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dans International

Sauver le soldat Petrov ! (Partie 2)

Jean-Louis EsquiviéParJean-Louis Esquivié
26 avril 2022
Guerre en Ukraine

Période improbable, incertaine, période stressante, sans horizon pour les populations qui depuis des mois, des années, à présent, privées de leurs repères basiques voire personnels, n’ont pas d’autre choix que de confier leur sort et la conduite de leur vie quotidienne aux directives de gouvernances politiques, elles-mêmes partagées et en déficit de confiance. Lire la première partie de l’article du Général (2S) Jean-Louis Esquivié.

Selon René Girard (Stanford), le sacré dans l’histoire de l’humanité contient la violence dans les deux sens du mot, violence qui fait barrage à la violence par des moyens violents : tellement vrai jusqu’à Hiroshima mais pas plus. Dupuy (Stanford) dit ceci : « La violence sans haine délivrée par le nucléaire est si inhumaine qu’elle en devient une transcendance prométhéenne (qui échappe à toutes dimensions humaines) ». Un livre important était publié en 1955 dont le titre était ‘’Les dangers de la science‘’, signé par des scientifiques dont Albert Einstein. L’objet de l’ouvrage était d’alerter le monde sur les dangers de l’utilisation de la bombe atomique pour résoudre des conflits, conviction que le grand savant nourrissait depuis 1940. Depuis Hiroshima, tant d’années se sont écoulées sans que le message ait été compris. A ce jour 9 pays ont l’arme nucléaire, sans compter ceux qui ambitionnent de la posséder, terrorisme compris. Admettons avec Einstein que c’est bien la complicité entre la science et les hommes qui a produit cette capacité de violence d’une autre dimension.

Le passage à l’acte de la prolifération nucléaire est acté en 1949 lorsque l’URSS expérimente sa première bombe.

La logique infernale de l’équilibre par la terreur nucléaire a fourni les candidats à la prolifération. Jusqu’à ce jour, l’équilibre n’a pas encore été trahi sans qu’aucune preuve n’ait jamais accrédité le fait que le nucléaire était nécessaire et suffisant pour assurer l’équilibre, sauf à penser vraiment que la logique de pensée du dirigeant face à la décision de frapper nucléaire est systématiquement auto-invalidante.

En 1947, des universitaires atomiques de Chicago ont créé la Doomsday clock (l’horloge de l’apocalypse) sur laquelle minuit représente la fin du monde en tenant compte de tous les éléments qui perturbent le fonctionnement de la planète. En 1947, le délai avant la fin du monde était fixé à 7 minutes, l’horloge marquant 23h53. La fin de la guerre froide lui a fait monter le délai létal à 17 minutes. En 2007 l’horloge était à 5 minutes de minuit. Mais la situation s’est depuis tellement dégradée que le délai s’est réduit jusqu’à atteindre le délai de 1 minute 67 avant minuit en 2021. Il est à redouter que ce délai soit encore raccourci à la lumière des derniers bruits de guerre en 2022.

Oui, le spectre de la guerre nucléaire est à nouveau prégnant et envisagé comme une suite logique. Face à cette situation dramatique, on peut observer deux postures différentes voire complémentaires dans le camp occidental. A tout seigneur tout honneur hommage au peuple, aux anonymes, aux sans grade qui dans le brouhaha des informations multiples et brouillonnes ont fait le choix prioritaire d’écouter les souffrants, les victimes, c’est-à-dire les populations ukrainiennes sous les feux de la guerre : collectes, acheminement de vivres, accueil de réfugiés. Le peuple occidental s’est concentré sur cette seule mission faute d’avoir les moyens d’arrêter la cause de cette misère. Une autre catégorie de personnes est identifiée comme les responsables politiques et administratifs du monde Occidental, personnages eux-mêmes soumis à deux attitudes différentes. Il y a d’abord les anciens responsables qui ne sont plus aux commandes mais qui font autorité et dont les avis sont recherchés. Ces personnages font la part des choses et expliquent la genèse du conflit avec le recul des sages qui n’ont pas à apporter de solutions immédiates au problème. En revanche, tous les responsables au pouvoir de l’Occident sont contraints à une réaction commune, immédiate et récurrente d’indignation et de condamnation face à toutes les informations terribles et insoutenables de cette guerre qui est arrivée. Il n’y a qu’un coupable, l’attaquant dont tous les discours et commentaires s’accordent à dire que faute de pouvoir l’affronter, il convient de le sanctionner économiquement et de le priver de relations avec le monde.

