Dans cet article, Matthieu Creson, conférencier, enseignant, chercheur associé à l’Institut libéral, plaide pour un sursaut d’individualisme (mais d’ « individualisme bien compris », comme le dit le philosophe Alain Laurent) chez nos concitoyens.
L’exécutif mise désormais sur le civisme des Français pour juguler la « neuvième vague » du Covid : tel est le titre d’un récent article1 du journal La Croix (12 décembre). Après avoir transformé la France pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, en « Absurdistan »2 – monde surréaliste où, comme le dit très justement Christophe Barbier dans Les Tyrannies de l’épidémie (Paris, Fayard, 2021), « Kafka marche main dans la main avec le père Ubu » – le gouvernement aurait-il finalement pris conscience que la meilleure carte à jouer restait encore celle de l’appel à la responsabilité individuelle ?
On peut dire rétrospectivement que la crise sanitaire aura engendré deux grandes réactions en France : pour certains, l’État en faisait trop, prétendant dicter aux individus leurs choix et leurs comportements – voire ce qu’ils devaient penser ; pour d’autres au contraire, l’État était fondé à prendre des mesures coercitives, dans la mesure où les Français pécheraient par irresponsabilité personnelle.
L’anthropologue et psychologue de la culture Gustave Le Bon (1841-1931) avait distingué dans son œuvre deux types de peuples : les peuples individualistes (d’après lui les Anglo-Saxons) et les peuples collectivistes (ainsi les peuples d’origine latine, tels les Français). Les premiers sont habitués, nous dit-il, à ne compter que sur eux-mêmes et jamais sur l’État ; a contrario, les seconds tendent à tout lui déléguer, jusqu’à la conduite même de leur existence. Ce constat qu’avait cru pouvoir dresser Le Bon pourrait-il expliquer au moins en partie l’attitude de tant de Français durant cette crise sanitaire, qui se sont spontanément et immédiatement tournés vers l’État, exigeant de lui qu’il la résolve à leur place ? Cette crise devrait en fait amener les Français à un véritable examen de conscience collectif : l’étatisme est-il vraiment le remède le plus efficace aux crises touchant tout ou partie de la population ? Ou bien n’est-ce pas au contraire dans l’individualisme (le vrai individualisme, tel que le philosophe Alain Laurent l’a décrit, et non sa caricature, qu’on trouve habituellement colportée dans la classe politico-médiatique) que se trouve la clef du comportement approprié en pareilles circonstances : être conscient de ses propres devoirs3 envers les autres, tout en conservant le souci de soi ? Le Covid doit provoquer chez nos concitoyens un sursaut d’individualisme, non de collectivisme.
Matthieu Creson
Enseignant, chercheur (en histoire de l’art)
Diplômé en lettres, en philosophie et en commerce