Quelles seront les conséquences de la pandémie du Covid-19 sur les équilibres du monde ? Nous avons posé la question à Thomas Flichy de La Neuville, agrégé de l’université, habilité à diriger des recherches en histoire, titulaire de la chaire de géopolitique de Rennes School of Business
Revue Politique et Parlementaire – Quel sera l’impact du virus sur les équilibres du monde ?
Thomas Flichy de La Neuville – La pandémie fonctionne comme un accélérateur sur une double évolution en cours. En premier lieu, le virus précipite le retour au réel, c’est-à-dire au territoire protégé par une frontière. N’oublions pas que l’écologie politique du monde est constituée par les entités naturelles que sont les Nations. Ce sont elles qui reviennent sur le devant de la scène avec leurs identités et leurs intérêts propres. Nous assistons donc au retour de la géopolitique. Ceci ne signifie pas pour autant que ces Nations puissent faire abstraction les unes des autres, bien au contraire. Elles sont obligées de coopérer, notamment sur le plan sanitaire.
Toutefois, la mondialisation s’est réfugiée dans un espace immatériel, celui d’internet.
Au sein de cette espace, elle s’accélère sans bruit.
RPP – Quel sera l’effet de la pandémie sur les sociétés ?
Thomas Flichy de La Neuville – Le virus va discriminer. Le confinement fait en effet émerger deux attitudes différentes. Une masse se noie dans la connexion permanente et dans le divertissement tragique proposé. Ce divertissement tragique est fondé sur la répétition à l’infini d’informations négatives agissant à la manière de chocs régressifs sur le cerveau. Le résultat psychologique est la concentration de l’individu sur la survie. Il fait des réserves comme un hamster tout en se rendant incapable de se préparer à la suite. La seconde attitude consiste à ne se connecter que de façon extrêmement parcimonieuse pour le strict nécessaire et à consacrer ce temps de retraite hors du monde à préparer l’avenir grâce à un travail de fond et des activités créatrices.
RPP – Le confinement va-t-il accroitre les écarts entre les étudiants ?
Thomas Flichy de La Neuville – Oui. Là encore, la discrimination va jouer. Pour les étudiants en concours, le report des écrits et la suppression des oraux constitue un défi non négligeable. Celui de l’adaptabilité et de la résilience. C’est une véritable épreuve après deux ou trois ans de travail acharné. Ce défi est à l’image du monde qui vient, fait de prompts revirements et souvent d’inconfort. La course de vitesse se transforme soudainement en course de fond. Il va falloir se poser de nuit et sans balises.
RPP – Quelle est la plus-value de Rennes School of Business dans ce contexte ?
Thomas Flichy de La Neuville – L’École a été conçue au départ afin d’apporter une éducation internationale à ses futurs cadres. Avec 95 % de professeurs d’une autre nationalité, cette entité multiculturelle, s’enracine dans l’une des deux facettes de l’identité bretonne, qui est l’ouverture à l’Océan. N’oublions pas que les corsaires malouins batailleurs et entreprenants, ont été présents sur toutes les mers du globe, notamment aux Indes. Ces corsaires n’ont pas fini leur tour du monde : ils explorent aujourd’hui le domaine de l’intelligence artificielle, de la haute technologie comme de la cybersécurité. L’école s’enracine également dans une identité terrienne. Nation rurale triomphant d’une nature souvent ingrate par un travail acharné et la force de ses solidarités, la Bretagne a développé une très forte résilience au fil des siècles. C’est une force en temps d’incertitude ou de crise, lorsque la survie alimentaire et la santé passent en première ligne. Ce n’est donc pas un hasard si l’école dispose d’une expertise en matière d’agribusiness.
Riche de son ouverture comme de son enracinement Rennes School of Business sait d’avance que les établissements innovants sortiront renforcés de ces temps de mutation.
RPP – Concrètement, quel programme propose la chaire de géopolitique ?
Thomas Flichy de La Neuville – La chaire de géopolitique propose un parcours d’excellence fondé sur une pédagogie de rupture. Le premier besoin des étudiants est celui d’un tutorat individuel afin de les accompagner dans leur projet. Notre identité, est de penser hors du cadre. Le seul cadre qui compte est celui de la personne humaine dans sa singularité. Le premier défi pour un étudiant consiste à découvrir qui il est. Puis à être accompagné afin de faire fructifier son talent unique. Pour découvrir qui nous sommes, nous devons pouvoir faire le tour de chaque personne afin d’explorer ses potentialités non seulement intellectuelles mais également humaines, physiques, artistiques, entrepreneuriales. Quant aux cours à proprement parler, ils sont remis à leur juste place qui est le second rang. C’est la lecture en silence qui prime. En effet, les étudiants s’intéressent davantage à ce que les professeurs ont vécu plutôt qu’aux théories qu’ils élaborent.
Ce qui forme les étudiants, c’est la lecture des classiques, les voyages, et les discussions avec des hommes d’action.
Notre modèle est pragmatique, les artifices ne nous intéressent pas, nous visons à la formation en profondeur. Les chefs de demain auront une âme de corsaire, ils seront libres, entreprenants et autonomes.
Thomas Flichy de La Neuville
Agrégé de l’université, habilité à diriger des recherches en histoire
Titulaire de la chaire de géopolitique de Rennes School of Business