Cette mesure bien rodée de sanctions et d’interdictions a gagné un niveau jamais atteint qui marginalise aujourd’hui un pays dans son entier.

Or l’analyse des partitions de populations occidentales (peuple et dirigeants), des décideurs (passés, aux commandes) est aussi valable pour la Russie. Les sanctions sans précédent vont véritablement ostraciser le peuple russe plus que leurs dirigeants qui seront pourvus toujours de l’essentiel et qui seront totalement protégés. Qui sera puni plus que le peuple russe ? Ce peuple russe qui a lui-même historiquement tant souffert. Notre histoire récente nous démontre que la voix du peuple est de nature à pouvoir changer les choses en s’opposant lui-même avec succès à toute tyrannie ou déviance d’un responsable politique. Or il faut reconnaître que les sanctions décidées par l’Occident, frappant essentiellement le peuple russe au titre d’un possible joker renversant ainsi sa gouvernance, peuvent produire un effet contraire et pousser ce peuple slave à faire corps jusqu’au bout avec sa gouvernance.

Qui sommes-nous pour condamner le Bolchoï à ne plus délivrer au monde ses merveilles culturelles, son message de beauté, qui inspire la paix ? On est toujours meilleur après avoir assisté au lac des cygnes de Tchaïkovski. Le ballet russe Bolchoï, comme les écrivains et musiciens russes, appartiennent au peuple-monde, pas au politique. Qui sommes-nous pour punir si sévèrement ce peuple russe auquel nous devons le véritable héros du vingtième siècle, un petit russe, un gilet jaune de là-bas : le lieutenant-colonel Stanislas Petrov ?

Son histoire trop longtemps occultée a été connue grâce à un réalisateur allemand, Karl Schumacher (quel retour de l’histoire !). Stanislas Petrov est né le 9 septembre 1939 à Vladivostok dans le Pacifique, province russe perdue à plus de 6000 km de Moscou. Son père avait été un aviateur militaire qui suite à un accident était resté totalement handicapé. Sa mère était infirmière. Le couple disposait de peu de moyens pour vivre et firent le choix d’envoyer leur fils Stanislas à l’académie militaire pour qu’il fasse des études. On note son passage par Kiev dans une école d’ingénieurs, puis il est définitivement affecté dans les Forces aériennes soviétiques à la surveillance électronique de l’espace soviétique. 1983, après Cuba en 1962, est l’année de tous les dangers entre les deux blocs. En septembre 1983, un chasseur soviétique abat délibérément un avion de ligne sud-coréen qui était rentré par inadvertance dans l’espace soviétique. Le bilan est de 269 victimes dont 39 américains et un membre du congrès américain. Dans la même année, le Président Reagan lance la guerre des étoiles et installe des pershing 2 (capables d’atteindre Moscou) en Allemagne.

Le lieutenant-colonel Stanislas Petrov rejoint le 25 septembre 1983 le bunker de surveillance électronique dit serpukhov, pour y passer la nuit comme officier d’astreinte.

Quelques minutes après minuit ce 26 septembre 1983, apparaît sur les écrans un signal accompagné d’une sirène d’alerte indiquant qu’un missile est parti des USA en direction de l’URSS. Stupeur ! Cette première alerte est suivie par deux, trois puis cinq traces sur les écrans de même nature que le premier : cinq missiles américains se dirigent vers l’URSS. Panique ! Stanislas Petrov a une mission très claire et incontournable : constater et rendre compte aux fins que les mesures adéquates soient prises immédiatement. L’information confirmée par la technique et le traitement qu’il doit en faire ce soir-là le tétanisent à juste titre. Il ne dispose que de quelques minutes pour confirmer l’alerte et déclencher, il le sait, la riposte soviétique. Stanislas Petrov confirmera qu’il s’est trouvé alors en état de choc. En clair, la machine humaine commence là à prendre le pas sur le pixel et les bits. Il dira plus tard qu’il « avait l’information de nature à déterminer le cours de l’action ». Petrov s’accorde du temps (contrairement à ses consignes) et à une idée (idées interdites dans ses consignes) selon laquelle si les Etas-Unis veulent détruire l’URSS, pourquoi n’envoyer que cinq missiles ? Au fond de son âme, de son cœur il joue la défaillance de la technique face au possible déclenchement de l’Apocalypse. Petrov gagne 20 minutes d’attente contre toutes les consignes de sa mission car elles rendent inefficaces toute riposte soviétique. Or ce temps joué et volé au système lui apporte la confirmation de l’inanité de l’alerte donc l’erreur électronique ; les radars de basse altitude confirment qu’il n’y a pas d’arrivées de missiles dans la sphère soviétique.

Petrov a bravé seul le servage d’un système qui joue aux dés avec l’apocalypse et l’humanité.

Stanislas Petrov est un simple être humain, modeste, sans grade, un homme du peuple russe, du peuple tout court. Seuls dans l’instant, ses camarades sans grade du bunker ont reconnu son geste et l’ont félicité. Ce ne fut pas le cas de sa hiérarchie militaire qui lui infligea des blâmes pour des raisons futiles au regard de la portée de la décision sublime qu’il avait prise ce soir-là. Stanislas Petrov fut même mis à la retraite anticipée avec une retraite de misère. Quelle leçon ! Il est à peu près évident que si le lieutenant-colonel Petrov avait rendu compte, sa hiérarchie dans laquelle se trouvaient des responsables importants, des généraux sûrement auraient appliqué rigoureusement les consignes au nom du système comme pour l’avion sud-coréen. L’extraordinaire décision de Petrov a été portée à la connaissance du monde par le réalisateur allemand sous le titre de ‘’l’homme qui a sauvé le monde’’. Oui mais c’est tellement plus encore. Il transmet un message sublime : l’être humain est plus fort que l’automatisme. L’homme doit toujours rester maître de son destin en réveillant sa conscience et le meilleur de lui-même. Petrov a trouvé les forces ultimes propres à engager sa décision historique en s’accordant à lui-même du temps, un espace-temps disproportionné dans l’enjeu pour lequel il était missionné. Ce temps donné à sa conscience lui a donné les ressources nécessaires pour déjouer le système et gagner. Sully (Sullenberger) était ce pilote américain qui, le 15 janvier 2009, fait amerrir son avion airbus sur la rivière Hudson au motif d’une panne des moteurs de l’avion. Le pilote sauve ainsi les 165 personnes à bord en n’appliquant pas les consignes qui lui avaient été dictées. Sully avait commencé sa carrière comme pilote de chasse avant d’intégrer l’aviation civile. Il avait un parcours professionnel brillant mais humble et modeste dans la vie quotidienne, adepte notamment des travaux pratiques.

A l’instar de Stanislas Petrov, Sully a contourné un système pour déjouer sa prescription au profit d’une décision purement humaine.

Dans les 18 mois qui ont suivi l’exploit du pilote, le bureau des transports américains n’a cessé de le poursuivre au motif qu’il n’avait pas appliqué la procédure du système, à savoir regagner un aéroport : interdiction de vol, diminution de sa retraite etc. La vérité est arrivée lorsque Sully a réussi à démontrer qu’il avait pris cette décision par l’exploitation d’un temps court propre à lui, propre à sa réflexion, propre à sa conscience temps qui avait échappé tant au logiciel du système qu’au logiciel de reconstitution du vol pour le tribunal. Ce temps humain exceptionnel destiné à la ressource profonde de l’être humain, à sa conscience, à sa transcendance a permis à Petrov comme à Sully d’accéder à leur propre force d’âme les guidant vers la voie de la meilleure décision à prendre contre la volonté mécanique de ce qui peut apparaître comme deux alliés, un système au service de la hiérarchie ou une hiérarchie au service d’un système. Petrov a dit cette phrase qui résume bien le propos : « The right man in the right place ». Un concept qui verbalise si bien cette solution de continuité qui peut exister entre les objectifs de la gouvernance et la conscience du peuple auquel appartient le ‘’right man’’. Vérité d’aujourd’hui et d’avenir !

Il est temps de revenir à Clausewitz pour comprendre, à travers ses lumineuses analyses du brouillard de la guerre, ce qui aujourd’hui a changé tant dans le processus de montée aux extrêmes que dans les conséquences de la capacité présente de destruction au service des hommes. L’essence du concept clausewitzien, qui prouve que la guerre est le prolongement de la politique par d’autres moyens, n’est pas compréhensible si l’on ne cite pas cet autre concept fondateur : l’étonnante trinité. Clausewitz, fort d’une étude approfondie des campagnes napoléoniennes, de Valmy (1791), de Iéna (1806) en particulier avait défini trois éléments distincts mais fondamentaux pour la conduite de la guerre : le peuple ou la passion, le stratège ou le militaire, le politique ou l’entendement.

Le processus conduisant à la guerre fonctionnait à son sens de cette manière : le peuple était soumis au stratège qui lui-même était soumis au politique, l’entendement.

