Le 10 décembre 1948 au sortir du second conflit mondial, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme a été adoptée comme un « plus petit dénominateur commun » entre les peuples et les nations.
Après avoir rappelé la position du Conseil Constitutionnel, l’étude d’impact rappelle avec justesse que « S’agissant des peines, le principe de nécessité et de proportionnalité des peines est garanti par l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Il implique que toute peine édictée en répression d’une infraction pénale doit être « strictement et évidemment » nécessaire. Selon la formule habituelle du Conseil constitutionnel, « si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue ».
Cette référence est véritablement à saluer lorsqu’elle se trouve placée au cœur du dispositif proposé.
La volonté du gouvernement est assise sur des exemples « concrets » de maintien sur le territoire de personnes « particulièrement dangereuses » est ainsi exprimée : « Ainsi, après 20 ans de pratique, force est de constater que le cadre juridique issu de la réforme de 2003 ne permet pas de répondre de manière satisfaisante à l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. Il apparait donc nécessaire de l’aménager. »
L’option qui semble avoir été retenue est la suivante :
« Pour la mesure d’expulsion : La proposition d’écriture retenue consiste à prévoir que, par dérogation à l’article L. 631-3 du CESEDA, « peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1, l’étranger mentionné aux 1° à 5° dont le comportement constitue toujours une menace grave pour l’ordre public alors qu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de dix ans ou plus d’emprisonnement ou de cinq ans en réitération de crimes ou délits puni de la même peine. » Ainsi, en dehors des cas prévus au premier alinéa, un étranger remplissant les critères prévus aux 1° à 5° pourra perdre le bénéfice de la protection à une double condition : ̶ que son comportement actuel constitue toujours une menace grave pour l’ordre public 151 ̶ alors qu’il a déjà commis et été condamné définitivement pour des crimes ou délits d’une particulière gravité : 1. pour des crimes ou délits punis de dix ans d’emprisonnement ou plus (c’est le cas par exemple des violences ayant entrainé la mort sans intention de la donner, punies de 15 à 20 ans de réclusion criminelle, des violences ayant entrainé une mutilation ou infirmité permanentes, punies de 10 à 15 ans d’emprisonnement, des viols, punis de 15 à 20 ans de réclusion criminelle, des agressions sexuelles sur mineur sous certaines conditions, des faits d’enlèvement et de séquestration, punis de 20 à 30 ans de réclusion criminelle, des faits de trafic de stupéfiants, des vols avec violence, à main armée ou en bande organisée), 2. ou des délits punis de cinq ans ou plus (par exemple, menaces ou violences à l’égard de personnes chargées d’une mission de service public, trafic des êtres humains, extorsion, agressions sexuelles autres que le viol, violences sur mineurs de 15 ans suivies d’ITT supérieures à cinq ans) commis en récidive ou en réitération d’un précédent délit puni de cinq ans ou plus. »
Ici encore les débats et les amendements diront si réellement l’écriture retenue ne revient pas sur le principe qui avait inspiré la réforme de 2003 visant à interdire le principe d’une « double peine » traduit par le dernier alinéa actuel de l’article L. 631-3 du CESEDA, qui précise que « La circonstance qu’un étranger mentionné aux 1° à 5° a été condamné définitivement à une peine d’emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ne fait pas obstacle à ce qu’il bénéficie des dispositions du présent article »
De la même façon l’ordre public, érigé en fer de lance de l’accélération de l’exécution des ordres de quitter le territoire et en justification ultime de la prise d’empreintes par coercition sera certainement mis en balance avec d’autres principes cardinaux lors de l’examen de l’économie du texte.
Le législateur ne manquera pas de se faire produire les chiffres relatifs aux moyens nécessaires à mettre en œuvre pour donner à cette ambitieuse réforme un caractère réaliste.
L’article 12 répond à des objectifs extrêmement nobles de ne pas maintenir des mineurs dans des centres de rétention.
Si les rédacteurs affirment qu’en métropole la situation est globalement acceptable, un voile est jeté sur la situation très préoccupante qui prévaut dans certains territoires ultramarins.
L’étude d’impact affirme que l’article 12 « …maintient l’affirmation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant énoncé par la Convention de New York relative aux droits des enfants en interdisant la rétention de familles avec mineurs de 16 ans.
Il s’inscrit dans le respect des valeurs de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, selon les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, la CEDH, bien qu’elle n’interdise pas par principe le placement en rétention de mineur ou de famille avec mineur, a déjà eu l’occasion par le passé de souligner l’importance de prendre en compte l’âge du mineur pour éviter toute violence psychologique qui caractériserait un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme ».
Mais en pratique une question subsiste : que faire des familles ainsi séparées ?
