Les défis auxquels l’humanité est confrontée sont vifs et semblent se multiplier telle une parcelle urticante d’orties. La sobriété est une nécessité soulignée par les rapports du GIEC tandis que d’autres apports soulignent le rôle de l’innovation.
L’innovation est une des sources motrices de notre économie. Depuis bien des années, comme l’a démontré Schumpeter et plus récemment Philippe Aghion ( ndlr : interview dans la RPP ). Mais, à l’orée de 2025, chacun convient que l’accélération de l’innovation va vraiment matérialiser une révolution de société.
Le contenu mouvant va embrasser la densité d’émergence.
Les ordonnances travail de l’été 2017 et les mesures édictées durant le défi du Covid 19 ont consacré le télétravail qui est typiquement une manière d’assurer ses fonctions professionnelles par le recours à des outils modernes tels qu’internet, l’ordinateur personnel, le smartphone et les imprimantes domestiques. Ici doit être souligné le caractère ambivalent du télétravail : briseur de grève le 7 mars 2023 tout en étant, au jour le jour, une » convenience « , un acte de facilitation du nouveau paradigme du travail.
A cette bataille de la connexion à distance va s’additionner l’essor des objets connectés et de la robotique personnelle qui vont nécessairement simplifier les tâches et calmer les économistes qui se préoccupent à l’envi de la notion de gains de productivité.
Mais l’innovation qui est parfois un mot-valise doit recevoir une définition plus ambitieuse et, pour ma part, je reste fidèle à celle formulée par Michael E. Raynor et publiée en avril 2013. Deloitte University Press. ( http://dupress.com/articles/introducing-on-innovation/ )
» L’innovation n’est pas un talisman mais un outil afin de créer et de capturer une nouvelle valeur ajoutée sur des marchés de plus en plus concurrentiels et aux évolutions rapides. Ainsi, qu’est-ce que l’innovation ? Une innovation est n’importe quelle combinaison d’activités ou de technologies qui permet de dépasser les performances actuelles de l’échange dans la perspective d’un résultat et d’une manière qui accroit le champ des possibles.«
Nouvelle valeur ajoutée et rapidité du marché ?
L’innovation est le plus souvent porteuse de nouvelle valeur ajoutée : qu’elle soit incrémentale ( progressive ) ou de rupture ( break-through ), elle induit soit une production équivalente avec des intrants moindres, soit des intrants comparables en prix et volume mais une production accrue. Autrement dit, si l’humanité ne s’égare pas, l’innovation des » 30 fameuses » à venir peut fort bien recevoir le qualificatif d’éco-responsable. D’autant plus que les industries du recyclage sont, d’ores et déjà elles aussi, en première ligne de l’incorporation du nouveau progrès technique.
Ce qui est intéressant, c’est la notion de rapidité du marché. Le » time-to-market » ( temps d’élaboration du produit et de mise sur le marché ) va se réduire et les » early-adopters » ( primo-consommateurs anticipés ) se multiplier. Plus le marché se définira par un rythme soutenu, plus l’obsolescence des biens et services ira en s’aggravant ce qui donnera du carburant à la croissance mais aussi des externalités négatives du fait d’achats rendus parfois frénétiques.
Combinaison de nouvelles technologies ?
Dans sa définition, le chercheur de Deloitte insiste sur ce point. Il estime que l’innovation est souvent un carrefour de technologies. Par exemple, le recours au carbone en aéronautique ( Airbus A350 Néo ) est fiancé avec de nouvelles colles industrielles.
C’est un point important car il me semble qu’il va, une nouvelle fois, donner l’avantage aux conglomérats par opposition aux fabricants solos qui seront dans l’obligation de conclure des joint-venture. Au demeurant, le secteur médical confirme cette hypothèse : il suffit de voir le nombre de start-up de la biotech qui sont happées par les géants de la pharmacie. De manière manifeste, l’expansion de la télémédecine démontre qu’un univers de collaborations croisées va s’instaurer.
Un chercheur peut parfois être un » trouveur » ( pour reprendre la célèbre interjection du président Charles de Gaulle ) mais son vrai talent sera aussi de tendre la main à l’Autre.
L’innovation est d’évidence parfois solitaire : de sa solidarité de maillage dépendra son pouvoir d’expansion, » the sky is our limit « .
C’est bien ce que vise la notion de performance de l’échange où les parties prenantes devraient se retrouver plus fréquemment dans une logique win-win du fait des bienfaits technologiques.
A ce stade, je suis optimiste quant à l’irruption de l’intelligence artificielle ( ciel, je me rapproche du turbulent Laurent Alexandre ) qui va autoriser des gains cognitifs et des progrès dans la résolution de nos différents défis sous réserve que la sphère de la décision politique ne soit pas plongée dans un glacis décisionnel finement analysée par le récent livre de Chloé Morin ( » On aura tout essayé… » ).
Sincèrement, on voit mal le nouveau monde des » 30 Fameuses » régi par la croissance atone et le mythe de la stagnation séculaire qui me rappelle trop certaines des approximations du Club de Rome dans les années 1970 et se heurte autant à des travaux de démographes tels que Henri Léridon (http://www.academie-sciences.fr/pdf/membre/LeridonH_bio0511.pdf ) qu’à des analyses ( remontant à 2017 ) de Philippe Aghion. (http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2017/11/03/il-n-y-aura-pas-de-stagnation-seculaire_5209827_3234.html ).
Le champ des possibles ?
Initialement, il s’agit d’un terme de programmation linéaire où l’aire constituée par l’intersection de plusieurs droites de contrainte définit l’univers du possible. (http://www.foad-mooc.auf.org/IMG/pdf/M06_2-2.pdf ).
Dans sa définition de l’innovation, Michael E. Raynor ( Deloitte ) a pleinement raison d’insister sur le lien existant entre l’innovation ( ou les grappes d’innovation chères à France Clusters ) et l’extension du champ des possibles même s’il aurait dû insérer la notion de sérenpidité. L’automobile autonome, la robotisation industrielle, l’intelligence artificielle sont autant de pièces d’un puzzle de la modernité qui est devant nous.
Tout ceci donne largement raison à un travail collectif de chercheurs du CNRS datant de 2004. ( David Encaoua, Dominique Foray, Armand Hatchuel, Jacques Mairesse. )
https://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2004-2-page-133.htm
Clairement, il y a de larges zones de ciel bleu dans notre avenir collectif. Le regretté Michel SERRES a su écrire : » Demain sera beau ! «
Oui, l’innovation sera un des vecteurs d’éradication de certains défis présents ou programmés.
Si l’on songe aux progrès de l’imagerie médicale, il est osé mais légitime de conclure en posant que l’innovation va sauver in concreto des vies et une once du défi découlant du dérèglement climatique.
» Je le crois parce que je l’espère. Je l’espère parce que je le crois « . ( Dernier texte public écrit par Léon Blum, mars 1950 ).
Jean-Yves Archer
Economiste et membre de la Société d’Economie Politique