Dans un article de 2004 sur la sécurité internationale, publié par la revue Futuribles[1], j’explorais quels étaient les différents scénarios pour le Japon et considérais les choix de son horizon énergétique. Depuis 2004, la géopolitique du monde a changé et d’aucuns disent qu’elle est devenue certaine. La sécurité internationale et ses règles du jeu ont évolué, et celles-ci se sont endurcies. De ce point de vue, comment le Japon qui a externalisé sa sécurité aux États-Unis, lié sa croissance par les exportations à la Chine et dans une moindre mesure, ses besoins énergétiques à la Russie, peut-il réagir ?
Si les effets de mémoire peuvent jouer des tours à l’analyse géopolitique, la question énergétique reste centrale et stratégique. Ici intervient l’idée de dresser ce seuil stratégique pour le Japon depuis le 24 février 2022, plongé sous les feux de la guerre en Ukraine. Quels repères pour l’intérêt national du Japon ? Reconnaissons-le sans ambages c’est un débat largement esquissé depuis quatre-vingts ans. Ensuite, et c’est peut-être le plus essentiel à rappeler, le Japon a oublié ses intérêts nationaux dès qu’il a été occupé en 1945, car les gens étaient plus préoccupés par leur survie que par l’intérêt national.
Quand on regarde la politique extérieure du Japon, il faut d’abord regarder ce qu’il y a au sein de la société japonaise tout entière dominée simultanément, sous l’influence du mercantilisme et du pacifisme japonais.
Bien entendu, la guerre en Ukraine oblige non seulement le Japon, mais l’ensemble des pays à regarder la réalité énergétique : certains sont moins dans le péril de cette situation que le Japon lorsqu’on analyse les rapports de force, avec en arrière-plan des incertitudes économiques et géopolitiques.
Face à ce moment majeur pour la politique énergétique du Japon dont la marge de manœuvre est étroite, l’article propose d’éclairer cette nouvelle situation et de se replonger dans la prospective stratégique qui donne parfois l’impression de regarder ce moment dans un miroir. Dans la première partie de ce texte, j’essaierai d’abord d’expliciter ces contraintes, la dépendance qui les sous-tend, de clarifier le rapport de force à partir de la connaissance du passé et du présent. Dans la seconde partie, je m’efforcerai d’abord de montrer en quoi la prospective permet de détecter les nouveaux enjeux et d’exposer aussi simplement que possible les différentes options des choix stratégiques. Affirmation élémentaire certes, mais que la guerre en Ukraine révèle utile de rappeler sur le long terme : l’enjeu n’est plus seulement la sécurité énergétique du Japon, mais la sécurité énergétique du monde.
Court terme : le Japon maillon faible du G7
Le 24 février 2022, le monde entier a pu assister médusé au retour de la guerre de grande intensité sur le sol européen par l’invasion russe du territoire ukrainien. Qu’il s’agisse ou non d’une situation déjà connue en 2014 avec l’annexion de la Crimée, c’est une rupture proprement historique entre la Russie et le monde occidental. À cet égard, la recomposition énergétique des équilibres de puissance en cours a conduit le Japon à une première interrogation d’intérêt national crucial : fallait-il prendre le pas des sanctions économiques des puissances occidentales tout en assumant des pertes financières colossales ou bien assumer les risques de continuer « business as usual », en contribuant à armer financièrement la Russie ?[2]
Les conséquences de la crise ukrainienne illustrent finalement la souveraineté ambigüe du Japon qui peut être aisément fragilisée sur le plan énergétique étant dépourvu de ressources.
