À Marseille le président de la République a réactivé, avec le talent qu’on lui connaît, la symphonie de l’Etat. L’Etat au chevet de l’éducation, des quartiers, du logement, de la sécurité des biens et des personnes.
Le paradoxe du quinquennat qui s’achève est d’avoir, force oblige des circonstances, restauré, au moins dans le lexique et les valeurs, et consacré le retour de l’Etat comme grand ordonnateur de la cité. Paradoxe car le modèle d’Emmanuel Macron, teinté de libéralisme light, était plutôt de faire confiance à l’individu, à la société des individus, à un État plus incitatif que protecteur. Gilets jaunes et Covid auront bouleversé en profondeur le logiciel, c’est un fait, à tout le moins un fait de communication.
Bien évidemment, toute la question est de savoir, au-delà de l’immédiat, si cet infléchissement, retournement diront certains, relève de la préoccupation pré-électorale ou s’il induit un authentique aggiornamento. Il y a chez Emanuel Macron, comme souvent, beaucoup d’indétermination dans la formulation des convictions, comme si sa propension à vouloir métaboliser nombre d’aspirations et d’attentes produisait une incertitude quant à sa pensée profonde. Ses relations à l’histoire entre récit national un jour, déconstruction un autre jour, en sont l’un des exemples parmi d’autres. Force est de reconnaître que ses prédécesseurs les plus récents opéraient avec un schéma assez identique, voulant coller au plus près de ce qu’ils imaginaient être les oscillations de l’opinion. Le mal politique aujourd’hui réside vraisemblablement dans cette tendance permanente à la triangulation, comme si la politique n’était plus tant pilotée par des idées mais par la recherche de parts du marché. « Misère de l’Homme sans Dieu » écrivit Pascal ; pastichant ce dernier et appliquant le mot à des réalités plus ancillaires sans doute, on peut légitimement s’interroger s’il n’existe pas aujourd’hui une Misère du politique sans autre boussole que celle du marketing électoral…
Pour autant, quand bien même des éléments d’opportunité dicteraient les propos présidentiels, il serait injuste de ne pas se féliciter de ces évolutions sémantiques. Reste à savoir néanmoins encore une fois, si elles accompagnent un tournant réel ou un évitement tactique à quelques encablures d’une consultation à ce stade illisible. Reste à comprendre aussi si le balancier qui parait se rééquilibrer dans le sens du retour d’un État protecteur et stratégique a tiré aussi tous les enseignements des dysfonctionnements propres à ce dernier. Le réarmement de la puissance publique est indéniablement nécessaire, sous réserve au préalable qu’elle se repense et se réforme. Le chemin apparaît encore long et Emmanuel Macron est loin d’être le seul comptable de décennies de tergiversations dans ce domaine…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de La Revue Politique et Parlementaire