L’étude d’impact affirme : « Le placement en rétention des familles avec mineurs est possible à la condition que les conditions de rétention soient adaptées au public visé. » Aujourd’hui, 93 places en métropole sont réservées à des familles.
Le plus souvent, des aménagements immobiliers ont été réalisés afin d’équiper les centres de rétention.
Ces capacités de rétention pourront être converties en places de rétention « classiques » moyennant des travaux. Par ailleurs, afin de s’assurer d’une exécution effective de la mesure d’éloignement par la famille, d’autres moyens seront mis en œuvre tels que l’aide au retour volontaire, qui pourront être le cas échéant être accompagnée d’un placement en DPAR, à supposer que les familles concernées acceptent d’être éloignées. »
Les étrangers souhaitant retourner dans leur pays d’origine peuvent demander l’aide de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
L’OFII organise le retour dans le pays d’origine (frais de voyage, aide financière, soutien administratif pour la préparation du voyage).
Le retour peut s’effectuer dans la région de votre choix dans votre pays d’origine.
Pour en bénéficier, un conseiller accompagne à chaque étape de la procédure, « comme l’obtention des documents pour le voyage ». L’Office prend aussi en charge les frais de voyage de la France vers le pays d’origine.
Sur ce point un véritable travail parlementaire reste à effectuer en particulier sur l’aide au retour des étrangers porteurs de projets non seulement dans leurs pays d’origine mais peut-être vers d’autres pays avec lesquels ils pourraient entretenir des liens.
L’impact devrait être mesuré de l’efficacité réelle de ces projets et des risques d’échecs avec les conséquences que cela porte pour les deniers publics ?
En tout état de cause le sort du mineur qui ne sera plus en centre de rétention mais éloigné de sa famille et otage d’un retour « volontaire » si généreusement proposé devra faire l’objet d’un examen très attentif.
Les articles 13 sont motivés par une référence heureuse au « bloc de constitutionalité » :
- 13a : Fonder le refus ou le retrait d’un document de séjour détenu par un étranger dont le comportement manifeste le rejet des principes et valeurs de la République française
- 13d : Conditionner la délivrance de tout document de séjour à la signature, par l’étranger, d’un acte d’engagement aux principes et valeurs de la République française
On lira notamment : « En effet, permettre le refus de délivrance, ou le retrait, d’un document de séjour à l’étranger qui n’a pas signé l’acte d’engagement à respecter les principes et valeurs essentiels de la République française ou dont le comportement manifeste le rejet de ces principes emporte des conséquences sur sa situation, notamment sur son droit à se maintenir en France, et, dans certains cas, à y travailler.
Aussi, il est naturel, voire impératif, que cela ressorte de la compétence du législateur. Cela ne fait aucunement obstacle à ce que le contenu et les modalités de signature de l’acte d’engagement soient précisés par voie réglementaire. »
La nature de l’engagement souscrit et les sanctions prévues en cas de manquement à au choix librement souscrit par le requérant d’adhérer au pacte républicain seront incontestablement d’un intérêt de premier plan lors des débats.
En effet, l’étranger souscrivant un engagement aussi formel ne devrait avoir aucune raison de manquer à son engagement…
La France serait en tout cas fondée à lui reprocher un manquement.
Le gouvernement rappelle justement outre la laïcité :
̶ la liberté personnelle
̶ la liberté d’expression et de conscience (la liberté de conscience renvoyant à la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat)
̶ l’égalité entre les hommes et les femmes (identifiée comme une valeur essentielle de la société française par le Conseil d’État)
̶ la dignité de la personne humaine (la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République le mentionne s’agissant du contrat d’engagement républicain pour les associations notamment) ; la devise et les symboles de la République, au sens de l’article 2 de la Constitution, c’est-à-dire : la devise de la République, la langue française, le drapeau tricolore, l’hymne national, la démocratie.
Cette dernière notion de « démocratie » pourrait être substituée par celle de « République Française » ?
Pour ce qui est des articles suivants traitant des questions relatives au non renouvellement ou au retrait du titre de séjours elles seront certainement, pour leur part, débattues au regard du contexte général de l’esprit de simplification qui est celui du texte.
De telles déclarations ou réaffirmations des vertus républicaines ne sauraient exonérer la France de respecter les obligations qu’elle a elle-même pour devoir d’assurer aux exilés.
Le titre III « sanctionner l’exploitation des migrants et contrôler les frontières » ne manquera pas non plus d’être pesé à l’aune des principes capitaux de la République.