Rien ne peut montrer davantage la réalité de la dépendance du Japon que les ressources de pétrole et de gaz. Cette dépendance révèle son importance pour sa sécurité énergétique puisque l’autosuffisance énergétique de l’archipel, qui est de 11 %, est la plus faible du Groupe des Sept (G7). Parallèlement, les combustibles fossiles représentaient plus de 75 % du mix énergétique du Japon en 2020, laissant la portion congrue aux énergies renouvelables. Le fonctionnement de son économie repose largement sur des importations pour 100 % de son pétrole, 98 % de son gaz et 100 % de son charbon[3]. Autre problème : ces pourcentages n’ont pratiquement pas changé depuis des décennies. Depuis les années Kissinger, le lien entre le secteur de la défense et le pétrole n’est plus à démontrer et une autre réalité est que le Japon ne peut avoir cette vision militaropolitique pour la diversité de ses sources d’énergie et la sécurisation de ses approvisionnements. Longtemps, trop longtemps, le Japon a cru qu’il pourrait payer toujours plus cher son pétrole !
Cette dépendance stratégique est d’autant plus préoccupante que le Japon voit aujourd’hui ses relais voisins traditionnels s’éloigner de lui, parfois en raison même de sa position alignée avec Washington.
Les propos particulièrement durs, du président Vladimir Poutine à l’égard du Japon et le décret présidentiel sur les mesures en réponse « aux actions hostiles contre la Russie » du 1er mai 2022[4], signent pour l’heure la fin des illusions japonaises vis-à-vis du partenaire russe. Symbole d’une relation qui part à vau-l’eau, le président russe a désormais pour intention de faire les retrouvailles avec le Japon aux conditions de Moscou en arrêtant les pourparlers sur un traité de paix.
Outre cette position énergétique désavantageuse du Japon, le pivot poutinien vers la Chine[5], la nouvelle configuration géopolitique sur les hydrocarbures via un nouvel accord de coopération gazier de 30 ans lors de la visite officielle de Poutine en Chine, le discours brutal du président russe sur l’avenir d’un traité de paix avec le Japon, tous ces facteurs privent le Japon de relation forte avec ses principaux voisins. Les relations sino-japonaises sont au plus bas depuis que le Japon renforce sa relation privilégiée fondamentale pour sa sécurité avec les États-Unis. À vrai dire, ce refroidissement tend aujourd’hui à devenir sur ces questions énergétiques une divergence au moment même où le Japon cherche des appuis pour protéger sa prospérité qui lui sert de ciment depuis des décennies.
Moyen terme : Sakhaline, de l’optimisme au pessimisme russo-japonais
Un changement d’époque qui est la conséquence directe de la guerre en Ukraine. Le Japon est aujourd’hui dans une situation ou l’isolement de la Russie par le camp occidental précipite inéluctablement son rapprochement avec la Chine, ce qui n’est pas rien entre un pays qui demeure le deuxième exportateur d’or noir au monde et un autre qui est le premier importateur mondial. Or, dans cette relation, la Russie prévoit d’approvisionner en gaz à bon marché la Chine en promettant de faire croitre leurs échanges à 50 milliards de mètres cubes d’ici 2025.
Sans anticiper sur les développements futurs sino-russes justifiés par certains comme les prémices d’une alliance, laquelle pourrait surprendre, fit-elle insincère et temporaire, soulignons tout de suite combien la question de Sakhaline constitue ce dilemme insoluble pour le Japon. En tant qu’auteur d’essais géopolitiques suivant une analyse géopolitique et géoéconomique, il s’agit pour moi de vous présenter le vrai enjeu[6] de la mappemonde de Sakhaline 1 et 2.
Lors de la visite du Premier ministre de l’époque, Taro Aso, à Sakhaline le 18 février 2009 afin d’assister à la cérémonie d’ouverture de l’usine Sakhalin-2, qui fait partie d’un projet d’exploitation du pétrole et du gaz naturel au large de la côte de Sakhaline, ce dernier avait évoqué un « rêve qui devient une réalité »[7], autrement dit, le moment annonciateur d’une nouvelle période pour que les relations russo-japonaises changent de pied.
Parier sur une temporalité nouvelle, un nouveau seuil avec la question de l’énergie qui devait parachever une relation économique qui dicte le politique : d’un côté, le Japon finançait les investissements à Sakhaline et se voyait réserver un statut de partenaire préférentiel pour l’exploitation et l’importation des ressources gazières de l’île ; de l’autre côté, cette entente incluait dans leurs intérêts vitaux la stabilité politique d’une relation en dent de scie reflétant souvent les hauts et les bas de leurs relations respectives.
Pour autant, il convient de rappeler qu’en 2012 Vladimir Poutine entendait positionner la Russie comme une Eurasie du Nord et qu’incontestablement une position commune avec le Japon en Asie-Pacifique passait par la relation énergétique[8]. Comme rappelé par le précédent de 2014, lorsque la Russie s’est emparée pour la première fois d’une partie de l’Ukraine, la réponse du Premier ministre de l’époque, Shinzo Abe, avait été discrète. Dans cette perspective, sur le projet économique, Shinzo Abe proposait un plan tenant en huit points entre les deux pays lors du sommet Russie-Japon de Sotchi en mai 2016[9].
Avec le début de la deuxième guerre en Ukraine, en 2022, et un mouvement géopolitique d’ensemble : l’insatiabilité énergétique de la Chine, laquelle a dépassé le Japon en tant que premier importateur mondial de gaz naturel en 2021 et rien ne peut séparer davantage les positions japonaises et chinoises que la question de Taïwan. À moyen terme, un scénario de rapprochement régional entre Moscou et Pékin est plausible étant donné que dans le domaine des hydrocarbures, Russie et Chine sont en passe aujourd’hui de conforter leur partenariat face au « camp adverse » : l’Australie membre du QUAD fourni à la Chine 40 % de son gaz et les États-Unis 10 %[10].
Dans ces conditions, il convient donc pour Pékin d’en tirer les conséquences géopolitiques et dans une stratégie inverse aux positions occidentales de multiplier les opportunités d’exporter du pétrole et du gaz de la Russie. Elle témoigne aussi d’une volonté de limiter les dépendances chinoises qui restent significatives et qui ne sont plus une garantie ultime de ses intérêts dans l’hypothèse qu’un jour, il lui soit appliqué des sanctions internationales. Dans ce cadre, quoi de mieux que de pousser ses avantages en investissant dans la production de pétrole et gaz russe. Prise pour cible par Donald Trump puis Joe Biden sur la question des semi-conducteurs, anticipons que la Chine n’a pas l’intention de se retrouver dans une même situation inconfortable, dépendante de fait pour son énergie. La Chine a tout intérêt à trouver une nouvelle équation énergétique au point de se retrouver en concurrence directe avec le Japon sur les volumes d’exportation de gaz de Sakhaline.
Rien ne change pour la Chine a contrario du Japon en 2022, la guerre en Ukraine, la hausse des cours mondiaux des hydrocarbures, les sanctions économiques occidentales contre la Russie. Sur le plan énergétique, le Japon prend seulement acte du fait que la Chine multiplie les projets de construction de routes de transit partant de Vladivostok (Extrême-Orient russe).
Chaque État a ses propres motivations secondaires pour ses coopérations énergétiques étant donné que la géopolitique entre aussi en ligne de compte.
Pékin se positionne de plus en plus souvent comme concurrent du Japon plutôt que comme un partenaire. Pour le Japon, quitter vainement Sakhaline, après trente ans d’investissements financiers afin de sécuriser ses parts de marchés, ferait qu’ouvrir incontestablement dans cette perspective la voie à d’autres investisseurs moins scrupuleux, tout en minimisant l’impact des sanctions économiques à la Russie. Le partenariat sino-russe est également un message à destination des États-Unis, un partenariat qui entre nécessairement en concurrence avec les États-Unis dans son dessein de tracer une nouvelle route. En outre, la Chine prépare des investissements à Sakhaline en 2023 afin d’augmenter ses importations de pétrole au-delà d’un autre projet titanesque : le gazoduc de Force de Sibérie 2.
À plus long terme, c’est par ce gazoduc stratégique que les deux États ont en commun le défi d’une stratégie de diversification énergétique à l’aune des nouveaux rapports de force internationaux. À vrai dire, l’intérêt japonais pour les projets en Sibérie et dans l’Arctique va crescendo depuis 2019. Mais il se lit avant tout comme le désir de diversifier les fournisseurs du Japon. Quant à la Chine, elle a durablement investi dans la région afin de développer ses volumes d’exportation de gaz, de gagner des parts de marchés dans la baie de Bechevinskaya. La portée de ce projet de gaz naturel liquéfié (GNL) est considérable : elle souligne à quel point la Chine entend exploiter et investir dans des services de transbordement des méthaniers. Ses investissements en font déjà le premier investisseur étranger du développement russe dans l’Arctique. Ultime développement[11] : la Russie a rappelé à plusieurs reprises ses relations fortes avec la Chine. Pensant capitaliser mutuellement lors d’un accord en 2006, sur les premières livraisons de gaz russe à la Chine en provenance de l’Extrême-Orient russe, le projet baptisé Altaï avait été retardé de plusieurs années suite à un désaccord sur les prix. Alors qu’à présent l’Europe tente de s’affranchir de sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, ironique clin d’œil stratégique envers une dépendance de plus en plus forte avec la Chine.
Long terme : quand l’Histoire se répète
Autre scénario redouté pour le Japon d’une des conséquences directes de la guerre en Ukraine, la décision du président Joe Biden le 8 mars sur l’embargo sur le pétrole russe[12].
Pour Tokyo, tiraillé entre sa loyauté américaine et ses intérêts nationaux, il ne s’agit plus de subir les crises énergétiques, mais de mettre en place une stratégie nouvelle des priorités énergétiques en les anticipant, en innovant dans une transition qui exige une transformation de son modèle économique fondé sur un prix démesuré pour la priorité donnée à ses approvisionnements énergétiques.
Le cas de Sakhaline marque assurément ce nécessaire changement d’ère associé à la décision unilatérale russe de reprendre le contrôle total du projet d’exploitation d’hydrocarbures en expropriant les actionnaires étrangers en majeure partie japonais. Au-delà de l’échéance prévue jusqu’en 2029 sur les achats négociés de gaz russe par les grands acteurs pétroliers Mitsui et Mitsubishi, ces derniers doivent inévitablement s’attendre à de nouvelles hausses des contrats (y compris du cours du gaz russe) sachant que l’attention de la Russie en représailles de la guerre en Ukraine a été de faire changer les acteurs de juridiction.
La hausse du prix du gaz sur le marché spot et ses conséquences conduirait à la périclitassions des groupes japonais assurant le déclin d’un Japon ébranlé stratégiquement parlant sur le plan énergétique et peut-être beaucoup plus.
Pour poursuivre cet exercice de prospective, il convient de rappeler quelques pistes d’évolutions à partir d’un cas concret. Pendant des années, Tokyo avait maintenu des liens énergétiques avec l’Iran, même lorsque Washington cherchait à faire pression sur Téhéran au sujet de son programme nucléaire. Le Japon cédait finalement aux pressions américaines sur l’exportation de 15 % des importations journalières de l’archipel avec le gisement pétrolier d’Azadegan en Iran. Contraint d’emboîter le pas aux Américains sous la pression de sanctions économiques de l’ILSA Act de 2004[13]. De ce point de vue, il y avait un autre pays dont l’ascension menaçait, l’accord pétrolier d’Azadegan, la Chine[14]. Cette fois-ci, rien de différent à Sakhaline et les cercles dirigeants au Japon sont également en débat par le précédent qu’Azadegan pourrait créer plus près de chez eux : un nouveau contentieux sur le temps long en mer de Chine orientale avec le champ gazier exploratoire de Chunxiao à proximité des îles Senkaku.
En face du danger de ces dépendances, le Japon organise sa défense autour de deux axes principaux. Commençons par le premier axe qui s’appuie sur ce qu’on pourrait appeler l’autre dépendance.
Elle consiste à se corseter dans une relation avec les États-Unis, qui servent de glaive séculier au Japon avec les meilleures intentions du monde, mais que rien ne détourne de leur domination énergétique comme outil de politique de sécurité.
