La course élyséenne est à l’encombrement : celle des candidatures d’abord avec en moins de quinze jours l’annonce de deux nouvelles candidatures, celle d’Arnaud Montebourg, celle d’Anne Hidalgo, sans compter celle potentielle d’Eric Zemmour et évidemment aussi les offres des différentes primaires côté républicains ou écologistes.
Encombrement aussi des sorties médiatiques, où du Président sortant à ses concurrents immédiats, Marine Le Pen, Xavier Bertrand, Jean-Luc Mélenchon, etc, la sursaturation est à l’ordre du jour. Encombrement enfin des manœuvres qui de toutes parts dessinent leurs mouvements et leurs supputations : Zemmour contournera t-il Marine Le Pen par sa droite, celui du FN historique, et par sa gauche, celui des Républicains orphelins d’une candidature plus droitière que le casting qui leur est proposé ? Les Républicains, toujours eux, iront-ils jusqu’à la primaire ou finiront-ils par se rallier à une candidature Bertrand avec le risque néanmoins de créer un effet d’éviction de leur électorat vers d’autres alternatives ? À gauche l’hypothèse Hidalgo est-elle en mesure d’obtenir l’aval de l’appareil socialiste dont l’hégémonie n’est plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir, contrariée qu’elle est par les Ecologistes d’un côté, par les Insoumis de l’autre ? Les Verts, quant à eux, opteront-ils pour la radicalité ou pour une version plus réformiste de leur démarche ? Quant à Emmanuel Macron sa volonté à peine dissimulée de créer un parti démocrate ramenant dans son giron tous ses satellites-alliés suffira t-elle à faire oublier l’échec d’En Marche en tant qu’organisation partisane et à réactiver un nouveau récit ?
Toutes ces interrogations sont symptomatiques de l’instabilité tectonique des plaques politiques à désormais moins de huit mois de l’échéance institutionnelle phare du pays. C’est dire d’abord que toute prévision est à ce stade presque impossible, voire fortuite – comme c’est au demeurant souvent le cas lors des dernières consultations : 1994 fut déjoué par 1995, 2001 par 2002 , 2006 en partie par 2007 ; 2011 par 2012 ; et 2016 par 2017. Encore existait-il en ce temps-là une cartographie partisane où l’observateur pouvait a minima se localiser ; l’effacement des repères antérieurs ouvre encore plus le jeu que par le passé, conférant une volatilité nécessairement plus grande à une opinion dont l’infusion permanente recombine à tout moment le rapport de forces. Nous cherchons dès lors à mettre des mots sur une situation incertaine. C’est ce degré d’intense incertitude qui caractérise ce début de campagne. Et cette incertitude n’est rien d’autre que le reflet d’un espace politique à découvert, et plus que jamais brinquebalé par une société qui ne se reconnaît plus que partiellement en lui.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire