L’année 2024 va marquer la commémoration du quatre-vingtième anniversaire du débarquement allié du 6 juin 1944. Ainsi, pour célébrer la mémoire de la bataille de Normandie, 44 jeunes français partiront de Paris en mai 2024 pour rejoindre Arlington, en Virginie avec une flamme issue de la tombe du Soldat Inconnu. Si, depuis près de deux cent cinquante ans, la France et les États-Unis sont fortement liés par une longue histoire commune, leur relation, globalement marquée par l’amitié et la coopération, ne manque néanmoins pas de complexité. En effet, plusieurs crises, dont certaines récurrentes et d’autres assez brutales, ont ponctuées de longues périodes de stabilité diplomatique entre les deux nations.
L’année 2024 va marquer la commémoration du quatre-vingtième anniversaire du débarquement allié du 6 juin 1944. Ainsi, pour célébrer la mémoire de la bataille de Normandie, 44 jeunes français partiront de Paris en mai 2024 pour rejoindre Arlington, en Virginie avec une flamme issue de la tombe du Soldat Inconnu. Si, depuis près de deux cent cinquante ans, la France et les États-Unis sont fortement liés par une longue histoire commune, leur relation, globalement marquée par l’amitié et la coopération, ne manque néanmoins pas de complexité. En effet, plusieurs crises, dont certaines récurrentes et d’autres assez brutales, ont ponctuées de longues périodes de stabilité diplomatique entre les deux nations.
Les relations officielles entre les États-Unis et la France ont commencé au début de la Révolution américaine, lorsque le régime de Louis XVI est venu en aide à l’Amérique en lui fournissant à la fois des armes, des troupes et des conseillers militaires. George Washington usa de son talent pour fédérer les troupes américaines et françaises autour d’un seul objectif commun, celui de vaincre les Britanniques. En 1781, c’est la flotte française, qui, grâce à la victoire de Yorktown en Virginie, mit fin à la guerre d’indépendance. Puis, le traité de paix entre la Grande-Bretagne et ses anciennes colonies, ainsi que la reconnaissance de l’indépendance des États-Unis furent signés à Paris le 3 septembre 1783. L’aide française, symbolisée outre-Atlantique par le Marquis de Lafayette, fut donc absolument essentielle au succès des Américains dans leur quête de liberté.
La Révolution française, puis l’accession au pouvoir de Napoléon Bonaparte profitèrent aux États-Unis, notamment lorsque les déconvenues de celui-ci en Europe et dans les Caraïbes l’obligèrent à vendre l’ensemble du territoire de la Louisiane aux Américains, en 1804. Ensuite, les contacts économiques et culturels franco-américains se multiplièrent tout au long du XIXe siècle. Alors que le commerce entre les deux pays prospérait, les Américains affluaient en France pour étudier l’art, l’architecture, la musique, ou la médecine. Après un voyage de neuf mois aux États-Unis, Alexis de Tocqueville publie, en 1835, son ouvrage De la démocratie en Amérique, qui analyse le système politique et social américain, et qui devient rapidement un succès en Europe comme aux États-Unis. En 1886, le don par les Français de la Statue de la Liberté pour le centenaire de la Déclaration d’indépendance américaine solidifie encore les liens franco-américains.
La proximité entre les deux pays est devenue encore plus évidente pendant la Première Guerre mondiale. En effet, les États-Unis ont fourni à la France une assistance militaire et financière conséquente, considérant cette aide comme un juste retour, après l’aide française pendant la Révolution américaine. Cependant, la période de l’entre-deux-guerres sera marquée par des négociations houleuses concernant le remboursement de la dette française. Ensuite, la Seconde Guerre mondiale a vu, une fois de plus, les États-Unis se battre en France : le 6 juin 1944 marqua le très attendu débarquement allié dans le nord de la France. Face au Mur de l’Atlantique, les soldats des États-Unis et d’autres pays alliés débarquèrent sur les plages de Normandie pour libérer la France.
Mais, la guerre froide vint compliquer les relations franco-américaines au cours des années 1950 et 1960. Tout d’abord, lors de la crise de Suez en 1956, puis pendant la guerre du Vietnam ou la France s’attacha à démarquer sa politique de celle des États-Unis, dont le Général de Gaulle avait jugé l’échec inéluctable dès 1959. En outre, de Gaulle, fit le choix en 1966, de retirer la France des structures de commandement intégrées de l’OTAN.
