Que dire de cet instrument constitutionnel enchâssé parmi les quelques alinéas de l’article 49 de la Constitution du 4 octobre 1958 retouchée par La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur la modernisation des institutions ? Article sans doute le plus connu des Français puisqu’avoir recours à une de ces particules, le 49-3, laissé à la seule main du gouvernement, fait office, dans l’inconscient de chaque Français, d’arme nucléaire institutionnelle lorsqu’il est scandé dans les médias. Plus discrète, quoique, la motion de censure y est décrite dans son 2e alinéa.
Cette fois encore, la chasse d’eau du scrutin organisé dans l’hémicycle aura évacué cet objet encombrant de la cuvette parlementaire. La majorité absolue redonnant son hygiène parfaite à l’indispensable contre-pouvoir. En effet, son adoption était très peu probable, puisque les groupes RN et LR ne la soutenait pas. Le texte de la motion de censure déposée par les députés de la NUPES mercredi 6 juillet devait réunir au moins 289 voix. Il n’a récolté que 146 voix en sa faveur – l’alliance de gauche compte 151 députés. Une fois encore, recourir à la motion de censure ne sert à rien. Ce petit étron institutionnel diffuserait les mauvaises odeurs de la dissolution alors que le gouvernement se draperait dans les effluves apaisants des apporteurs de solutions pour reprendre la rhétorique habile de la Première ministre. Pire, pour redevenir sérieux, il est totalement improductif puisque la seule fois où une motion fut adoptée, c’est l’odeur du coup d’Etat parlementaire contre l’élection par le peuple du Président de la République qui s’en est exhalée.
Une arme absolue presque décommissionnée
L’arme fatale des députés se nommerait : la motion de censure. Pour mémoire : L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale et doit être adoptée à la majorité absolue des votants soit 289 députés. La motion de censure déposée par la Nupes est la 59e déposée sous la Ve République. Une arme toutefois bien inoffensive si l’on regarde le nombre de gouvernements victimes de son utilisation.
Jusqu’à présent, une seule a été adoptée. Première preuve de son inutilité : sa quasi-innocuité.
Deuxième preuve de son inutilité : c’était en octobre 1962 que la seule motion de censure fut adoptée. Lorsque les députés, opposés à l’élection du Pésident de la République au suffrage universel direct voulu par le général de Gaulle, renversèrent le Premier ministre Georges Pompidou et son gouvernement. Que penser du rôle de l’outil lorsqu’il servit à s’opposer à ce qui est devenu l’épicentre de toute la vie politique française, l’élection présidentielle.
S’il fallait une troisième preuve de son absurde inutilité, il s’agirait de rappeler qu’à l’issue des élections qui suivirent la démission du gouvernement, la majorité du Général fut renforcée à l’Assemblée. Une motion de censure fut adoptée le 5 octobre 1962 par 280 voix, renversant ainsi le Gouvernement Pompidou (la majorité requise était de 241 voix). Le général de Gaulle réplique en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale et en décidant des élections législatives organisées après le référendum, prévu pour le 28 octobre 1962. Le référendum se traduit par une victoire politique du chef de l’État : 62,2 % des suffrages exprimés approuvent le projet d’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Les élections législatives des 18 et des 25 novembre 1962 qui suivent ce référendum consacrent la victoire des partisans du chef de l’État : la formation gaulliste rassemble au second tour plus de 40 % des suffrages et obtient avec ses alliés la majorité absolue des sièges, du fait du scrutin majoritaire à deux tours en vigueur depuis 1958.
La seule motion de censure jamais adoptée dans l’histoire de la Ve prouverait, par la description implacable des faits, que ce dispositif institutionnel, censé offrir aux parlementaires les moyens de mettre en question la légitimité du gouvernement n’est rien d’autre qu’une promesse de se tirer une balle dans le pied. Dans le cas particulier de 1962, il s’agissait d’une rafale ou d’un suicide collectif du Parlement.
De là à y voir un moyen de réduire le pouvoir des parlementaires que le Général ne portaient pas dans son cœur, il n’y a qu’un pas…
Espérons toutefois que le contrôle parlementaire de l’action du gouvernement, tel qu’il serait apprécié par le reste des forces d’opposition, la Nupes mis à part, aille bien au-delà de ces gesticulations sous la forme de « motion de posture »1.
Jacky Isabello
Fondateur de l’agence de communication CORIOLINK
- Olivier Véran : Grand jury RTL- Le Figaro – LCI : dimanche 10 juillet 2022 ↩