La crise totale que nous traversons a occulté un évènement dont notre régime de libertés publiques, déjà fortement bousculé, se serait sans doute bien passé. À force de s’accommoder à l’exception, on finit par l’ériger en règle commune . Pourtant trois décrets en date du 2 décembre 2020 refondant des fichiers existants, ceux de la prévention des atteintes à la sécurité publique, ceux de la gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique et ceux des enquêtes administratives liées à la sécurité publique, ouvrent largement et au-delà de l’acceptable le champ du fichage aux convictions politiques, syndicales, religieuses…
La motivation de ce dispositif vise évidemment à permettre d’anticiper les menaces, notamment terroristes, qui pèsent sur notre protection collective. À priori, l’objectif serait peu contestable s’il n’ouvrait une brèche au cœur même de nos fondements démocratiques. Car autorisant à ficher toute personne susceptible de porter atteinte à la sécurité publique, l’imprécision des critères et du contexte permettant cette opération ouvre la voie à une interprétation aussi large que possible du fichage.
Tout citoyen , à priori , et à fortiori s’il est engagé dans une action collective , est potentiellement « fichable ». À l’heure où la technique facilite plus que jamais traçabilité et interopérabilité, les pratiques de surveillance tendent à se généraliser, faisant de chacun d’entre nous à partir d’un périmètre dont on ignore tout des pré-requis d’exécution un « fiché » en puissance. C’est ce que rappelle Marine Fleury dans une tribune publiée sur notre site ce 28 janvier : « une telle extension, écrit la juriste, suppose de considérer que certaines opinions ou convictions seraient par elles-mêmes dangereuses puisque propres à identifier des individus susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique, à l’occasion de manifestations par exemple ».
C’est ce que note aussi le Président de l’exécutif de la collectivité de Corse, Gilles Simeoni, dans une tribune du Monde lorsqu’il observe que ces informations relevant de la liberté de penser, de croire, de militer sont constitutives du « noyau dur des libertés fondamentales », et qu’en l’absence d’un encadrement strict des dispositions des décrets, ces données n’ont pas vocation à être recueillies et conservées dans un fichier de police.
Ces décrets ne sont pas dignes d’un État de droit, ils sont attentatoires à la lettre et à l’esprit des principes libéraux qui fondent nos institutions. Il reste à souhaiter qu’en statuant sur le fond la plus haute juridiction dans l’ordre administratif censure ces textes aussi dangereux par leur formulation que par l’application potentielle dont ils sont porteurs.
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