Le pays se fait attendre. C’est lui dans le fond qui décidera. C’est de lui et de lui seul que tout procède : l’indifférence éventuellement, la continuité potentiellement, le changement aussi dans un sens comme dans l’autre.
Les sondages se succèdent, les candidats peuvent se démultiplier, le Président faire campagne sans plus réellement gouverner ou présider en voulant faire oublier qu’il fait campagne : tout se passe comme si jusque dans sa plus infime déchirure le pays restait comme de marbre, loin, très loin de livrer son verdict.
Socialement nerveuse, culturellement fractionnée, l’impavidité paraît dominer la France lorsqu’il s’agit de l’élection présidentielle à venir. Les jeux seraient faits, selon certains observateurs et commentateurs qui si d’aventure ils ne l’étaient subitement plus viendraient conclure que tout compte fait ils nous l’avaient bien dit.
La réalité demeure forte de toutes les incertitudes : incertitude sur le niveau de mobilisation à venir dans une société qui n’aura jamais autant désertée les bureaux de vote durant un mandat présidentiel, Covid oblige certainement, mais pas seulement ; incertitude quant à la sûreté de choix qui demeure fortement fluctuante au regard des différentes offres politiques , ce à moins de trois mois du premier tour ; incertitude du timing présidentiel de l’entrée officielle en campagne et de l’impact éventuel de la transsubstantiation du Président en candidat-Président ; incertitude relative aux enjeux qui orienteront les motivations électorales tant ils apparaissent d’un mois à l’autre osciller d’une priorité, l’autre ; incertitude enfin des rapports de forces, loin d’être figés, compte tenu d’une volatilité inédite des opinions. Nul ne peut dire ce qui résultera d’une configuration aléatoire comme jamais, mais dont l’aléa dit justement l’affaiblissement du politique à contrôler les événements. Une figure in fine assez française qui ne trouve son issue généralement qu’entre l’immobilisme ou le renversement de la table…
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne