enjeux d’aujourd’hui.

La dimension historique

L’histoire du Liban est intimement liée au Mont-Liban. Les partisans de l’ « idée libanaise », par opposition à la Grande Syrie, ont glorifié le Mont-Liban (refuge des persécutés et foyer de liberté pour la mosaïque religieuse libanaise). Ceci leur permit de revendiquer le Grand Liban, plaidé dans une certaine littérature nationaliste au XIXe et XXe siècles.

L’aventure libanaise s’est épanouie aux XVIe et XVIIe siècles, à une époque où des minorités cherchaient à affirmer leurs spécificités.

Cette singularité, par laquelle le peuple du Mont-Liban sous la conduite des Ma’an aspirait à préserver son identité, était portée par une révolution contre les Ottomans, qui se traduisit par le mouvement des druzes, des maronites, et de certains sunnites et chiites autour d’une même logique.

Nombre d’historiens relient cette première aspiration libanaise à se démarquer de l’Empire ottoman à la révolution druze contre les Ottomans au XVIe siècle. Cette révolution perdura jusqu’à l’ère de Fakhr-al-Din al-Maani-al-Kabir qui témoigna d’une véritable coexistence entre les communautés. Elle s’est poursuivie avec l’Émirat des Chéhab, les deux Caïmacamats (en 1845 et 1860) et enfin avec le système d’Al-Mutasarrifiyyat. Ce dernier fut mis en place par l’Occident et la Russie, en coopération avec les Ottomans, et visait à établir une coexistence entre les communatés religieuses au Mont-Liban leur permettant de profiter – en dehors des frontières de la Mutasarrifiyyat – de la côte libanaise et de ses ports entre 1860 et 1914.

La fin de la Première Guerre mondiale a entraîné le retrait des Ottomans, après une présence de près de 400 ans dans la région. Ce retrait a été accéléré par les répercussions du conflit autour de la route des Indes entre Anglais et Français. Ainsi, cette implication européenne encouragea surtout les chrétiens à revendiquer plus de territoires et de démographie sur le modèle de l’État-nation développé en Europe.

Toutes ces circonstances ont contribué à l’émergence de l’État du Grand Liban en 1920.

La principale différence réalisée par la nouvelle entité, par rapport aux Émirats des Ma’an et des Chéhab, s’opère au niveau frontalier. Les frontières de l’Émirat sous le règne de Fakhr al-Din al-Kabir s’étendaient jusqu’à Palmyre, alors qu’elles ont été limitées aux districts de Kesrouan, Chouf, Baabda et Jbeil. Autre distinction : l’Émirat a toujours été considéré comme une autorité autonome au sein de l’Empire ottoman, tandis que l’État du Grand Liban a été reconnu à la Conférence de Saint-Raymond avec des frontières précises. Avec les Émirats, le noyau de population reposait sur la coexistence Maronites-Druzes, alors que le Grand Liban annexait des zones côtières comprenant une plus grande diversité confessionnelle.

Le Liban à l’époque de l’Émirat dépendait principalement de la montagne, mais le Grand Liban regroupe la montagne, la côte et la plaine intérieure. Le facteur économique a motivé la nouvelle configuration de l’entité libanaise, sans oublier la profondeur historique lorsque les Phéniciens dominaient la côte du Liban d’aujourd’hui.

D’une façon plus globale, l’évolution du Liban ne peut être analysée si l’on ne tient compte du contexte général du Levant. Ce Machrek (Proche-Orient) est une aire géographique extrêmement diverse et plurielle. L’histoire de cette zone, berceau de religions monothéistes, reflète les mutations et les interactions entre religions, sectes et États. Ainsi, l’histoire mouvementée du Moyen-Orient est façonnée par les religions, les empires et le choc de la rencontre avec l’Occident. C’est aussi, de la conquête islamique aux croisades, une histoire polémologique. La fondation de l’État d’Israël et l’émergence des pays pétroliers ont ensuite transformé la région en terrain de clivages régionaux et extérieurs.
La construction territoriale du Moyen-Orient contemporain résulte, d’une part de l’effondrement de l’Empire ottoman et, d’autre part, de l’accession à l’indépendance de territoires encore colonisés après la Seconde Guerre mondiale. Elle juxtapose de vieux États-nations, comme l’Égypte et l’Iran, et de jeunes pays dont les frontières résultent de compromis entre les ambitions rivales des anciennes puissances dominantes (Grande-Bretagne, France). En effet, la plupart des États arabes sont une création du XXe siècle. Il a fallu attendre les manœuvres des grandes puissances à la veille de la Première Guerre mondiale pour que plusieurs entités commencent à exister et avoir des frontières. Celles-ci, quoiqu’elles fussent tracées de manière souvent arbitraire, sont aujourd’hui globalement acceptées et reconnues par l’ensemble des États arabes. Mais, la création de l’État d’Israël, puis la question des territoires occupés par Israël à la suite de la guerre des Six Jours (1967) continuent d’alimenter un foyer de tensions ininterrompues dans la région depuis 1948. Ni les traités de paix entre Israël et ses deux voisins (l’Égypte et la Jordanie), ni l’accord d’Oslo entre Israël et l’OLP (1993) n’ont apaisé l’un des conflits régionaux les plus anciens et les plus passionnés de la planète.

L’Histoire contemporaine du Moyen-Orient est aussi un canevas hétéroclite de douloureuses luttes pour la décolonisation (cas algérien, libyen ou yéménite), de litiges interétatiques (Algérie-Maroc autour du Sahara Occidental ; Irak-Koweït…) ou de déchirements endogènes et exogènes comme en témoignent les guerres gigognes du Liban (1975-1990). Dans cette histoire mouvementée, la question de l’islam et du clivage sunnite-chiite marquent et affectent la région. Sur le même registre, la dimension minoritaire revêt une grande importance avec les questions kurde et arménienne, ou encore les problèmes d’autres minorités religieuses comme les coptes, les chrétiens d’Irak, les maronites, les alaouites et les druzes. En dehors du monde arabe, les enjeux turcs et iraniens ont souvent influencé l’histoire de toute la zone. De la fin du Califat musulman (1924, érosion de l’Empire ottoman) à la guerre d’Irak en 2003, les empreintes turque, iranienne et occidentale laissent leurs traces sur l’évolution du Moyen-Orient. Souvent, le passé colonial (comme les pratiques américaines et russes récentes) resurgit comme alibi pour faire bouger une opinion publique bâillonnée et réorienter la contestation contre l’ennemi extérieur.

La France marraine de l’actuelle entité libanaise

L’histoire du Liban se confond avec celle du Proche-Orient. La côte orientale de la Méditerranée a toujours été une zone charnière entre trois continents où se sont succédés plus de dix empires. Les populations les plus diverses s’y sont mêlées dans une alternance d’équilibres et de conflits.

Vers la moitié du XIXe siècle, au milieu des grandes manœuvres internationales, une âpre rivalité dominait toutes les autres : celle de la France et de l’Angleterre qui se disputaient, sous les yeux des Ottomans, le contrôle de la route des Indes. Ceci scelle dorénavant le destin du Liban qui devient le carrefour des antagonismes des « Grands ». En 1840, une guerre civile entre Maronites (soutenus par la France) et Druzes (soutenus par l’Angleterre) affecte le noyau de l’entité libanaise et aboutit à l’entrée en jeu des grandes puissances. Une solution internationale à travers l’intervention militaire française met un terme au drame en 1860 (la carte du Liban établie par les troupes française est pratiquement identique à celle du Grand Liban proclamé en 1920).

Né dans les affrontements et l’ingérence, l’ordre communautaire confessionnel, établi après 1890, est devenu la pierre angulaire du Grand Liban, produit du mandat français. En effet, après la Première Guerre mondiale et l’effondrement de l’Empire ottoman en 1918, les deux grands vainqueurs de la guerre, la France et la Grande-Bretagne, se sont partagés l’héritage proche-oriental de cet empire. Les régions qui englobent par la suite les deux entités syrienne et libanaise passent sous le contrôle français. Ce partage a été le résultat d’une entente tripartite secrète, intervenue au printemps 1916 entre la Grande-Bretagne, la France et l’Empire russe tsariste. Ces accords deviennent bilatéraux après la révolution bolchévique à Moscou. Ainsi, le partage d’influence selon les accords Sykes-Picot fut entériné par la SDN en confiant à la France l’exercice d’un mandat sur le Liban. Ensuite lors de la conférence de 1919 et dans le cadre de l’aide du mandat au peuple libanais de disposer de lui-même, une délégation libanaise, conduite par le Patriarche maronite Elias Hoyek et plusieurs notables libanais de toutes les confessions, défend l’idée d’un « Grand Liban » séparé du projet de « Royaume arabe » proclamé à Damas par Fayçal, intronisé Roi de la Syrie.

Ce cheminement et le tracé des frontières de l’entité libanaise naissante font l’objet de discussions et de marchandages.

Mais l’entente entre le français Clemenceau et le Patriarche maronite Hoyek a été capitale pour dessiner les contours du Liban d’aujourd’hui englobant le Liban et les quatre Cazas en préservant les eaux du Litani et la fertile plaine de la Békaa, malgré les demandes du « Congrès juif mondial » concernant une partie de l’actuel Sud-Liban et les avis dans certains cercles français plaidant pour la poursuite du lien constitutionnel entre le Liban et la Syrie (en écho aux recommandations de la commissions King-Crane évoquant une autonomie libanaise dans le cadre de la Syrie ou une indépendance réfléchie). Ce Grand Liban a été, en fait, le germe du Liban d’aujourd’hui, du Liban dont chrétiens et musulmans parvinrent à proclamer l’indépendance le 22 novembre 1943, dans le cadre d’un mouvement populaire encouragé, en sous main, par le représentant britannique sur place (le général Edward Spears) aboutissant à un compromis franco-britannique de l’après-Seconde Guerre mondiale au Levant.

Au Proche-Orient, berceau des religions monothéistes et terre des conflits, le Liban représente un cas unique et singulier en tant que microcosme de la pluralité religieuse (18 communautés confessionnelles reconnues), culturelle et seul pays arabe dont le président de la République est chrétien.

Dans une région où le facteur religieux domine le champ politique, la singularité libanaise se manifeste par une expérience démocratique basée sur le communautarisme politique. Le rôle fondateur des composantes religieuses dans l’éclosion de l’idée libanaise à l’époque de l’émir Fakhr al-Din au XVIe siècle, fut aussitôt altéré par les divisions partisanes et l’influence des acteurs étrangers dans l’instrumentalisation d’une clientèle locale.

À partir de 1943, la sécurité nationale dans l’État de l’indépendance est intimement liée à l’évolution du contexte régional. La stabilité au Liban a tenu jusqu’à la fin des années 1960, à l’exception de la crise de 1958 qui s’est conclue par le débarquement des Marines à Beyrouth et par l’instauration d’un équilibre entre arabisme et ouverture sur l’Occident (compromis établi entre le président libanais Fouad Chéhab et le président égyptien Nasser à l’époque de l’unité entre l’Égypte et la Syrie).

Le détonateur palestinien, la mainmise syrienne, l’impact israélien et l’irruption iranienne

Suite à la défaite arabe de 1967 et à la montée de la résistance palestinienne, le Pays du cèdree est touché de plein fouet par l’instauration de la dualité entre l’État libanais et l’OLP. Profitant des accords du Caire de 1969, l’OLP installe au Liban un État dans l’État. Ainsi, ce contexte et la guerre froide font du Liban un refuge sous la houlette palestinienne.

Entre 1975 et 1990, le Liban est le théâtre de guerres gigognes et le champ clos de multiples querelles locales et régionales déclenchées par le détonateur palestinien. À cette époque, il ne reste de l’État que le squelette et le territoire a été taillé, quadrillé ou disputé entre communautés rivales et factions palestiniennes sous l’égide de la Syrie. Cependant, l’unité humaine du peuple libanais sauvegarde l’entité de la disparition et les accords de Taëf (1989) permettent par la suite une lente reconstruction de l’État libanais, nonobstant tous les défauts de ce compromis.

À partir de 1982, les Pasdarans fondent le Hezbollah et réussissent la première exportation de la révolution khomeyniste avec l’aide du régime syrien. Au fil des ans, le Hezbollah devient le premier relais extérieur de l’Iran qui parvient à atteindre la Méditerranée réalisant ainsi le rêve persan impérial.