Finalement, après le départ de de Gaulle en 1969, l’alliance franco-américaine s’est stabilisée au milieu des années 1970, comme en témoigne, en 1975, le compromis trouvé entre les deux pays sur les questions de politiques monétaires internationales. Le fossé était grand entre, d’une part la demande de la France pour des taux de change stables, et d’autre part l’insistance des États-Unis pour un système basé sur des taux de change flottants. Mais, Edwin Yeo, alors sous-secrétaire au Trésor américain et son homologue français, Jacques de Larosière travaillèrent, en secret, sur un accord qui permettra l’avènement de la réforme du FMI, lors des accords de la Jamaïque en 1976.
Mais, tous les épisodes de mésalliance franco-américaine ne sont pas à reléguer dans un passé lointain. En 2003, les États-Unis ont été extrêmement irrités par l’opposition de la France à l’invasion de l’Irak. Selon eux, les soldats américains étant venus à l’aide de la France lors des deux guerres mondiales, la France se devait absolument de soutenir les États-Unis après les attaques terroristes de 2001. Ainsi, l’opinion populaire américaine de l’époque percevra les Français comme peu coopératifs et antipathiques.
Ce sentiment persista plusieurs années, malgré le fait que la France ait été et ait été un allié majeur des États-Unis dans la campagne en Afghanistan et l’un des principaux contributeurs de troupes dans cette mission entre 2004 et 2014.
Depuis 2009, la France est revenue dans le commandement intégré de l’OTAN, une décision qui a été très appréciée par Washington. En 2011, les deux pays faisaient partie de la coalition multi-États qui a lancé une intervention militaire en Libye, où ils ont dirigé l’alliance et mené les frappes de l’OTAN. Les divergences sur le sujet de l’OTAN réapparaîtront après la déclaration du Président français sur « la mort cérébrale de l’OTAN » en 2019, et lors du retrait chaotique d’Afghanistan en août 2021, qui raviva l’inquiétude à Paris quant à un manque de prise en compte des intérêts français.
Dans l’intervalle, le président américain Donald Trump annonça, en 2017, le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat signé par 195 pays l’année précédente. Le président français Emmanuel Macron ne manqua pas de critiquer cette décision. Puis, la tension fut à son comble, après que le Président Biden eut annoncé le nouveau partenariat de sécurité Australie-Royaume-Uni-États-Unis (dit « AUKUS »), remplaçant un contrat de sous-marins précédemment conclu entre Paris et Canberra. L’AUKUS a été considéré par la France comme un véritable « coup de poignard dans le dos ». Ainsi, en septembre 2021, Paris a rappelé en France, pour la première fois de son histoire, son ambassadeur aux États-Unis.
Depuis, Paris se plaint régulièrement que Washington continue d’agir unilatéralement sans tenir compte des intérêts français. Cette tendance est particulièrement évidente dans le domaine économique. Ainsi, l’une des questions les plus controversées récemment est celle de l’ « Inflation Reduction Act » (ou « IRA »), qui prévoit, notamment, de généreuses subventions pour les véhicules électriques et les batteries produits aux États-Unis. Bien que de nombreux pays de l’UE partagent ce point de vue, Paris a été le plus virulent dans sa réponse, menaçant de déposer une plainte officielle auprès de l’OMC ou même d’introduire des mesures « Buy European », si les États-Unis ne reculaient pas. Et d’autres sujets concernant le commerce international engendrent des tensions : en effet, la posture dans la guerre commerciale face à la Chine est différente selon que l’on siège à Washington ou à Paris.
Si le portrait de Lafayette accroché au mur du rez-de-chaussée de la résidence de l’ambassadeur français à Washington, veille silencieusement sur la bonne tenue de relation franco-américaine, on note qu’elle est régulièrement contrariée. Mais, depuis qu’ils sont devenus alliés, les États-Unis et la France ont toujours su mettre leurs différends de côté pour entretenir une étroite collaboration sur les grands sujets internationaux. Car, de nombreux facteurs rapprochent ces deux démocraties : par exemple, la nombreuse diaspora scientifique française bien intégrée dans les universités et les agences fédérales américaines. Gageons que nous continuerons à être les témoins d’une perpétuelle oscillation entre la confrontation et l’amitié, avec en point de mire les célébrations du 250ème anniversaire de l’indépendance des États-Unis, prévues à partir de 2026.
Guillaume du Cheyron
Spécialiste de la Finance d’Entreprise
Président de G2C Corporate Finance
Senior Advisor chez Kingsrock