Le ton est donné pour justifier l’usage de la force: « La lutte contre les filières d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’étrangers constitue une priorité gouvernementale ainsi qu’en témoigne l’activité intense des forces de sécurité intérieure (FSI) quant au démantèlement de filières : la réponse policière et judiciaire porte ses fruits, mais elle met également en exergue la nécessité de poursuivre l’effort législatif pour en accentuer l’efficacité. »
Et le bouclier constitutionnel est brandi : « L’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière concourt à la sauvegarde de l’ordre public et partant, constitue une exigence de valeur constitutionnelle.
La sauvegarde de la dignité de la personne humaine est un principe à valeur constitutionnelle. La sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation fait partie intégrante des droits inaliénables et sacrés réaffirmés par le préambule de la Constitution de 1946.
La fraternité constitue un principe à valeur constitutionnelle duquel découle la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national.
Le Conseil constitutionnel précise dès lors qu’ « il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public ». Il a dès lors précisé qu’« en réprimant toute aide apportée à la circulation de l’étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l’accessoire de l’aide au séjour de l’étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public » Source : SG-SDSE SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP. 212 Décision n° 2011-631 DC, 9 juin 2011 ; rappelé par la décision n° 2018-717/718 QPC, 6 juillet 2018. 213 Décision n° 94-343/344 DC, 27 juillet 1994. 214 Décision n° 2009-593 DC, 19 novembre 2009. 215 Décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, M. Cédric H. et autre, paragraphe 13. 232 Le principe de nécessité et de proportionnalité des peines est garanti par l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Il implique que toute peine édictée en répression d’une infraction pénale doit être « strictement et évidemment » nécessaire. Selon la formule habituelle du Conseil constitutionnel, « si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue ».
Le but de l’article 14 est d’aggraver les sanctions lorsque les faits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’étrangers sont commis en bande organisée et que les étrangers sont exposés à un risque immédiat de mort ou d’infirmité, pour décourager les réseaux de passeurs dont l’action a pour effet la mort de personnes lors d’une traversée ou d’un transport. Par ailleurs, les peines sont également aggravées pour les têtes de réseaux, à l’instar de ce qui existe déjà pour le trafic de stupéfiants.
Si le texte avait prévu des correspondances explicites entre cette partie et la partie qui concerne l’emploi des exilés pour sanctionner les employeurs qui ont recours à une telle main d’œuvre avec des connexions possibles avec des réseaux avec une vocation à s’appliquer pour des faits commis y compris à l’étranger avec des effets sur le sol français, peut être que le dispositif aurait rejoint l’ambition affichée dans l’intitulé du chapitre.
L’article 15 : Durcir les sanctions contre l’habitat indigne, rappelle selon la méthode rédactionnelle choisie les dispositions existantes pour lutter contre ce fléau.
Le législateur doit donc selon le projet « concilier l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent avec le droit de propriété, constitutionnellement garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Dans une décision du 29 juillet 1998 portant sur la loi d’orientation relative à la lutte contre l’exclusion, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé qu’il appartenait au législateur de mettre en œuvre cet objectif de valeur constitutionnelle, et qu’il lui est loisible, à cette fin, d’apporter des limitations au droit de propriété qu’il estime nécessaires, à la condition que ces limitations n’aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés ».
Encore un exercice d’équilibriste entre les principes qui doivent être conciliés afin de de mieux protéger les personnes vulnérables et notamment les étrangers en situation irrégulière contre le logement indigne en renforçant l’effet dissuasif de ces sanctions pénales.
Objectif des plus nobles s’il en est.
Une nouvelle circonstance aggravante est proposée pour porter la peine initialement encourue de trois ans d’emprisonnement et 100 000€ d’amende, est alors portée à cinq ans d’emprisonnement et 150 000€ d’amende lorsque les faits sont commis à l’encontre d’un occupant qui est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière.
Curieusement l’étude d’impact ne mentionne aucun effet sur les personnes en situation de handicap ou sur les publics vulnérables comme les LGBT qui pourtant pourraient se trouver mieux loties par l’effet du texte.
Encore l’effet n’est mesuré qu’au regard des bailleurs particuliers sans tenir compte de l’état du logement dans certaines structures d’accueil bénéficiaires de subventions publiques et dont le parc n’a pas été audité.
Le texte ne considère pas non plus la question des « jungles » nonobstant les règles internationales qui existent sur l’organisation de camps regroupant des populations réfugiées ou déplacées[1]…
L’application de telles règles ne pourrait qu’être perçue que comme une mise en pratique de la règle de Fraternité qui ne souffre pourtant d’aucune modulation dans l’esprit révolutionnaire.
Les article 16 et 17 renforcent ce qui existe déjà à savoir le contrôle et la sanction des transporteurs internationaux.
