Nul ne sait ce que réserve la séquence dans laquelle nous entrons. En se jetant en plein chaudron inflationniste dans la réforme des retraites, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne comptent sur trois facteurs pour parvenir à leur fin : le soutien du groupe LR à l’Assemblée qui leur permettrait de faire voter un texte, nonobstant une majorité relative ; la crise de confiance dont sont l’objet les grandes organisations syndicales malgré le front uni du moment ; le reflux des logiques d’engagement civique de citoyens mécontents certes, mais repliés sur leurs sphères individuelles.
La réalité du problème est sans doute ailleurs que dans les commentaires immédiats, politiques et extra-politiques, qui ont annoncé le contenu du projet gouvernemental.
D’aucuns considèrent que le Président entend marquer là sa volonté réformiste et qu’il n’aurait pas de toutes les façons d’autres fenêtres dans son quinquennat débutant que celle qui se présente à lui en ce début 2023.
Autant l’argument de l’agenda est recevable mais pour la circonstance absolument secondaire, autant celui du contenu est à relativiser, tant le seul point saillant de cette réforme est qu’elle constitue primo, qu’on le veuille ou non, un recul social peu conforme au progressisme dont Emmanuel Macron se disait l’héritier en 2017 et secundo qu’elle signe l’alignement de la France aux injonctions d’un calendrier dicté ailleurs, à Bruxelles, Davos et Washington.
Faut-il s’en étonner ? Certainement pas mais néanmoins, comme l’observait voici quelques heures dans une contribution pour la Revue Politique et Parlementaire notre contributeur Jean-Yves Archer, ce projet est peut-être d’abord l’arbre qui cache la forêt du relâchement quasi sans précédent dont cet exécutif a fait preuve en matière de contrôle de la dépense publique. Évidemment l’autel des crises sanitaires et énergétiques explique cette accélération des déficits budgétaires, mais nombre d’observateurs avertis ont pointé que si relâchement il y a, celui-ci est antérieur au surgissement de la pandémie.
In fine le pouvoir est posé sur une trappe… à dettes. Celle-ci lorsqu’elle s’ouvrira rendra bien plus inconfortable la situation sociale du pays, et cet inconfort constituera le plus grand des périls politiques que l’on puisse envisager et imaginer.
A l’exception de quelques idéologues, tout le monde, ou presque, le sait mais tout le monde, ou presque aussi, fait semblant de ne pas le voir, espérant que cela dure encore comme si l’on pouvait vaincre un mal qui ronge… à l’usure. Cette prédisposition collective à l’auto-aveuglement est la marque d’une douce folie toute aussi collective. Jusqu’à quand ?
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire