« La liberté n’est ni orientale ni occidentale, elle est universelle » (Femmes iraniennes). Cette citation reprise par l’écrivaine iranienne Chahla Chafiq, à l’occasion des violences du régime islamiste des mollahs contre les femmes, montre bien toute la dimension des évènements qui se déroulent à nouveau en Iran en ce début d’automne 2022.
Cette dimension est universelle. Elle s’exprime de manière parfaitement limpide et simple. Il s’agit de la lutte entre la liberté et la dictature. Et c’est bien cet affrontement qui est ouvert aujourd’hui tant en Iran qu’à l’échelle mondiale. Tous les régimes qui sont les ennemis de la liberté et de la démocratie se regroupent pour abattre le système de démocratie libérale et donc les pays occidentaux qui le portent. C’est en ce sens qu’ils veulent établir un nouvel ordre mondial qui les débarrasse enfin de ces valeurs universalistes et des pays qui les défendent. Ils pensent que lorsque l’Occident aura été vaincu, ces valeurs disparaitront avec lui. Ils ne peuvent pas accepter la force de ce système qui s’est imposé déjà à deux reprises contre les totalitarismes, en 1945 et en 1989. Ils enragent de le voir si fort et si efficace. Ils pensent qu’ils ne pourront le vaincre que par la violence extrême en mobilisant toutes leurs forces, militaires, économiques et financières. C’est l’objectif de la guerre menée par la dictature russe contre l’Ukraine. C’est l’objectif du Parti communiste chinois qui va désigner prochainement, par un mécanisme totalement opaque, les sept hommes qui ambitionnent de diriger le monde, sous la haute autorité de Xi Jin Ping, dans les prochaines années. C’est ce qui est en train d’advenir avec la guerre de l’énergie dans laquelle la Russie a réussi à mobiliser les pays membres de l’OPEP. On mesure bien à cette occasion comment un certain nombre de pays se démasquent et choisissent leur camp. Ils affichent clairement qu’ils ont choisi le camp de la dictature et de la force contre le camp de la démocratie et de la liberté. Leur proximité anti-libérale est plus forte que leurs divergences idéologiques ou stratégiques. Leur ambition c’est de faire disparaitre enfin ce système libéral qui leur fait peur par son efficacité et l’image d’illégitimité qu’il leur renvoie.
Ils n’hésitent pas, désormais, à brandir les menaces les plus extrêmes, celles de la guerre absolue, y compris nucléaire, pour essayer de détruire la liberté et donc l’Occident qui la porte et l’incarne.
Mais la liberté n’est pas l’apanage de l’Occident. Elle n’est pas exclusivement occidentale. Elle appartient à tous les individus et à tous les peuples. Et on voit bien, à travers les évènements qui émaillent l’actualité, en tous les lieux du monde, que la bataille pour la liberté est universelle. Elle est portée par les manifestants iraniens comme algériens, cubains, birmans ou kazakhs. Tous les régimes dictatoriaux du monde essaient de présenter la violence qu’ils exercent à l’intérieur et à l’extérieur de leurs pays comme une bataille contre la domination des pays occidentaux alors qu’il s’agit d’une bataille contre la liberté. Sous des prétextes divers, religion, identité nationale, communisme, ils combattent la liberté et la démocratie.
Ils prétendent lutter contre les pays occidentaux pour défendre leurs identités alors qu’ils ne font que défendre leurs régimes totalitaires.
Tous ces pays imposent une répression sauvage contre leurs peuples qui demandent la liberté et la démocratie et qui se révoltent contre des dirigeants despotiques et illégitimes. Mais les exemples historiques nous montrent bien qu’il est très difficile d’abattre un système totalitaire de l’intérieur. Les forces policières et militaires et la propagande systématique dont il dispose empêchent toute organisation d’une opposition réelle et toute structuration d’une résistance en capacité de fournir une alternative.
C’est sur cette situation que jouent tous ces régimes, en Chine, en Russie, dans tous leurs pays vassaux et dans la plupart des pays arabo-islamiques. C’est donc bien une guerre de système qui divise le monde. Et les régimes autoritaires ont le sentiment qu’ils sont aujourd’hui assez nombreux et assez puissants pour contrer enfin le système libéral et son efficacité et installer un nouveau modèle mondial. D’où leur rage quand ils voient leurs propres peuples se révolter contre eux et leurs discours immédiats présentant ces révoltes comme le produit de manipulations occidentales et les dénonçant comme le fait de traitres à leurs pays, à la solde des Etats-Unis et de leurs alliés.
Le monde se divise aujourd’hui en deux blocs. Le bloc de ceux qui pensent que la valeur « liberté » est universelle et qu’elle dépasse toutes les frontières et toutes les appartenances et le bloc de ceux qui s’opposent à cette vision universaliste et se replient dans des prés-carrés identitaires censés les protéger.
L’interprétation de l’histoire et la valorisation des traditions manipulées par une propagande omniprésente sont les aliments de ces discours anti-libéraux. Dans leur idéologie, la liberté de l’individu ne saurait porter atteinte à la conservation et à la perpétuation du système en place. Tous les dirigeants autoritaires jouent de cet argument pour empêcher toute critique et toute contestation. Partout dans le monde, sous prétexte de défendre une différence culturelle indépassable, on refuse une approche globalisée libérale et démocratique et on justifie tous les régimes dictatoriaux.
Or, le sujet n’est pas l’affrontement de nations et d’identité, le sujet est de savoir si on est pour ou contre la liberté et la démocratie. La question n’est pas de savoir si on est pour les Etats-Unis, pour la Chine, pour la Russie ou pour tout autre pays du monde, la question est de savoir si on est capable d’organiser un système de liberté et de démocratie à l’échelle mondiale pour gérer l’espèce humaine et sa place sur la planète dans un contexte de forte dégradation environnementale.
Il faut désoccidentaliser l’universalisme. Il faut lutter contre cette thèse, défendue par tous les dictateurs que les concepts de liberté et de démocratie sont des concepts exclusivement occidentaux, au service de leur domination.
Il faut répéter, avec les femmes iraniennes, que la liberté n’est ni orientale ni occidentale, qu’elle est universelle.
C’est avec cet objectif qu’il faut soutenir toutes les luttes pour la liberté et la démocratie, dans tous les pays du monde où ces valeurs sont, aujourd’hui, foulées aux pieds.
Jean-François Cervel
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