Pour sa première longue interview de l’année, alors que les socialistes saturent l’espace parlementaire en menaçant de voter la censure, la présidente du Rassemblement national alimente l’impatience des Français en accentuant la pression sur le président de la République.
Depuis la mort de son père, Marine Le Pen s’est tenue à l’écart du débat politique. Elle n’a même pas pris la parole dans l’hémicycle après la Déclaration de politique générale du Premier ministre, François Bayrou. Elle laissait dire son affliction personnelle face à ce deuil. Une affliction qu’elle a confirmée lors de l’entretien accordé à LCI, revendiquant plus que jamais son titre de fille et héritière de Jean-Marie Le Pen. Affectée sur le plan personnel, face à Darius Rochebin, la présidente du RN a démontré qu’elle n’avait rien perdu de son mordant politique.
Fidèle à sa stratégie de dédiabolisation, elle se présente comme très respectueuse des principes républicains et des institutions. C’est la raison invoquée pour ne pas réclamer formellement la démission du président de la République. Mais elle s’attarde davantage sur cette hypothèse que sur celle de la dissolution qu’elle juge pourtant inévitable. Il est vrai que sa demande est assortie d’une condition, l’instauration d’un mode de scrutin proportionnel permettant de dégager une majorité. Or, l’adoption de ce système électoral suppose du temps pour obtenir un consensus. Tous les tenants de la proportionnelle ne sont pas sur la même longueur d’onde. Il n’est pas certain que cette réforme, pas forcément prioritaire aux yeux des Français, aboutisse avant l’été.
Face à cette incertitude, Marine Le Pen insiste donc sur l’éventuelle démission du président de la République, sans prétendre la provoquer mais en attisant l’impatience des Français. A Noël, elle assurait avec certitude que le changement politique arriverait « bientôt, très bientôt, au pire dans quelques mois ». Au Nouvel An, elle confirmait sa conviction que 2025 serait une « année décisive où se décidera sans doute la transition politique ». Hier, elle a déclaré tout de go son désir grandissant. « J’ai hâte, dit-elle, moins ça dure, mieux on se porte ». Comme un cri du cœur spontané. Elle ne demande pas la démission d’Emmanuel Macron, certes, mais elle l’y pousse. Il pourrait être « confronté à une crise politique ou sociale » suggère-t-elle.
Mais elle qui a aggravé la crise politique voire sociale en participant aux cotés de l’extrême gauche à la censure du gouvernement Barnier n’ignore pas qu’elle pourrait être accusée d’avoir aggravé cette instabilité et ce désordre social dont bien des Français disent vouloir se passer. Elle bondit donc en parlant de « mensonge ! » quand il est établi un lien entre la censure et les difficultés des entreprises. Non, selon elle, à l’origine de l’échec des gouvernements précédents, il n’y aurait qu’une seule cause, que n’aurait pas reniée son père : l’immigration clandestine. Avant de « taper sur les Français il faudrait commencer par demander des efforts » aux immigrés clandestins. « Si vous ne réglez pas l’immigration clandestine, vous ne réglerez rien » affirme Marine Le Pen.
Seulement, le gouvernement Bayrou s’illustre en la matière par la cohérence du duo Darmanin Retailleau, dont la constitution est revendiquée par un Premier ministre qui n’hésite pas à traduire le sentiment des Français avec des mots qui heurtent la gauche. Plus la gauche s’indigne, et plus une partie de l’opinion de droite peut se reconnaitre dans ces mots. A cela, Marine Le Pen répond par une formule qui se veut définitive à l’égard du ministre de l’Intérieur : « il dit, il dit, il dit, mais quand est-ce qu’il fait ? » L’on comprend alors les raisons de son impatience. Il ne faut surtout pas laisser au gouvernement le temps de poser des actes, qu’ils soient politiques, économiques ou sociaux.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste