On ne légifère qu’imparfaitement sous la pression des événements. Sans doute est-ce le principal enseignement qu’il convient de tirer après la censure de sept articles de la proposition de loi “sécurité globale » par le conseil constitutionnel.
Bien évidemment, c’est le fameux article 24 de la discorde, devenu au fil de la lecture article 52, qui a subi d’abord les ciseaux des sages du Palais-Royal au motif entre autres que le législateur avait été par trop imprécis dans la définition des “éléments constitutifs de l’infraction contestée » et dès lors qu’il ignorait « le principe de la légalité des peines et des délits ».
L’autre disposition qui avait suscité la protestation des défenseurs des libertés publiques, celle relative à l’utilisation des drones, a été également censurée par les juges qui considèrent qu’elle fait courir, entre autres, un risque au principe de respect de la vie privée.
Indéniablement, il s’agit là d’un camouflet pour le législateur et le gouvernement. Le Premier ministre néanmoins aura beau jeu d’exciper qu’il a pris lui même l’initiative, en même temps que les parlementaires opposés au texte, de déférer la proposition de loi au Conseil. Vingt-quatre heures après la manifestation des policiers devant l’assemblée nationale, le couperet de la constitutionnalité vient politiquement compliquer à nouveau la relation de l’exécutif avec sa police, à un moment où le premier s’efforce de donner des gages à la seconde. Mais le conseil se prononce en droit et non au regard des circonstances ; il ne connaît pas les situations mais la hiérarchie des normes – ce qui ne facilite pas toujours la tâche des gouvernants.
Il se pourrait au demeurant qu’un autre texte pose tout autant problème prochainement dans l’une de ses dispositions les plus contestées. Le projet de loi relatif à la sortie progressive à l’état d’urgence instaure le principe d’un pass sanitaire. Même si les sénateurs en ont renforcé les garanties au regard de la protection individuelle, le véhicule retenu par voie d’amendement n’en assure pas forcément la sécurité juridique, ainsi que l’a rappelé récemment le constitutionnaliste Dominique Rousseau. Une probable saisine du conseil constitutionnel par les parlementaires qui se sont opposés à l’Assemblée à cette mesure ouvrira dans tous les cas à une lecture par la justice constitutionnelle dont les conclusions seront naturellement observées de près, compte tenu du principe fondamental auquel touche le pass sanitaire, à savoir la liberté de circulation. Dans un contexte de prégnance des menaces, sécuritaires et sanitaires, il n’en demeure pas moins de bonne hygiène pour l’essence libérale de nos régimes que ce débat sur les libertés publiques puisse se dérouler grâce à la bonne tenue de notre architecture institutionnelle.