L’IA représente une avancée majeure pour améliorer la transparence, la sécurité et l’efficacité des élections au Gabon, contribuant ainsi à renforcer la confiance des citoyens dans le processus électoral. Toutefois, pour que cette technologie soit pleinement acceptée et perçue comme légitime, il est impératif de garantir une équité algorithmique, c’est-à-dire l’absence de tout biais ou discrimination fondée sur des caractéristiques innées ou acquises. Cette démarche est essentielle pour prévenir les dérives et garantir que l’IA soit utilisée de manière juste et impartiale dans le cadre des élections.
L’IA pourrait également jouer un rôle crucial dans la vérification de l’identité des électeurs au Gabon, en recourant à des technologies de pointe telles que la reconnaissance faciale et d’autres solutions biométriques. Ces technologies ont fait leurs preuves, comme en témoigne leur utilisation lors des élections générales de 2020 au Ghana, où elles ont permis d’identifier les électeurs et d’éviter les usurpations d’identité, réduisant ainsi les risques de fraude électorale.
Malgré ces avantages, il existe des réticences vis-à-vis de l’usage de l’IA, notamment en raison des scandales passés. L’affaire Cambridge Analytica, par exemple, a suscité des inquiétudes au Kenya, où l’IA a été accusée d’avoir facilité la propagation de fausses informations lors des élections de 2017, influençant potentiellement le résultat du scrutin. Ces événements ont nourri une méfiance généralisée vis-à-vis de l’IA, ce qui pourrait se répercuter sur son adoption au Gabon.
Plusieurs exemples de succès dans l’utilisation de l’IA lors d’élections sur le continent peuvent pourtant servir de modèles pour le Gabon. En Sierra Leone, lors des élections générales de 2021, une plateforme alimentée par l’IA a permis de détecter et de contrer les discours haineux, la désinformation et les appels à la violence. De même, lors des élections de 2022 au Kenya, des technologies biométriques ont été utilisées pour vérifier l’identité des électeurs, ce qui a contribué à une réduction substantielle des fraudes. Enfin, en Afrique du Sud, lors des élections de 2024, l’IA a été déployée pour sensibiliser les électeurs à travers des chatbots, tout en luttant contre la désinformation.
Nonobstant cette situation, le Gabon pourrait néanmoins tirer parti de ces exemples en mettant en place des initiatives similaires pour garantir des élections plus transparentes et sécurisées.
Le gouvernement gabonais pourrait notamment s’inspirer du Conseil national pour l’intelligence artificielle (CNIA) de l’Égypte, qui a mis en place des projets pour renforcer la sécurisation des données électorales et l’authentification des électeurs. De plus, l’usage de l’IA dans la surveillance des discours haineux et de la désinformation pourrait également être intégré dans les processus électoraux gabonais, en s’inspirant de l’exemple du Projet Umati au Kenya.
L’adoption de l’IA au Gabon n’est pas sans défis.
Jean Mokyr, historien de l’économie, identifie plusieurs obstacles potentiels à l’intégration des nouvelles technologies dans les sociétés africaines, y compris au Gabon. Ces obstacles incluent la crainte de révoltes spontanées dues à la diffusion de fake news, la préoccupation concernant les effets sociaux et politiques de ces technologies, ainsi qu’une aversion au risque. Ces défis nécessitent une réponse stratégique et concertée afin de rassurer les citoyens gabonais et d’installer un climat de confiance.
Pour surmonter ces obstacles, le Gabon devra renforcer sa gouvernance démocratique et son État de droit.
Cela passe par une meilleure sensibilisation des citoyens aux enjeux de l’IA et par l’encouragement de leur participation active dans les processus électoraux. Il sera également essentiel de mettre en place des mécanismes de contrôle rigoureux pour garantir une gestion transparente et responsable de l’IA dans les élections. Des organismes indépendants de surveillance, chargés de superviser l’utilisation de l’IA par les fonctionnaires pendant les élections, pourraient être instaurés, afin de garantir la transparence et d’assurer une gestion des ressources sans abus. En outre, des contrôles administratifs, techniques et financiers réguliers devront être effectués pour vérifier la bonne gestion des fonds alloués aux projets d’IA.
Il est également crucial de développer des cadres normatifs, institutionnels et collaboratifs solides pour régir l’utilisation de l’IA de manière équitable et transparente au Gabon.
Dans cette optique, le pays pourrait s’inspirer de l’IA Act de l’Union européenne, en élaborant une législation adaptée aux spécificités locales. Le Gabon devrait, par ailleurs, chercher à renforcer sa souveraineté numérique en développant ses propres systèmes d’IA, adaptés aux besoins locaux, plutôt que de se contenter de solutions importées.
L’initiative des principes et lignes directrices pour l’utilisation des médias numériques et sociaux dans les élections en Afrique, lancée par l’Association des autorités électorales africaines, pourrait également servir de modèle pour le Gabon. Une telle initiative favoriserait le dialogue et l’échange d’expertise entre les autorités électorales gabonaises et les autres pays du continent. À cet égard, le Gabon pourrait tirer parti de l’expérience des autres pays africains pour améliorer sa gouvernance électorale et faire face aux défis liés à l’IA.
Enfin, la mise en place d’une gouvernance solide et transparente sera essentielle pour l’intégration réussie de l’IA dans le processus électoral gabonais.
Une telle gouvernance permettra non seulement de renforcer l’efficacité et la transparence des élections, mais aussi d’assurer leur légitimité et de promouvoir la démocratie dans le pays.
Julien BRIOT-HADAR et Alban KIASSO
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