Les élections législatives d’hier ont abouti à une majorité très relative, ric-rac en somme. Ceci aura des conséquences politiques mais surtout un vif impact sur le vote du budget : point crucial de l’activité parlementaire.
La France vit encore sur une trajectoire des Finances publiques qui est en sérieux décalage avec les nouvelles réalités macroéconomiques. Déficit budgétaire, croissance initiale à 4 % pour 2022 et inflation méconnue sont des paramètres à revoir du sol au plafond sachant que le consensus des économistes est quasi-introuvable. Seuls les grands institutionnels (FMI, OCDE, Eurostat ) sont à peu près sur la même ligne et confirment le retournement conjoncturel analysé par notre contribution de novembre 2021.
Dès lors, il est impératif que soit déposée à l’ordre du jour de la session parlementaire une Loi de finances rectificative, autrement nommée un collectif budgétaire.
La réalité de la nouvelle trajectoire des Finances publiques risque d’être sévère. L’inflation sera envisagée à hauteur de 7 %, le déficit budgétaire à plus de 150 Mds et la croissance redescendue à 2 % peu ou prou.
Ainsi le premier collectif budgétaire de la mandature ne manquera pas de donner lieu à de vives passes d’armes entre une opposition virulente (la Nupes) qui sera d’autant plus alerte qu’elle va détenir la présidence de la Commission des Finances ce qui est un outil plus que conséquent.
Finis les dialogues républicains avec des personnalités tels que Philippe Auberger, Gilles Carrez ou Éric Woerth. Nous serons témoins d’hostilités à la fécondité incertaine entre Alexis Corbière et le ministre Le Maire qui ne goûtera guère certains niveaux d’argument d’une minorité revendicative plus que constructive et potentiellement épaulée par le RN.
Le HCFP (Haut Conseil des Finances Publiques) aura un rôle institutionnel de facto renforcé dans la mesure où il exerce un jugement qualitatif empli de rectitude qui ne pourra pas s’accorder avec la présidence de la Commission des Finances.
A l’heure où la France risque de basculer vers la récession, il est peu loisible qu’une telle guérilla s’installe.
D’autant que le Sénat, qui n’a certes pas le dernier mot, aura aussi une vision des Finances publiques à l’aune de la dette qui flirte avec les 3 000 Mds d’euros si nous entrons dans une » économie de guerre » pour reprendre un mot récent du président de la République.
Au strict plan arithmétique, le collectif budgétaire devrait rencontrer une majorité d’autant que Les Républicains, parti de gouvernement, seront éventuellement parfaitement disposés à épauler le bloc LAREM, Modem, Horizons, Agir. Chacun y trouvera son » intérêt de circonstances » comme aimait à le dire le regretté professeur Guy Carcassonne.
Autre point, certains analystes ont récemment insisté sur le caractère désormais limité du recours à l’article 49-3 : » one shot « . C’est oublier le texte précis de la Constitution qui, en cet article, n’est pas limitatif pour le projet de loi de finances. Sage disposition qui pourrait être appelée, selon mon analyse, à s’exercer dans les mois à venir.
Pendant ce temps-là, les analystes scruteront l’écart de taux (le spread) entre la France et l’Allemagne au fur et à mesure des éventuels blocages parlementaires dont les nouveaux et nouvelles élus détiennent la clef.
Jean-Yves Archer
Economiste et membre de la Société d’Economie Politique
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