La mise en œuvre de cette nouvelle obligation implique selon les rédacteurs « pour les entreprises de transport de contrôler un élément supplémentaire concernant le passager qu’elle embarque à bord de son appareil. En plus du document de voyage et du visa si la nationalité l’exige, elle doit contrôler l’autorisation de voyage (ETIAS) des passagers ressortissants de pays tiers non soumis à visa. Ce contrôle dématérialisé est effectué à travers une interface transporteur mise à leur disposition conformément à l’article 45 du règlement UE 2018/1240 précité. En cas de non-respect de cette obligation, les compagnies sont passibles de verbalisation et d’une amende allant jusqu’à 10 000 euros par passager. »
Mais ici encore, le cas le plus souvent rencontré en pratique et qui se plaide devant le tribunal correctionnel est celui du chauffeur salarié à très bas prix qui rencontre à une frontière soit un passeur, soit un compatriote qui est en train de fuir la guerre ou la misère…
Ici les tribunaux entendent des plaidoiries sur le fondement de l’article L 622-4 3° du CESEDA[2] qui dispense de sanction pénale toute personne physique ou morale ayant aidé un étranger à entrer irrégulièrement, lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinés à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci. Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s’appliquent pas lorsque l’étranger bénéficiaire de l’aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d’une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.
La création d’une sanction administrative aussi lourde en dépit du dispositif existant sera immanquablement envisagée au regard du principe de « Fraternité »…
Il pourrait y avoir une dispense de peine au pénal et une sanction administrative ?
Sans compter le fait que l’étude d’impact ne pèse pas les conséquences sur l’emploi des chauffeurs qui risquent de perdre leur place pour avoir eu de la solidarité envers une personne en proie à la plus grande précarité…
L’écran entre le principe de Fraternité et la réalité est d’autant plus fort désormais que le dispositif de contrôle pourrait s’étendre aux particuliers…
Les débats mettront, c’est à espérer, des gardes fous à une telle proposition.
L’article 18 : Encadrer le refus de visa aux étrangers ayant fait l’objet d’une OQTF au cours d’un séjour antérieur sur le territoire français doit également faire l’objet d’un bref commentaire.
Le président de la République n’a pas caché son objectif [3]: accroitre l’efficacité du dispositif sans négliger une politique de gestion des visas avec les pays qui ne « joueraient pas le jeu ».
Le gouvernement ne conteste pas que l’administration dispose de la faculté de s’opposer à l’entrée en France d’un étranger en cas de fraude ou de risque d’immigration illégale. La jurisprudence administrative reconnaît en particulier à l’administration le pouvoir de rejeter une demande de visa lorsque l’étranger s’est antérieurement maintenu irrégulièrement sur le territoire français.
Pour renforcer le dispositif législatif en vigueur, et intégrer aux règles relatives à l’entrée sur le territoire national le principe d’une prise en compte effective des infractions récentes à la législation relative à l’entrée et au séjour, il est proposé d’instituer un nouveau motif de refus d’entrée en France dont la mise en œuvre relèverait de dispositions communes à l’examen de demandes de visas.
Nonobstant la rigueur du dispositif actuel le texte opère un véritable « coup de menton » juridique dont on a peine à concevoir comment il dissuadera les personnes candidates à bénéficier des exceptions prévues par le « bloc de constitutionnalité » à solliciter un droit de résider en France.
En clair le dispositif risquerait de constituer une véritable incitation à se tourner vers les réseaux de passeurs afin d’éviter une politique de visa trop rigide.
Le Titre IV « engager une réforme structurelle du système de l’asile » attire encore l’attention dans la mesure où il a lui aussi en peu de mots l’objectif de rationaliser où plutôt de légaliser ce qui a été entrepris à marche forcée depuis deux ou trois ans.
Un exposé synthétique du cadre constitutionnel et international introduit la partie.
Au regard du projet, il est à craindre que l’exilé ne soit plus considéré comme un demandeur d’asile mais comme un candidat à l’immigration en France.
Pourtant l’application des lois sur l’asile découlent de l’application de règles internationales bien différentes que celles qui régissent l’immigration dite économique…
A titre d’illustration, l’articulation est ainsi communément exprimée dans les décisions de la CNDA :
Aux termes de l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».
Aux termes de l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes : a) La peine de mort ou une exécution ; b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; c) S’agissant d’un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence qui peut s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d’une situation de conflit armé interne ou international ».
Jacques-Louis Colombani
Avocat et docteur en droit
[1] https://emergency.unhcr.org/entry/39929?lang=fr_FR
[2] http://www.gisti.org/spip.php?article6022
[3] https://www.revuepolitique.fr/remarques-sur-le-projet-de-reforme-du-droit-dasile/