Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux montre un homme de la ville de Charmahal-Bakhtiari criant dans une manifestation: “Mort pour la République islamique / Vie humaine dans la République iranienne. Notre pays s’effondre et nous devons nous relever. Nous n’avons rien à perdre, le peuple iranien vit l’oppression, la pauvreté et la misère. La population de Khuzestan n’a rien à perdre.” Une autre vidéo a profondément touché les utilisateurs des réseaux sociaux : elle montre une fille baloutche de trois ans criant de soif et mendiant de l’eau.
Ces deux vidéos et leurs contenus ne sont qu’une goutte dans un océan de vidéos qui illustrent la situation inquiétante du peuple iranien. Le chômage, la stagnation de la production, les catastrophes environnementales, la fuite des capitaux, la récession économique, l’hyperinflation, la dévaluation monétaire et les crises de l’eau et de l’électricité sont des réalités dures du quotidien des Iraniens.
En effet, trente millions d’entre eux sont en lutte continue pour subvenir à leurs besoins essentiels. Ils témoignent d’une destruction des entreprises au quotidien, font face à la perte d’emploi et à la dégradation aiguë de leur qualité de vie. Aujourd’hui, 80% de la population est en dessous du seuil de pauvreté en Iran, et les jeunes de ce pays ne voient à leur horizon qu’un avenir sombre.
Toutes ces misères font sortir ce peuple réprimé en des manifestations : les soulèvements liés aux pénuries d’eau au Khuzestan, les privations au Baloutchistan, les soulèvements à Saravan, les protestations des habitants de Yasuj et les affrontements des braves d’Aleshtar et d’Abdanan avec les Gardiens de la révolution sont en augmentation.
Les différentes professions et activités rejoignent ces manifestations nationales, des secteurs de la santé et de l’éducation aux agriculteurs et éleveurs à Ispahan, Yazd et Damghan. Les industries pétrochimiques, pétrolières et gazières, les centrales électriques et les raffineries ont fait l’objet d’une grève nationale qui a duré trois semaines. Et récemment, ce sont les coupures électriques qui ont engendré cet état de révolte contre un gouvernement dysfonctionnel.
A Khuzestan et d’autres villes, le soulèvement n’a pas comme objet une revendication de droit à la liberté d’expression.
Le peuple est sorti pour son droit à la vie.
Le régime iranien a privé 95% du peuple de ce droit. Et c’est pour cette raison que la République Islamique fait face à des soulèvements à travers le pays.
Le Guide Suprême, Khamenei, a interdit l’importation de vaccins contre le covid-19 en provenance des États-Unis et d’Europe pour occuper l’esprit des iraniens par le virus et les promesses creuses liées à la vaccination, afin de retarder une nouvelle vague de soulèvements, même au prix des vies des iraniens.
Dans l’un de ses discours, Khamenei a déclaré que le covid-19 était une bénédiction et que le régime devrait saisir cette opportunité. En interdisant l’importation des vaccins, Khamenei a retardé les soulèvements de plusieurs mois, voire d’un an et demi.
Aujourd’hui, Khuzestan est tel un champ de bataille où l’on assiste à des tragédies de martyrs et d’arrestations au quotidien. Les soulèvements actuels ne tendent plus à s’atténuer ou ralentir. Il est question de survie, comme pendant la Révolution française qui, selon les historiens, a été initiée par la pauvreté, le chômage, la supériorité du clergé, la terrible division des classes sociales, etc. Ces mêmes facteurs sont observés aujourd’hui en Iran.
L’ère post-covid est arrivée !
L’épisode d’Ibrahim Raisi, qui, selon Amnesty International et les Nations Unies, a été impliqué dans le massacre de prisonniers politiques en 1988, est une indication de l’état fragile et vulnérable dans lequel se trouve le régime iranien. Raisi sera sans aucun doute confronté à plus de soulèvements et de manifestations dans les semaines et les mois à venir.
Cette scène, vue dans sa globalité, renseigne clairement sur la crainte du régime des soulèvements qui sont devenus des cauchemars, et dont les Iraniens sont les acteurs. Ces soulèvements survenus à Khuzestan montrent que le peuple iranien espère fortement à une vie digne et que le covid-19 ne peut venir en aide à Khamenei face à cette volonté populaire. L’ère post-covid est arrivée !
Hamid Enayat, Ecrivain et expert de l’Iran
Crédits image : Luigi Morris via Shutterstock, New York, 22 Juillet 2021, Rassemblement au Washington Square Park en soutien aux manifestations pour l’accès à l’eau au Khuzestan