Rien ne permet d’affirmer tout d’abord que la situation parlementaire qui pourrait en découler ne changera. L’entrée de Mesdames Dati et Vautrin renforce le poids de la droite au sein du dispositif gouvernemental mais ni l’une, ni l’autre, pas plus que ceux des anciens républicains déjà embarqués dans le camp macroniste, ne permettront de desserrer l’étau de ce côté-là de l’échiquier parlementaire.
En outre ces ralliements successifs d’hier et d’aujourd’hui, après que leurs auteurs eussent en leur temps dit tout le mal qu’ils pensaient de l’actuel locataire de l’Elysée, contribuent non seulement à dégrader la force de la parole publique, mais pire encore ils ressuscitent une atmosphère de combinaisons politiciennes qui ne peut qu’éloigner toujours plus un grand nombre de Français de leurs gouvernants. C’est la plus dysfonctionnelle des politiques que celle consistant à ne pas tenir compte de ce que l’on peut dire ou être et de le renier en l’espace de quelques secondes pour un maroquin ministériel.
Décidément sous les arcs-boutants exigeants de la Ve République, ce sont bien les contorsions et revirements de la IVe République qui ressurgissent au nom d’une seule motivation : survivre.
Après à peine dix-huit mois de quinquennat, ce dernier suscite une confusion telle que l’acte de communication que constitue la nomination de Monsieur Attal a du mal à dissimuler les tensions qui se manifestent au sein même du parti présidentiel. La droitisation du macronisme de gouvernement, après la couleuvre du projet de loi immigration, risque de fissurer encore plus intensément l’aile gauche d’un bloc majoritaire, par ailleurs très relatif arithmétiquement parlant.
En outre, et ce n’est là pas le moindre des défis à venir, la désignation de Monsieur Attal pourrait ouvrir déjà les hostilités entre les différents aspirants potentiels à la succession d’Emmanuel Macron : le chef du gouvernement va non seulement devoir se battre pour éviter les écueils d’un hémicycle sans majorité stable, mais il sera très vite contraint aussi d’affermir son autorité parmi les siens, là ou celle-ci sera contestée inévitablement par Messieurs Darmanin ou Le Maire à l’intérieur du gouvernement ou à l’extérieur par Messieurs Philippe ou Bayrou.
Il faudra au tout jeune Premier ministre non seulement tenir sa majorité et son gouvernement, mais conduire aussi une campagne électorale et « accessoirement » gouverner.
Or si au mois de juin prochain à l’issue du scrutin européen la liste de la majorité se trouvait par trop devancer, ce n’est pas tant le chef du gouvernement que celui de l’Etat qui risque alors de se retrouver à découvert, tout à la fois défait, divisé et déstabilisé. Que lui restera-t-il alors comme alternative à près de trois ans de la fin d’un quinquennat décidément bien mal entamé ?
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne