La question du pouvoir d’achat s’inviterait dans le débat politique si l’on en croit la tonalité médiatique du moment ; la réalité c’est qu’elle ne l’a jamais déserté. La crise des Gilets jaunes voici trois ans en avait été l’une des illustrations, prenant par la suite un tour plus global avec des revendications institutionnelles comme celle du référendum d’initiative citoyenne.
Les hausses successives des tarifs de l’électricité, du gaz et désormais de l’essence viennent inévitablement tendre le climat social et c’est là raison pour laquelle le gouvernement s’efforce de garrotter au plus près les risques de mécontentement liés aux tendances inflationnistes. Pour autant les annonces du Premier ministre ce jeudi ont peu de chances à ce stade d’absorber les inquiétudes de nombre de ménages, notamment parmi les plus exposés à l’enjeu du coût de la vie. Les 100 euros accordés à 38 millions de Français apparaîtront bien insuffisants, d’autant plus que le maintien des taxes à l’identique pourrait reprendre d’une main ce que l’Etat accorde de l’autre. Résultat des courses : les mesures d’urgence portées par Jean Castex n’auront que peu d’impacts sur le moral des Françaises et des Français mais, et c’est là le paradoxe, elles accroîtront le poids d’une dette déjà excessive.
L’équation économique à terme est périlleuse, voire impossible diront les plus pessimistes, nonobstant les ballons d’optimisme que l’exécutif s’efforce de gonfler à l’hélium de la com’ pour s’assurer de l’adhésion de l’opinion. La macro-économie a ceci de biaisé qu’elle ne correspond pas aux ressentis des populations qui très souvent voient et appréhendent dans leur quotidien le démenti aux données publiques.
La « gouvernance par les chiffres » analysée avec brio par le professeur au collège de France, Alain Supiot, relève pour nombre de segments de nos compatriotes d’une entreprise de communication loin de leur quotidien. Ce hiatus est à la source de bien des malentendus, entretenant de facto non seulement la perte de confiance dans la parole d’Etat, mais aussi les non-dits mortifères qui grèvent à terme l’appréhension adéquate du réel.
Si la question du pouvoir d’achat sera, à n’en pas douter, comme elle l’est au demeurant lors de toute élection présidentielle, au cœur de l’échéance de 2022, tout l’enjeu est de savoir si sa contre-partie, le niveau de notre dette publique, le sera tout autant. Force est de constater qu’au moment où nous écrivons les offres politiques restent toutes ou presque étrangement discrètes sur le sujet… comme si cette préoccupation n’existait pas ou, pire, qu’elle constituait un « secret de famille » dont il conviendrait de taire l’existence.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et parlementaire