En 1991, à la faveur de sa participation à la coalition internationale contre l’Irak, la Syrie de Hafez El Assad érige une solution militaire contre le Premier ministre de l’époque, le général Michel Aoun, et installe un régime libanais assujetti à sa tutelle.

Sur le plan pratique, la sécurité nationale libanaise s’éclipse pour faire partie intégrante de la sécurité syrienne.

Les traités signés, sous la contrainte, entre les deux pays et la domination exercée par les services secrets syriens imposent une situation du fait accompli. L’entité libanaise disparaît progressivement dans le giron d’une communauté syro-libanaise dirigée par Damas. Ce processus de grignotage atteint un tournant décisif en 1998 avec l’accession du président-général Émile Lahoud à la présidence de la République. L’armée libanaise, les Forces de sécurité intérieure, les services de sécurité sont tous noyautés et infiltrés par les services secrets syriens. Les accords de Taëf consacrent le confessionnalisme politique et la répartition de charges officielles entre communautés.

Entre 1991 et 2005, le Liban devient une sorte de « Hong Kong » pour la Syrie et son économie s’effondre sous le poids d’une mafia politico-économique qui s’étend de Damas à Beyrouth. En septembre 2004, la Syrie voulant parachever sa domination sur le Liban et préparant le terrain constitutionnel pour annoncer l’unité entre les deux pays, impose, malgré les protestations locales et internationales, la prorogation du mandat du président Lahoud.

Le tournant de 2005

Les États-Unis, qui couvraient ou toléraient implicitement la domination syrienne au Liban depuis 1975 pour contrôler un terrain turbulent, ont révisé leur politique régionale depuis la guerre d’Irak en 2003. Washington ne souhaite plus désormais cohabiter avec de petites puissances régionales qui œuvrent en dehors de leurs frontières. À la faveur d’une normalisation des relations avec la France en juin 2004 (suite aux tensions lors du refus français de participer à la seconde guerre d’Irak), Washington admet la nécessité de déconnecter la question libanaise des autres questions régionales. À la place d’un Liban assujetti à la domination syrienne, l’entente franco-américaine, marquée par l’adoption de la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies, fournit l’opportunité au Liban de retrouver sa fonction géopolitique indépendante et sa vocation démocratique et libérale dans un environnement de régimes autoritaires.

Face à la pression internationale et à la volonté libanaise d’émancipation, le régime syrien répond par la terreur et inaugure à partir du 1er octobre 2004 un cycle d’attentats contre les opposants qui atteint son paroxysme avec l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, le 14 février 2005. Aussitôt, le soulèvement intercommunautaire de l’indépendance (à l’exception d’une majorité de chiites fidèles au Hezbollah et au mouvement Amal) surprend par son caractère pacifique et massif. Les forces syriennes sont obligées de se retirer du Liban fin avril 2005 et une commission d’enquête internationale est instaurée par les Nations unies pour conduire les investigations sur l’assassinat de Hariri.

Malgré le retrait syrien, le soulèvement du 14 mars n’est pas parvenu à réaliser ses objectifs, compte tenu d’un rapport de forces délicat à l’intérieur du pays et de la poursuite de l’ingérence syrienne. Le climat conflictuel ne s’est pas dissipé en raison de la guerre entre le Hezbollah et Israël en juillet-août 2006. La dimension interne de ce conflit opère comme un retour en arrière et vise à faire tomber le Liban dans le giron de l’axe syro-iranien. La dualité entre l’État et le Hezbollah constitue dès lors un handicap pour la renaissance du Liban et pour le maintien de sa sécurité nationale. La résolution 1701 du 12 août 2006 et le déploiement de la FINUL renforcée constituent un dispositif propice à libérer le Liban des ingérences régionales. L’État libanais reste fragile, menacé par des équilibres vacillants et un contexte régional défavorable. Une fois de plus, la protection internationale de l’entité libanaise ne suffit pas sans l’entente interne. Cette recherche continuelle du compromis entre les composantes religieuses affecte la fonction régalienne de l’État.

