C’est sans aucun doute la première manifestation politique de Bruno Retailleau comme président de parti. Elle a pris la forme d’une tribune dans Le Figaro, co-signée avec Julien Aubert et François-Xavier Bellamy, respectivement, vice-président et vice-président délégué de LR, sur la transition énergétique… qui ne fait pas précisément partie du périmètre du ministère de l’Intérieur. Or, depuis son élection le 18 mai dernier, le patron des Républicains s’était contenté d’annonces et de décisions concernant le fonctionnement interne de son mouvement (nominations, composition du bureau politique, etc…).
Objectif de Retailleau cette fois : fixer une fois pour toutes la ligne des Républicains dans ce domaine et remettre de l’ordre après les déclarations contradictoires des uns et des autres et les cafouillages des députés LR à l’Assemblée nationale. Certes, mais pourquoi publiquement et pas en réunissant ses troupes ? Parce que, dit un de ses proches, « les médias ayant largement relayé les couacs, il fallait une réponse publique ». Sans doute.
Mais, à l’évidence, le chef des Républicains marque aussi son terrain dans la perspective de l’élection présidentielle de 2027, ou d’une éventuelle nouvelle dissolution. Parce que l’après-Macron a déjà commencé, mieux vaut montrer, dès maintenant, aux Français qu’on a des idées et des propositions dans tous les domaines pour diriger la France. Y compris en clivant si besoin, comme l’avait fait Nicolas Sarkozy. « Aucun candidat à l’Elysée ne s’est imposé sans créer de rupture avec le pouvoir en place », remarque un retailliste du premier cercle. Et, il va sans dire que cette idée de rupture doit s’installer longtemps avant le début de la campagne présidentielle.
En intervenant hors de son périmètre ministériel, en fustigeant l’éolien et le photo-voltaïque, « énergies intermittentes coûteuses » qu’il faudrait cesser de financer par des subventions publiques, et en plaidant surtout pour « les capacités nucléaires de la France et son potentiel hydraulique », Retailleau s’est attiré les foudres de sa collègue au gouvernement Agnès Pannier-Runacher. « Populisme et court-termisme électoral déguisé en soi-disant « bon sens » qui protégerait les classes populaires et la ruralité », a réagi, exaspérée, la ministre de la Transition écologique dans Le Monde qui l’accuse de « courir derrière le Rassemblement national ».
Déjà mise à mal par l’affaiblissement du Premier ministre, la cohésion gouvernementale pâtit encore un peu plus de l’émancipation du ministre-président de LR. Mais quelle portée peuvent avoir les réprimandes de François Bayrou, qui bat tous les records d’impopularité et dont tous les médias signent déjà l’acte de décès, au plus tard lors du vote du budget à l’automne prochain ? Et ce, d’autant moins qu’en arrivant à Matignon, le Premier ministre avait préconisé la liberté de parole de ses ministres…
Même question quant aux remontrances du président de la République, lui aussi très affaibli, au point de ne plus guère s’aventurer sur le terrain de la politique intérieure. La remarque d’Emmanuel Macron rappelant qu’ « on a besoin de renouvelable » est d’abord une défense de son bilan écologique qu’il ne veut pas voir détricoté. Quant au « recadrage » disciplinaire, s’il vise en apparence Bruno Retailleau – « les ministres doivent s’occuper des politiques qu’ils conduisent » – il semble s’adresser davantage à François Bayrou sommé de « diriger son gouvernement »…
Pas de quoi donc inquiéter outre-mesure le président des Républicains qui a toujours les faveurs de l’opinion. Convaincu que l’exécutif n’a guère les moyens d’imposer une autorité défaillante, Retailleau est bien décidé, selon son entourage, à semer de nouveaux petits cailloux sur le chemin qui mèneront, espère-t-il, à sa candidature en 2027. Il continuera donc à s’exprimer publiquement, hors de son périmètre ministériel, sur tous les sujets. Même pas peur !
Carole Barjon
Editorialiste