Selon la major INPEX à terme (dès 2027), ce groupe créé pour permettre au Japon de jouer un rôle clé dans sa stratégie pétrolière et gazière, achètera chaque année et pour vingt ans un million de tonnes de gaz naturel (liquéfié pour son acheminement au Japon) américain en provenance de l’État de la Louisiane[15]. C’est une stratégie peu curieuse, car les fractures de la géopolitique de l’énergie ont un coût et que sa défense peut demander des sacrifices. Plus que jamais, les États-Unis sont les seuls à dominer un des grands vaincus de la Seconde Guerre mondiale, le Japon.
Passons maintenant au deuxième axe, avec des conséquences profondes pour le Japon au point que des pans entiers de sa politique énergétique apparaissent à reconstruire. À ce constat, s’ajoute pour le Japon que la guerre en Ukraine a mis en évidence les failles de la stratégie énergétique japonaise. La fragilisation de ses positions remet-elle en cause son modèle ? La situation actuelle oblige à réfléchir que le problème est que le Japon avance trop lentement et qu’il lui incombe de retrouver un rôle sachant que ces questions vont prendre encore plus d’importance. Peut-être conviendrait-il de rappeler que le Japon fut un temps « roi » de la lutte anti gaspillage de tous les pays du G7, parvenant à se projeter de la crise pétrolière des années 1970, en rendant le gaz économiquement attrayant, comme le leader du rendement énergétique pour faire tourner son économie. N’était-ce pas le sens du message de sécurité énergétique de Shinzo Abe matérialisé par un plan en faveur de la préservation des ressources naturelles lors du second sommet de l’ASEAN de Cebu aux Philippines en 2007[16].
Comment renverser cette tendance sachant que depuis les années 2000, le Japon est désormais à la traîne à l’égard de plusieurs pays européens engagés efficacement dans la décarbonation de leurs économies. Le Prince de Talleyrand a écrit dans ses Mémoires que « Quand il est urgent, c’est déjà trop tard ».
À mesure que ses faiblesses structurelles s’accélèrent, dogme sur le nucléaire depuis la catastrophe de Fukushima en 2011, une démographie déclinante, le Japon doit pourtant se hisser à la hauteur des défis actuels.
Sur le plan des options pour une dynamique nouvelle, le défi de l’industrie de l’hydrogène est un des marqueurs de la technologie japonaise. De fait, l’archipel demeure un meneur sur ce sujet étant le premier pays en 2014 à avoir publié une feuille de route sur la maitrise de l’intégralité de la filière d’approvisionnement de l’hydrogène dans le monde. Un pari qui repose sur un précédent à savoir celui du gaz naturel dont le Japon organisa la filière après-guerre. Le Japon pourrait s’associer, si possible avec la France, au partenariat de l’Allemagne et du Canada pour la création d’une alliance pour l’hydrogène à l’heure où il est question de s’émanciper des énergies russes. Aujourd’hui, quand un pays pense énergie, il pense à son empreinte écologique et a sa consommation et c’est bien là la question de ce qu’on produit. L’atout de cette alliance sera de développer un hydrogène vert ou renouvelable, mais aussi un partage des bénéfices plus favorable entre pays producteurs. De l’échéancier des choix stratégiques à prendre, du pouvoir de décision et des moyens d’action, du degré de motivations des acteurs, le Japon et l’Allemagne se sont d’ores et déjà assurés de leurs ententes par la mise en place d’un mécanisme de consultation intergouvernementale entre les deux pays à l’occasion de la visite du chancelier allemand Olaf Scholz au mois d’avril 2022 au Japon[17].
On dirait qu’un autre sujet auquel le Japon se doit d’être attentif est la loi américaine sur la réduction de l’inflation votée en août 2022, un mélange d’investissements dans les énergies nouvelles et la décarbonation de l’économie par les nouvelles technologies.
Ce processus écologique de longue durée s’inscrit dans cet enjeu énergétique majeur du siècle à venir et plus que jamais s’aborde à travers le prisme de la géopolitique.
