La distribution des rôles de la saison 2 avec la composition du gouvernement conduit par Élisabeth Borne est enfin intervenue avant le pont ensoleillé de l’Ascension qui a semblé être la préoccupation majeure des Français, si on prête crédit aux médias hexagonaux dans l’étrange atmosphère de cette fin de mois de mai précédant les élections législatives de juin, bien plus que la déception suscitée par un attelage générateur de polémiques à peine était-il dévoilé et annoncé au public…
Un lever de rideau gâché par trois nominations controversées et sujettes à caution et tourmente médiatiques après une attente orchestrée à l’instar de celle de la sélection de la Première ministre, rien de vraiment inédit in fine si on garde en mémoire certaines des péripéties de la séquence 1 comme par exemple les sordides épisodes Benalla ou Griveaux, les démissions “choc” de plusieurs figures de la majorité présidentielle lors du mandat antérieur, pour le reste un changement dans la continuité avec somme toute un goût de déjà vu dans la reconduction des principales têtes d’affiche en charge des fonctions régaliennes. 15 des ministres du nouveau gouvernement devront remporter les élections législatives dans les circonscriptions où ils se sont présentés pour conserver leur maroquin et entrer dans le vif du sujet, la mise en œuvre d’un projet où il s’agit de réparer les dégâts du bilan du quinquennat précédent, restaurer le pouvoir d’achat des Français, rebâtir le système de santé avec en priorité l’accueil dans les services d’urgence incapables aujourd’hui d’accomplir leur mission dans des conditions acceptables, et rattraper le retard pris en matière de transition écologique, etc…
A noter, le silence assourdissant en ce qui concerne la restauration de la sécurité, dans la poursuite d’un déni inquiétant pour ne pas dire insupportable aux yeux de ceux qui subissent le désordre ambiant. Soumise à un devoir de réserve en raison de la période de campagne électorale, cette équipe entame ses premiers pas dans le malaise indicible causé par les graves accusations de violences sexuelles déterrées bien que classées, portées contre la prise de guerre plus qu’embarrassante d’un transfuge de l’ex-droite de gouvernement – un coup de communication qui tourne au vinaigre et qui ne grandit personne dans un climat déjà dégradé -, un porte-feuille de l’Education nationale attribué à l’opposé de son titulaire prédécesseur, salué par le bloc de gauche antagoniste de la majorité sortante et dénoncé par le camp de la droite nationale pour des prises de position radicalement incompatibles avec sa vision de la société et ses valeurs, et le paradoxe typiquement propre à la dérive actuelle qui consiste à ériger la présomption d’innocence en bouclier et paravent à toutes les critiques et interrogations légitimes face au maintien de personnages publics dans leurs hautes fonctions en dépit de leurs mises en examen par la justice…
Rien de tout cela n’est réellement en mesure de susciter une espérance et un souffle nouveau propres à mobiliser les millions de Français qui ont tourné le dos aux urnes à l’occasion de la présidentielle, de surcroît sans l’état de grâce relative propre aux premiers mandats dans l’euphorie factice des lendemains de victoire électorale, et c’est pour le moins une singulière conception de la renaissance ou refondation d’un pays au sortir de crises d’une ampleur exceptionnelle, pour autant que les blessures engendrées par ces tempêtes et accidents de navigation soient guéries et ces épreuves entièrement surmontées.
Tandis que le Royaume-Uni s’apprête à célébrer avec ferveur dans quelques jours le jubilé de platine de sa bien aimée Souveraine, le “cher et vieux pays” semble suspendu dans une étrange accalmie, celle qui souvent précède les tempêtes.
Les scènes lamentables et caractéristiques de l’état de délabrement général et de naufrage sécuritaire observées aux abords du stade de France à l’occasion de la finale de la ligue des champions et les accusations portées principalement contre les supporters de Liverpool, démenties par la réalité des images circulant en boucle sur les réseaux sociaux qui pointent une toute autre identification pour les fauteurs parfaitement reconnaissables de ces troubles, ne sont pas à l’honneur des autorités en charge de l’événement et ne manqueront pas de susciter des réactions et commentaires peu amènes en Europe et au delà. Selon les versions officielles, les faux billets mal acquis en grand nombre par des visiteurs britanniques seraient donc la cause majeure de ces débordements inadmissibles, dans une énième manifestation de déni devant des évidences qu’il est politiquement incorrect de relever et dénoncer. Avant même une enquête sérieuse sur les causes et responsabilités de ce fiasco qui augure bien mal du déroulement des futures manifestations sportives à venir, notamment en perspective des Jeux olympiques de 2024 dans une capitale et sa périphérie en déficit croissant de sécurité et en proie à toutes les incivilités, des conclusions hâtives tentent de masquer la triste réalité d’une maison France de plus en plus mal tenue et livrée au désordre. La presse étrangère permettra de mesurer hors frontières l’impact désastreux en termes d’image de cette regrettable démonstration du climat délétère régnant depuis trop longtemps et symptomatique d’une dérive de violence de plus en plus difficile à maîtriser dans notre pays, qui gâche la vie des Français au quotidien sans qu’aucune amélioration ne soit tangible au fil des mois et des années en dépit des affirmations officielles d’un contrôle de la situation. Même scènes de chaos à Saint-Etienne le lendemain de la soirée d’émeute au stade de France, comme si les matchs de football reflétaient désormais de manière répétitive l’état avancé de décomposition d’une frange non négligeable de la société française…
Triste début de mandature, contrastant avec une communication gouvernementale où prédomine la volonté d’atténuer toutes les aspérités qui pourraient influer sur le résultat des législatives…
Dans une quinzaine de jours, le pays sera amené à confirmer ou non le résultat d’une élection présidentielle par défaut, qui a laissé un arrière goût d’inachevé et un sentiment de frustration plus ou moins conscient dans l’esprit d’un grand nombre d’électeurs. Sur fond de grandes difficultés qu’il est impossible de maîtriser sans tenir compte de facteurs extérieurs non encore évalués comme les représailles et répercussions suscitées par le sixième train de sanctions économiques contre la Russie en discussion au sein de l’Union européenne, l’intensification des livraisons d’armes à l’Ukraine qui ralentissent l’ouverture de négociations par la voie diplomatique pour aboutir à un cessez-le-feu, la remontée annoncée des taux d’emprunts, une inflation en courbe ascendante de jour en jour avec des boucliers tarifaires dans le domaine de l’énergie appelés à rattrapage ultérieur, la conjoncture est plus que morose et n’incite pas à l’optimisme en dépit des promesses et annonces de l’exécutif difficiles à quantifier tant elles s’empilent à l’approche du premier tour des législatives.
Pour l’heure, il est hasardeux de prédire les contours des majorité et opposition qui se profilent à l’horizon du 19 juin tant le débat politique souffre d’une relative atonie et tant les incertitudes sont grandes qui pèsent sur le contexte international et européen.
Face à des drames comme la tuerie d’Uvalde au Texas ou le sinistre spectacle des destructions en Ukraine, la tentation d’occulter le tragique de la situation dans le monde en se réfugiant dans les images trompeuses d’un pont de l’Ascension où l’affluence a été remarquable dans les lieux touristiques un peu partout en France est grande et dangereuse à terme…
Jeudi, l’actualité va se focaliser sur un événement symbolique, à portée universelle, la célébration d’un règne de 70 ans autour d’une Souveraine âgée de 96 ans de l’autre côté de la Manche, une figure iconique et respectée pour sa constance dans son sens du devoir et pour le long service qu’elle aura rendu à son pays et à ses sujets, dans les tempêtes et les péripéties traversées à cheval sur deux siècles parmi les plus mouvementés de l’histoire du monde.
Ce moment unique dans l’épopée du Royaume-Uni est à méditer en ces temps de grand désarroi. Les Souverains intègres et exemplaires sont pour les peuples un gage d’éternité plus solide que les promesses de renaissance bâties sur des fondations incertaines, bien plus propices à la chute finale qu’au rebond…
Eric Cerf Mayer