Depuis fort longtemps, les partenariats entre l’État, les collectivités et les entreprises privées font partie de la vie quotidienne des Français. Xavier Bezançon revient sur leur histoire et leur importance.
Revue Politique et Parlementaire – Comment s’est mis en place le partenariat public-privé ?
Xavier Bezançon – Dans l’histoire ancienne le partenariat public-privé (PPP) est une constante tant sous la royauté (canaux, transports, route, etc.) que sous les Républiques et les Empires au 19e siècle : chemins de fer, ponts, routes, villes hausmaniennes, transports (dont le métro de Paris), gaz, électricité, eau, etc.
Si l’on met de côté l’histoire ancienne le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin souhaita doter le pays d’une législation sur le PPP, fin 2002, pour réaliser des programmes d’équipements collectifs : deux Plans Hôpitaux, reconstruire les universités, programme des prisons, nous doter de lignes grande vitesse, etc.
L’ordonnance du 17 juin 2004 sur la création du contrat de partenariat remplit ce but général après une première ordonnance en septembre 2003 pour les hôpitaux.
RPP – Qu’elles sont les différentes formes de PPP ?
Xavier Bezançon – Si l’on se réfère au sens étroit du mot qui correspond à une concession de service public à paiement public, il y eut le bail emphytéotique administratif (BEA) (notamment hospitalier, ordonnance de 2003) puis le contrat de partenariat (CP) de l’ordonnance de 2004. Ce contrat d’une durée de dix ans mettait à la charge des entreprises le soin de concevoir, financer, construire, entretenir des équipements publics et d’offrir dans la durée des services collectifs périphériques qui ne sont pas le cœur du métier du service public, par exemple la restauration dans un équipement recevant du public.
RPP – Qu’a apporté le PPP à la gestion publique en France ?
Xavier Bezançon – Plus de 600 opérations entre 2004 et 2014 (date à partir de laquelle le gouvernement Hollande commença à supprimer le PPP pour des raisons idéologiques), se répartissant en 200 contrats de partenariat dont les plus gros (lignes LGV, hôpitaux, programme des prisons) et des équipements locaux (lycées, collèges, écoles, éclairage public) ; et 400 BEA qui étaient de bien plus petites opérations. Les entreprises se sont habituées, y compris les PME, à réaliser des BEA et des CP et l’administration à déléguer un ensemble de tâches en se concentrant sur son cœur de métier qui n’est pas de construire.
RPP – Quel est l’apport du PPP à l’économie nationale ?
Xavier Bezançon – Ces 600 contrats ont généré un total de loyer sur dix ans de 44 milliards d’euros se répartissant en gros par tiers de cette somme en trois postes : les équipements (travaux principalement), entretien sur dix ans des ouvrages et service de maintenance divers, et remboursement du financement. Les BEA représentaient à eux seuls 300 millions de travaux pour les PME annuellement.
L’acharnement de la gauche à les supprimer est une aberration. Les résultats, décrits en détail dans Dix ans de PPP dans la commande publique, sont ceux d’un immense satisfecit des maîtres d’ouvrages dans tous les domaines cités, une économie de temps et d’argent, un gain d’efficacité. Cette réussite a été saluée par les instances européennes et un pôle dédié au ministère des Finances (la Mission d’Appui des PPP, MAPPP) dirigeait et orientait harmonieusement l’ensemble.
Notons que dans ce programme des 600 opérations il n’y eut, concernant ces contrats, aucun scandale financier, aucun retard mais une ou deux focalisations des médias sur des contrats que l’administration avait mal montés, notamment un hôpital pour lequel elle ne disposait que de la moitié du loyer annuel, et qui donc fut résilié. Les obligations mises à la charge des entreprises sont très bien décrits dans les contrats et il n’y a pas de zones d’ombre. Nous sommes en 2020, seize ans après leur lancement, et tout se déroule correctement, aucun écho ne parvient sur des difficultés quelconques !
RPP – Quel avenir voyez-vous pour le PPP ?
Xavier Bezançon – L’approche historique nous apprend qu’il réapparaît régulièrement quand le pays a besoin de se doter d’équipements, n’oublions pas qu’il fut institué par Colbert en 1669 pour la réalisation des grandes routes de France, il revint en force dans les années 1860 pour les chemins de fer locaux. Les bâtiments en brique rouge, construits dans les années 1920, à la lisière des boulevards des maréchaux à Paris furent réalisés par des contrats de ce type sur les anciennes fortifications de 1870.
En réalité l’incapacité permanente de l’État à tenir la dépense publique en fonctionnement, nécessite qu’une forme contractuelle dédiée permette de réaliser certains équipements, qui autrement ne seraient que très difficilement et très tardivement construits, en sacralisant leur dépense en loyers sur une certaine période de temps. Donc c’est absolument certain qu’il réapparaîtra un jour où notre pays sera confronté à cette question
Xavier Bezançon
Ancien délégué général des Entreprises Générales de France
Docteur en économie et docteur en droit
Il est notamment l’auteur de Essai sur les contrats de travaux et de services publics, Librairie Générale de droit et de Jurisprudence, 1999 ; 2000 ans d’histoire du partenariat public privé pour la réalisation des équipements et services collectifs, Presses des Ponts et Chaussées, 2004 ; Guide opérationnel du PPP, Le Moniteur ; Dix ans de PPP dans la commande publique, Le Moniteur.
Propos recueillis par Florence Delivertoux