Les conséquences économiques et sociales de la pandémie s’annoncent terribles. Le mot pour l’occasion n’est pas galvaudé. L’arrêt du monde de la richesse et de la démocratie, celui des pays Occidentaux, constitue une fracture dont personne à vrai dire n’est en mesure d’évaluer à ce stade l’ampleur. Pas plus les dirigeants politiques que les maîtres de l’économie, les responsables des organisations internationales que les experts.
À l’épreuve du Covid-19, nous redécouvrons l’une des grandes lois de l’histoire, que nous avions à la faveur de nos conforts matériels sans doute oubliée : l’incertitude et l’inconnu. Tous les jours les gouvernements annoncent des plans de soutiens à l’activité qui selon le niveau d’endettement des uns et des autres laissent transparaître pour les plus endettés la panique d’une fuite en avant pour “rustiner” ce qui peut encore être sauvé et pour les plus rigoureux une aptitude à maîtriser une secousse qui de facto renforcera à court et moyen terme leur poids politique.
Au trébuchet de la fin de cette première grande bataille sanitaire à l’échelle de la planète, la mondialisation apparaît comme une évidence. Pour la première fois
c’est un monde entier qui sur tous les continents a synchronisé sa peur en quelques semaines pour tenter, selon des modes opératoires variables, de contenir un fléau qui n’est pas une guerre, mais un risque exogène à la communauté des humains : un virus. Aussi surprenant que cela puisse apparaître, le désordre suscité par l’épidémie renforce l’idée du “village-monde”, mais en creux, par une sorte de nécessité de l’absurde qui démontre aussi que la foi immanente dans le globalisme s’est payée de transferts de production imprudents et de relâchement de souveraineté mortifère.
Pour autant, dans son dysfonctionnement systémique, la planète réagit avec un réflexe quasi-identique : se protéger. C’est un sentiment d’appartenance commune, puisque nous sommes, où que nous soyons, confrontés à la même menace qui traverse comme une onde imperceptible mais bien réelle la scène internationale.
Il ne faut pas s’y tromper néanmoins.
La sortie du séisme sanitaire redistribuera les cartes géopolitiques, le poids des uns et des autres, les vainqueurs et les vaincus.
À l’échelle de l’Europe déjà, les Latins, Français, Italiens, Espagnols, payent fortement leur tribut à la propagation virale alors que les Nordiques, Allemands en tête, amortissent certes non sans contraintes le choc épidémique, rigueur budgétaire et capacité de production aidant. Au large, les Asiatiques montrent à ce stade une agilité collective que les Occidentaux peinent à déployer dans l’incroyable chaos de leurs réponses dispersées. Le Covid-19 “viralise” subrepticement un basculement, esquisse une tectonique qui redessine les plaques des rapports de forces dont on pressentait bien avant la pandémie qu’ils travaillaient les souterrains planétaires. Le moment biologique ne rend que plus visible cette grande transformation. Ceci n’est pas une guerre, sans doute, mais il y aura à n’en pas douter des gagnants… et des perdants.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef