Cette semaine du 14 juillet aura été marquée coup sur coup par deux moments qui témoignent d’un changement d’atmosphère politique.
Tout a commencé à l’Assemblée nationale où l’hémicycle sur le premier texte que les nouveaux députés aient eu depuis leur élection à examiner s’est cabré au point de déjà mettre en minorité le gouvernement en ce début de XVIe législature. L’événement en soi n’est pas une surprise au regard de l’étiage parlementaire qui est celui du Président de la République. Il n’en demeure pas moins un événement parce que vient d’advenir pour la première fois sous la Ve République ce que la Revue politique et parlementaire a déjà anticipé à plusieurs reprises depuis le résultat électoral du mois de juin : un empêchement systémique à venir du régime. Le moteur pourra, cahin-caha, redémarrer tant potentiellement que poussivement sa marche ; il n’en demeure pas moins que si reprise partielle il y a, elle se heurtera inévitablement à un grippage structurel.
Les oppositions n’ont pas gagné certes les législatives, faute de possibilité de concilier des contradictions évidentes, mais le Président de la République a bel et bien perdu sa majorité parlementaire, y compris relative, nonobstant les apparences qu’il entend entretenir.
Cette situation pourrait éventuellement s’amodier si le Chef de l’Etat, conscient de sa fragilité politique, respectueux du mandat que les Français ont donné à une représentation nationale dont ils souhaitent qu’elle ramène leur souveraineté au cœur de la prise de décision, acceptait les limites que le peuple dans sa grande sagesse a par son vote posées à sa pratique du pouvoir mais également au style très personnel avec lequel il entend conduire les affaires du pays. Quelque part les citoyens ont remis la démocratie parlementaire au centre du village, rappelé que tout procédait de l’expression populaire, et que tout Président de la Ve République qu’il était Emmanuel Macron devrait désormais compter avec les contre-pouvoirs que les électeurs lui avaient assignés pour contrôler son action.
On pouvait attendre de l’interview présidentielle à l’occasion de la Fête nationale qu’elle réponde à cette attente, qu’elle démontre que l’Elysée avait entendu le message électoral, et qu’elle offre justement la première expression d’un aggiornamento.
Or, force est de constater que le Président est resté dans sa coursive, réitérant ses certitudes bien plus existentielles au demeurant que politiques.
Emmanuel Macron est apparu peu explicite sur le projet, assez alarmiste au fond sur un court terme qu’il ne maîtrise manifestement pas et auquel il n’apparaît pas en mesure d’apporter des solutions immédiates, et droit dans ses bottes dés lors qu’une parcelle de critique lui était adressée. Comme deux bolides dont la course n’apparaît plus maîtrisable la collision entre l’exécutif et le législatif semble inévitable faute d’infléchissement du premier qui à ce stade reste accroché au logiciel du premier quinquennat, que le résultat du scrutin de juin dernier a pourtant rendu obsolète. Au risque de se transformer en Maréchal Mac Mahon à la veille de la crise du 16 Mai 1877…
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne