L’entrepreneur Sébastien Laye vient de se déclarer officiellement candidat à la présidence des Républicains. Il nous expose ses motivations.
Revue Politique et Parlementaire – Vous avez décidé de vous porter candidat à la présidence des Républicains. Quelles sont vos motivations ? Et comment comptez-vous vous faire entendre dans une formation où le fait de ne pas être élu peut constituer un handicap ?
Sébastien Laye – Je souhaite participer à la refondation de notre famille politique, qui d’échec en échec, court inéluctablement vers sa disparition. Entrepreneur et économiste, je conseille diverses personnalités LR sur les sujets économiques depuis de nombreuses années : je suis aguerri aux combats politiques et intellectuels grâce à la fréquentation de nos dirigeants, qui me connaissent presque tous personnellement. Mais la gravité de la situation du pays (dont je ne connais que trop bien l’irrépressible déclin économique et culturel) ainsi que celle de notre famille politique, me conduisent aujourd’hui à m’investir pleinement dans cette refondation, en m’engageant politiquement, et non plus sur la base de ma simple expertise.
L’immense majorité des LR a conscience qu’avoir un socle solide d’élus ne suffit pas à rétablir le contact avec les Français et à les convaincre de nous ramener aux responsabilités nationales. Nous avons déjà la base territoriale et partisane, mais cela nous condamne à l’opposition ad vitam aeternam : le parti a besoin de renouer avec les expertises et les talents dans la société civile, mais aussi de parler à d’autres au-delà du parti puisque désormais, nul parti seul n’arrivera au pouvoir, et devra former des coalitions. Si nous sommes sectaires, à l’égard des talents de la société civile mais aussi dans notre dialogue avec les autres formations politiques, nous mourrons inéluctablement. Ma candidature représente une opportunité pour les parlementaires et les militants, d’abord par leurs parrainages en septembre, puis par leurs votes en décembre, d’exciper une ouverture d’esprit et une transparence qui serviront de pierre angulaire à la reconstruction de notre famille politique. Je travaille depuis des années au sein de think tanks, dans un va et vient permanent entre le logiciel idéologique (mes analyses dans la presse, mes interventions dans des médias ou Cnews, mes livres ou rapports techniques) et mon expérience de terrain d’entrepreneur, en France mais aussi à l’international ; aucun de mes concurrents, tous d’estimables élus, n’a cette expérience pratique, intellectuelle et internationale. Elle sera utile à ma famille politique, en complément de nos élus dans nos territoires, et je sais qu’elle s’en saisira. Le contraire serait un nouveau signal lancé à ceux qui quittent notre formation pour Macron, Zemmour ou Philippe.
Je suis un homme neuf dont la démarche n’est pas avilie par d’anciennes querelles, participations à des guerres de chefs ou de petits calculs politiques.
RPP – Comment refaire des LR une formation qui parle aux classes populaires et aux classes moyennes ?
Sébastien Laye – Notre pays va mal et se meurt, sous l’apparente apathie d’un faux plat trop tranquille cet été. « Il faut tout de même voir qu’il y a des ordres apparents qui sont les pires désordres » disait Péguy. L’économiste que je suis alerte dans les colonnes du Figaro ou de Capital, dans mes chroniques sur Cnews, et ce depuis des mois, sur les ravages actuels et à venir de l’inflation : clairement, sous la crise du pouvoir d’achat sourd désormais le bruit d’une crise sociale qui pourrait éclater durant notre élection. Allons-nous regarder uniquement notre nombril partisan ou serons-nous capables, avec des candidatures comme la mienne, de parler aux Français durant cet épisode ? de remettre à plat notre logiciel idéologique et politique ?
Malraux avait coutume de dire que le « RPF, c’était le métro à 6h du soir ». Nous devons, sur la base de ce qui reste des Républicains, reconstruire une droite populaire défendant les classes moyennes et populaires, cette Droite qui sous Chirac ou Sarkozy réunissait au moins 30 % des suffrages. Nous ne pouvons plus rester dans l’entre soi, entre nous-mêmes, sans parler à tous les Français.
Notre parti doit être celui des classes moyennes, travailleuses et retraitées, afin de défendre ces Français toujours pris pour des « vaches à lait » par les derniers gouvernements.
Notre électorat naturel avec lequel il faut renouer, celui que nous avons trop souvent négligé avec Alain Juppé par exemple, c’est celui de citoyens indépendants et libres, dans une nation souveraine, que nous devons débarrasser de l’excès de bureaucratie qui les entrave et qui bride le génie français. La Droite peut se caractériser par une bonne gestion – j’ai d’ailleurs un profil intéressant pour renouer avec cette tradition orléaniste – financière et économique, mais cela ne doit pas être sa priorité : dans l’opposition entre un bloc progressiste et élitaire, et un bloc plus populaire, tel que théorisé par Lasch et Goodhart dans le monde anglo-saxon, et Guilluy et Jérôme Sainte Marie en France, LR doit s’imposer comme la pierre angulaire du bloc populaire. Il n’y a pas besoin d’être un extrémiste ou un populiste démagogue pour incarner une recomposition autour d’un bloc populaire, on l’a vu en Angleterre ou en Autriche. Les LR peuvent être des populistes « intelligents » et pragmatiques, prenant à leur charge les revendications des classes moyennes : moins d’impôts, moins de charges et de bureaucratie, plus de récompense du mérite et du travail et moins d’assistanat, une reprise en main vigoureuse des zones de non droit, une défense de notre mode de vie à la française traditionnel face aux communautarismes et au wokisme débridés. Le Parti, ouvert aux diverses sensibilités, doit cependant être clair sur la ligne idéologique : il n’y aura pas de faux semblant avec moi, puisque dans mes diverses analyses et tribunes, y compris ici dans la RPP ou sur son site, j’ai eu l’opportunité au cours des dernières années de préciser mes vues sur nombre de sujets.
RPP – Sur l’Europe, sur l’immigration, enjeux majeurs qui ont divisé les droites ces dernières décennies, comment entendez-vous positionner les Républicains ?
Sébastien Laye – Voilà de très bons exemples. Sur l’Europe, le Parti doit défendre une alliance libre entre Nations souveraines. Cela veut dire, tout en développant des collaborations fructueuses dans l’industrie, la recherche, la défense, rappeler une ligne rouge à ne pas franchir : nous devons expliquer aux Français que jamais le dessein de ces collaborations ne sera de les amener inéluctablement à un Etat fédéral et à la disparition de notre Nation. Ce sera un engagement très fort de ma part : l’Etat est au service de la Nation, et la norme nationale doit retrouver sa place première face à la norme internationale ou européenne. J’entends déjà les cris d’orfraie de ceux qui me diraient que je n’ai rien compris au monde moderne ; sauf que je suis dans mon parcours un enfant de la mondialisation, de l’internationalisation. Ces tendances ont du bon, mais elles se sont retournées contre les classes moyennes. Fort de mon expérience concrète – que n’ont pas mes concurrents –, je sais combien nous avons besoin de mieux défendre nos intérêts à Bruxelles ou à Washington : personne ne pourra m’accuser d’être un obscurantiste sur ces sujets, je connais très bien ces milieux : il faut simplement les remettre à leur juste place. J’ai voté contre le traité constitutionnel de 2005, et j’aurais probablement voté contre Maastricht : économiste, je suis atterré par les conditions de mise en place ubuesque de l’euro, hérésie économique pour les théoriciens des zones monétaires optimales comme Mundell.
Le mal, est fait, le retour en arrière est impossible, mais j’ai longuement écrit sur ce qu’il faudrait faire pour améliorer la zone euro.
Sur l’immigration, il y a désormais un consensus fort au sein des LR ; pour ma part, je me méfie des effets de manche et de communication sur ces sujets, et j’ai la chance d’être entouré de très bons experts sur la question : je demande un moratoire de deux ans sur l’immigration pour mettre en place un consensus (probablement un référendum) sur la mise en place de quotas et l’avènement d’une immigration essentiellement économique. Pour trancher le sujet des OQTF et des demandes d’asile, je propose de sortir temporairement de la CEDH et d’y réadhérer avec réserves sur toutes ces questions afin de retrouver de la latitude.
De manière générale sur les sujets régaliens ma méthode est double : 1) privilégier les vrais changements de doctrine aux adaptations, par exemple en appliquant la théorie de la vitre brisée contre les délinquants ; 2) rappeler que la reprise en main régalienne n’est pas possible sans la restructuration du train de vie de notre Etat, car nous dépensons trop et mal, ce qui nous prive de budgets pour les ministères régaliens….
RPP – A l’épreuve du nouveau mandat d’Emmanuel Macron et des premières semaines de la législature, comment évaluez-vous les débuts du groupe LR à l’Assemblée nationale ?
Sébastien Laye –Je connais Olivier Marleix personnellement et je suis heureux de ce choix pour diriger le groupe. Il fait partie des rares personnalités LR capables d’avoir un dialogue de haut niveau avec moi sur l’économie. Le groupe trouve progressivement sa place, et finalement pour l’instant a subtilisé à Horizons (trop servile à l’égard du gouvernement) le rôle de pivot pour faire aboutir des textes. J’ai suivi de très près le travail du groupe (et celui du Sénat) sur la loi pouvoir d’achat : au sein d’un texte au total inutile car inflationniste (le contraire de ce qu’il prétend faire), les seules mesures de qualité proviennent des amendements du groupe LR (rachats RTT, heures supplémentaires,) qui y ont incorporé des éléments (ou en fait une partie des éléments, car la candidate allait beaucoup plus loin) du programme Pécresse. Marleix a sauvé le texte bancal du gouvernement. Il faut noter aussi quelques propositions initiales du groupe que je n’ai pas comprises, comme celles sur le blocage des prix : tout cela montre que le groupe a peut-être besoin de plus dialoguer avec des entrepreneurs et des économistes pour affuter ses positions avec Macron, et ce dans le contexte de la discussion des textes sur l’assurance chômage et sur les retraites. Je me tiens à leur disposition pour des contre réformes sur ces sujets que nous pourrions imposer à Macron…
Sébastien Laye
Entrepreneur et chercheur associé en économie à l’Institut Thomas More
Propos recueillis par Arnaud Benedetti
Photo : ricochet64/Shutterstock.com