Suite à la guerre d’Irak (2003) et à la montée en puissance de l’Iran (2006-2009 avec les guerres du Liban et de Gaza), l’échiquier politique et stratégique du Moyen-Orient est profondément transformé. Trois puissances régionales s’affirment : Israël, l’Iran et la Turquie, tandis que le système régional arabe se fissure sans perspectives. De surcroît, le panarabisme cède sa place à l’agitation de l’islamisme sous toutes ses formes. La plupart des pays de la zone sont « cornérisés » entre le despotisme et l’extrémisme.

Le proche avenir du Moyen-Orient dépend en grande partie de l’issue des conflits en cours.

Parallèlement, le Hezbollah se trouve confronté à un choix identitaire où il doit trancher entre sa fidélité à l’autorité religieuse du guide de la révolution islamique en Iran (l’ayatollah Ali Khamene’i) et sa place comme parti libanais. Ce choix existentiel en entraîne un autre sur le plan stratégique : la lutte armée contre Israël pourrait-elle demeurer la base idéologique et la raison d’être du maintien de l’armement du Hezbollah ? En effet, la confrontation militaire avec « l’entité sioniste » (terminologie à laquelle continuent de recourir l’Iran et le Hezbollah) ne constitue plus un enjeu spécifiquement libanais, depuis le retrait israélien en mai 2000 et surtout depuis l’inscription du litige des fermes de Chebaa dans la résolution 1701.

En conséquence, le consensus libanais autour de « la résistance » s’est effrité car les Libanais sont les seuls, dans le monde arabe, à avoir supporté depuis près de 40 ans le poids de la confrontation avec Israël. Mais, le Hezbollah cherche donc à entraîner le Liban dans une logique de confrontation. Une confrontation sans horizon local et qui ne peut, par conséquent, être motivée que par des desseins régionaux, mus par une idéologie totalitaire.
L’avenir du Liban demeure tributaire des conséquences d’une révolution géopolitique. Cette révolution est incarnée par l’irruption de l’Iran dans le champ arabe et par la confrontation entre quatre projets pour le Moyen-Orient : le projet américain, le projet d’obstruction iranien, le projet d’infiltration israélien et le projet turc d’expansion.

Le Liban souffre non seulement de la nature complexe de sa mosaïque communautaire, mais également du déclin de l’influence du monde arabe sur la scène internationale. Cependant, la résolution 1701 constitue une issue rationnelle pour extirper le Liban du jeu des axes. Mais, les conditions de la neutralité du Liban ou de « la neutralisation du champ libanais » ne sont pas réunies en raison de l’absence de soutien international et du manque de consensus interne autour de la récente initiative du Patriarche maronite Béchara Al Rai proposant une « neutralité active ».

Au fil de l’histoire contemporaine, le Liban a été le carrefour de cultures diverses et le nœud de conflits régionaux et internationaux. Sans une tutelle internationale qui lui garantirait une neutralité militaire, la survie de l’entité libanaise est à l’épreuve. La montée des intégrismes de tout bord et la possible balkanisation de la région, à partir de l’Irak et de la Syrie, menacent la formule libanaise et l’intégrité du territoire national. Dans le cas d’un affrontement entre les États-Unis et l’ancien Empire perse, le Liban pourrait payer le tribut le plus lourd, et dans le cas d’un compromis américain-iranien–israélien, il risquerait de repasser sous l’influence d’un Hezbollah transformé, sauf si l’Europe – et notamment la France – ne l’abandonne pas.

Les pires scénarios menacent le Proche-Orient, et le Liban demeure l’un des principaux maillons faibles de cette tectonique. En son temps, le général de Gaulle écrivait qu’ « il ne faut jamais aller vers l’Orient compliqué avec des idées simples ». Il appartient donc à la France de prendre conscience du drame que susciterait la disparition du Liban, des risques d’émiettement des États du Moyen-Orient assortis d’une domination iranienne ou turque sur une grande partie de la zone. Le sauvetage du Liban est indissociable de l’engagement européen en Méditerranée et plus particulièrement de celui de la France qui restera fidèle à son histoire et à sa vocation

Khattar Abou Diab
Professeur de géopolitique, Paris Saclay

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