Les résultats des élections européennes ont confirmé tout d’abord la défiance dont le pouvoir est l’objet depuis la reconduction d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Les élections législatives qui avaient suivi l’élection présidentielle constituaient déjà un signal d’alerte dont le Chef de l’Etat n’avait tout à la fois pas pu, ni voulu tenir compte : pas pu parce qu’il n’avait pas réussi à élargir sa base majoritaire, pas voulu non plus parce qu’il n’avait rien changé à sa pratique du pouvoir cumulant faiblesse de l’écoute, déni de la colère, personnalisation excessive de la conduite de l’Etat, et propension à la domination sans partage.
Le 9 juin les Français l’auront sanctionné massivement mais au-delà ils auront porté le RN très largement en tête.
Incertaine tout d’abord quand à son registre. Tout accrédite que sa brièveté sera gage de dureté. L’enjeu de la possibilité de l’accès du RN à Matignon électrisera à coup sûr un débat public qui l’est déjà fortement.
Il faut en conséquence s’attendre à une campagne brutale et frontale.
D’autant plus frontale qu’elle apparaît d’emblée dominée par la montée en puissance dans les intentions de vote de deux blocs, celui de la gauche alliée à LFI dans le cadre du « Front populaire » né sur les fonds baptismaux post-électoraux du 9 juin et celui du Rassemblement national auquel s’est rallié le Président en suspens de LR, Eric Ciotti. Sauf à ce que le bloc présidentiel puisse potentiellement remobiliser son socle et l’élargir potentiellement, la perspective d’un choc des alternances » à l’horizon de juillet n’est pas à exclure. L’incertitude se renforcera à mesure que l’on se rapprochera de l’échéance du scrutin et de son issue. Car cette dernière est gorgée d’aléas, dont le premier et non le moindre, est d’accroître une instabilité politique mais aussi institutionnelle de forte intensité. De la victoire envisageable du RN, sans ou avec une majorité absolue, à l’impossibilité au soir du 7 juillet de dégager une Assemblée susceptible de permettre la constitution d’un gouvernement stable et durable, tout est ouvert comme si le pays subitement était happé, après des décennies d’éreintement démocratique, vers l’inconnu…
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université