Les enseignements d’une élection ne sont pas là où forcément les commentaires immédiats veulent les voir. Les municipales qui viennent de livrer leur verdict n’échappent pas à cette règle. Il y a toujours quelque chose de sous-jacent dans tout événement électoral.

Nombre d’observateurs, avec raison, ont mis en exergue le phénomène abstentionniste massif, historique même du scrutin du 28 juin. Évidemment la crise sanitaire a eu un impact réel sur les processus de démobilisation, accélérant un mouvement de retrait civique qui pourtant, y compris pour des consultations locales, a commencé voici plusieurs années, voire décennies.
La politique électorale, cette “passion française”, ne fait plus recette. Dans une société de divertissement et de désenchantement, le désengagement citoyen est-il le signe d’un épuisement démocratique ou d’une contestation sourde ? Les deux paramètres, à des vitesses de croissance sans doute parallèles, participent certainement de cette désaffiliation inquiétante.
Ne pas voter par indifférence ou mécontentement relève d’un affaissement de l’adhésion aux institutions. Quand le peuple ne se sent plus concerné, c’est tout l’édifice qui est mis en question.
La démotivation, qu’elle soit opérée par le désintérêt ou le découragement, relève d’un sentiment manifeste d’insatisfaction. Ce “trou d’air” civique favorise généralement les couches sociologiques les mieux structurées politiquement (CSP plus, diplômées) et exclut les classes populaires à la périphérie de la vie citoyenne, à l’image des mouvements de population qui gagnent les centres des grandes métropoles où les bas et moyens revenus se retrouvent progressivement écartés des cœurs urbains.
Tout se passe comme si se développait un régime “censitaire” invisible, bien plus censitaire que républicain, un cens qui ne dit pas son nom mais qui en viendrait à laisser hors champ de la chose publique toutes les fatigues psychologiques et sociales de notre société.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef