La Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne se sont déclarées mercredi dernier dans un communiqué commun “profondément préoccupées” par la “violation successive des obligations nucléaires de l’Iran” et par le fait que les activités iraniennes “inacceptables” conduirait “à l’acquisition de connaissances sur les armes nucléaires”. “L’Iran doit immédiatement arrêter la production d’uranium métallique et d’uranium enrichi à 60 %”, “cesser l’escalade des tensions” et “participer aux négociations sans plus attendre”, a déclaré la troïka européenne dans un communiqué.
Seyed Jalal Sadatian, ancien ambassadeur d’Iran au Royaume-Uni, a estimé que la troïka, les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite se sont rapprochés et qu’il existe ainsi aujourd’hui un risque que le mécanisme de déclenchement contre l’Iran soit activé, ce qui est dangereux.
Le retard de l’Iran dans la reprise des pourparlers lui a fait perdre des alliés tels la Chine et la Russie. Au vu des récentes déclarations de certains responsables russes, il s’agissait d’une attitude inhabituelle très tranchante de la diplomatie. La prolongation du processus de négociation fonctionne contre l’Iran et les atermoiements de Téhéran, en faisant porter toute la faute à Donald Trump, ont provoqué un retournement de situation.
Une action plus sérieuse contre l’Iran ?
Dans leur déclaration, les Occidentaux ont qualifié le comportement de l’Iran de provocateur. Le régime iranien pense pouvoir créer un fossé entre l’Europe et les États-Unis. Mais cette stratégie appartient au passé.
La situation est encore plus dangereuse lorsque les pays des P5 + 1 estiment que l’Iran est sur le point de réussir de nouvelles avancées (pour fabriquer une bombe atomique). Ceci est considéré comme une déclaration de guerre. Actuellement le comportement de la Russie et de la Chine ne profitera pas au régime.
Impasse dans le JCPoA
L’ancien rapport de force étant bouleversé, la question fondamentale est de savoir si l’Iran acceptera de modifier ou de livrer de manière irréversible ses réserves d’uranium à 5 %, 20 % et 60 %, de démanteler ses centrifugeuses avancées, d’arrêter la production d’uranium métal et de reprendre la mise en œuvre du protocole additionnel. En échange de l’abandon de ces activités l’Iran souhaite que l’adoption de ces restrictions conduise à :
- La levée complète – et non la suspension – de toutes les sanctions américaines qui nécessitent pour certaines l’approbation du Congrès quand elles relèvent du terrorisme et des violations des droits humains.
- La garantie par les États-Unis du retour à l’Iran de l’argent provenant de la vente de pétrole.
- L’engagement des États-Unis de ne pas se retirer à nouveau de l’accord nucléaire.
Poser des conditions quasiment impossibles à réaliser rend les Iraniens pessimistes, en particulier les jeunes, qui considèrent que le pouvoir ne cherche pas à conclure un accord mais à gagner du temps afin d’améliorer sa capacité nucléaire.
Les P5 + 1 tentent de lier les pourparlers du JCoPa à une série de différends avec l’Iran tels que l’influence régionale, le terrorisme et le développement de missiles. Mais l’Iran ne le veut pas car il considère que ce qui constitue la source même de son pouvoir, et peut-être sa survie, lui serait confisqué.
L’esprit de l’accord nucléaire
Comme indiqué dans le premier paragraphe de l’accord nucléaire, l’objectif est de parvenir à la paix et à la tranquillité dans la région et dans le monde. Or après la signature de l’accord en 2015, l’influence régionale du régime iranien, ainsi que le développement de missiles, ont largement progressé et les réseaux de milices se sont répandus dans toute la région entraînant des guerres et effusions de sang. Les attaques contre les raffineries saoudiennes et les pétroliers se sont multipliées.
Ainsi, le programme nucléaire pour le régime iranien est devenu le premier bastion qui, s’il est conquis par l’ennemi, entraînera la chute des autres bastions. Les prochaines forteresses sont l’influence régionale, le développement des missiles et des drones, les droits humains et l’existence même de la République islamique. C’est là que les tergiversations du régime iranien pour reprendre les négociations deviennent tout à fait compréhensibles. Cette fois, selon Zarif, l’ancien ministre des Affaires étrangères, il ne s’agit pas d’un jeu gagnant-gagnant. Tout est perdant-perdant.
Hamid Enayat
Expert de l’Iran
Ecrivain basé à Paris, spécialistes des questions iraniennes et régionales