Tout se passe aujourd’hui comme si l’utilisation de l’hydrogène allait battre son plein à l’avenir, et une nouvelle compétition afin de se la procurer. Ce constat préoccupe au Japon avec un risque endogène : la prise de retard dans l’adoption de l’énergie de l’hydrogène au risque d’être laissé pour compte dans la ruée mondiale vers la décarbonation.
Le Japon est aussi à la veille de ce moment déterminant et la durabilité à une énorme affinité avec la philosophie et société japonaise. Reste que le chantage agité non sans arrière-pensées par la Russie, Vladimir Poutine en tête, étant prêt à employer « tous les moyens nécessaires » sur les livraisons de gaz de Sakhaline fragilise Tokyo. Particulièrement la région d’Hiroshima qui importe la moitié du gaz naturel extrait de Sakhalin-2. Une chose est sûre, le Japon a un besoin (une situation peu en phase avec un approvisionnement à bas coût) et il est normal que la Russie essaie de saisir quelques gains tactiques. Une hypothèse prise au sérieux par ce fief du Premier ministre Fumio Kishida, et à ce titre concerné, car c’est aussi un signal à son intention par les conséquences qu’aurait une hausse drastique des prix du gaz mettant à l’épreuve la patience des citoyens lors des prochaines élections générales locales en avril prochain.
Hervé Couraye
[1] Source : Quelle sécurité internationale ? – Futuribles ; https://www.futuribles.com/fr/auteur/couraye-herve
[2] Source : https://www.state.gov/japans-financial-sanctions-against-russia/
[3] Source : Japan Oil Security Policy – Analysis – IEA
[4] Source : Law on countermeasures in response to the unfriendly actions of the United States of America and other foreign states • President of Russia (kremlin.ru)
[5] Source : Joint Statement of the Russian Federation and the People’s Republic of China on the International Relations Entering a New Era and the Global Sustainable Development • President of Russia (kremlin.ru)
[6] Hervé Couraye, Rivalité sino-américaine en Indo-Pacifique, VA Editions, disponible en ligne : RIVALITÉ SINO-AMÉRICAINE EN INDOPACIFIQUE – Chroniques de Tokyo (va-editions.fr)
[7] Source : Prime Minister Aso Visits Sakhalin | Japanese Government Internet TV (gov-online.go.jp)
[8] Article de Vladimir Poutine, février 2012, journal Moskovskiye Novosti, disponible en ligne : Article by Prime Minister Vladimir Putin for Moskovskiye Novosti | Russian Mission (russiaeu.ru)
[9] Source : JBIC Signs MOU to Establish the Russian Far East ASEZ Investment Promotion Platform | JBIC Japan Bank for International Cooperation et lien du sommet de 2016 : Japan-Russia Summit Meeting | Ministry of Foreign Affairs of Japan (mofa.go.jp)
[10] Source : https://www.aph.gov.au/…/pubs/bn/eco/lng_exports.pdf et China now Australia’s top LNG export destination – Energy Magazine
[11] Source : Заседание круглого стола форума «Один пояс, один путь» • Президент России (kremlin.ru)
[12] Source : FACT SHEET: United States Bans Imports of Russian Oil, Liquefied Natural Gas, and Coal | The White House
[13] The Iran-Lybia Sanctions Act, disponible en ligne : Iran and Libya Sanctions Act (ILSA) (state.gov)
[14] Source : CNPC signs pact to develop South Azadegan oilfield — china.org.cn
[15] Source : INPEX Enters LNG Sales and Purchase Agreement with Venture Global LNG
[16] Source : MOFA: DÉCLARATION DE CEBU SUR LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE EN ASIE DE L’EST et mon article paru dans la revue le Banquet du CERAP, année 2006, sur la proposition de créér une Agence de Coopération technologique sur l’énergie (quatre lettres comme l’OSCE pour un dialogue énergétique).. Source : Le Japon dans la ronde de pays de l'axe du pétrole / Hervé Couraye | Base patrimoine | Catalogue collectif de France (CCFr) (bnf.fr)
[17] Source : Le chancelier fédéral Scholz au Japon | Gouvernement fédéral (bundeskanzler.de)