La révolution française a perturbé durablement cette logique, comme l’avait énoncé le grand poète Goethe en participant du côté prussien à la bataille de Valmy : « de ce lieu (Valmy) et de ce jour date une nouvelle époque dans l’histoire. » Clausewitz a perçu avec effroi les conséquences possibles de ces nouveaux paramètres sans toutefois oser les exprimer car touchant à l’ordre trinitaire qu’il avait défini. Il faudra attendre les réflexions et les analyses d’un de nos plus grands penseurs, René Girard, exprimées dans un ouvrage dont le titre résume tout : ‘’Achever Clausewitz‘’. Que nous apprend Girard, que Clausewitz lui-même avait pressenti en dissertant sur cette nouvelle forme de montée aux extrêmes des belligérants ? Girard nous incite à prendre en compte, pour comprendre les nouveaux conflits, l’inversion de l’ordre clausewitzien de cette étonnante trinité : le peuple (la passion) domine le stratège qui lui-même domine le politique, l’entendement. Cette inversion de l’étonnante trinité caractérise toute une époque récente de conflits dont la finalité montante est la montée aux extrêmes. Mais l’arrivée de la puissance nucléaire est de nature à modifier à nouveau cet ordre trinitaire clausewitzien. Un premier constat est qu’il est difficile de contrer cette croyance qui attribue au nucléaire l’apparente stabilité entre des puissances rivales, avec les propos de Mac Namara disant que nous avons eu de la chance pendant la guerre froide.

Une date à présent historiquement importante : le 24 février 2022 , attaque de l’Ukraine par la Russie. Les paramètres sont totalement différents de ceux qui ont encadré la période de la guerre froide, car un pays détenteur de l’arme atomique attaque sévèrement un pays dont l’armement est classique : l’hypothèse de l’emploi de l’arme nucléaire sous différentes formes est engagée. Avec l’amiral Pierre Vaudier, chef d’Etat-Major de la marine française, nous pouvons adhérer à cette idée qu’il formule « d’être entrés dans une nouvelle ère nucléaire » qu’il dénomme ‘’troisième âge nucléaire’’. Dans cette continuité de pensée et pour formaliser cet état de faits avec l’étonnante trinité, il convient de constater que l’ordre de cette dernière est à nouveau modifié.

Dans le brouillard nucléaire et son emploi, il apparaît que le politique fusionne dans son mode de fonctionnement avec le stratège en charge de la logistique et de la mise en œuvre nucléaire.

Demeure alors une seule autre entité clausewitzienne, le peuple. Ne restent de cette étonnante trinité par le fait nucléaire que deux entités. Un couple cette fois étonnant car étanche. En clair, le peuple n’est plus concerné par des décisions ultimes de sa gouvernance dans le processus nucléaire alors que le peuple (les peuples) est le seul enjeu.

Conclusion

En conclusion de ce petit essai inspiré par une situation exceptionnelle et l’expérience partagée avec une très petite minorité d’hommes ayant servi l’arme nucléaire par l’auteur de ces lignes, il convient de proposer quelques paramètres fondamentaux qui peuvent effectivement caractériser cette troisième ère nucléaire. Premièrement, une puissance nucléaire (la seconde en puissance) attaque classiquement un pays sans arme nucléaire tout en menaçant les éventuels alliés dudit pays attaqué. Dans ces circonstances, même avec une évaluation d’un sur mille que le conflit puisse dégénérer vers le nucléaire, impossible pour le politique d’évacuer et de négliger le sujet.

Dans tous les cas de figure, une prise de conscience nouvelle émergera de cette période tant pour les doctrines d’emploi du nucléaire qu’au regard de l’entité (ou l’identité) peuple.

Comme cela a été décrit, un tir tactique russe déverrouillerait dangereusement pour l’avenir les blocages politiques d’intervention de certaines puissances pour régler des problèmes latents et conflictuels. Ne parlons pas d’un conflit nucléaire généralisé qui détruirait une partie de la planète. Cela conforte cette thèse portée par cet essai que l’arme nucléaire n’est pas une arme de la guerre classique. Notons cette déclaration du Président Macron, affirmant en juillet 2020 à l’Ecole de guerre que l’arme atomique ne peut être assimilée avec la bataille. Le passage à l’acte de frappe nucléaire est inspiré par des paramètres irrationnels. Hiroshima, Nagasaki, cibles ultimes choisies par le président américain Truman pour frapper nucléaire le Japon. Truman a-t-il vraiment pris une décision ou plus simplement choisi l’arme nucléaire parce qu’elle était là ? Ne doit-on pas craindre l’humeur ou la santé de Kim Jong-un, le président nord-coréen, de nature à déclencher un conflit nucléaire ? Enfin sommes-nous aussi potentiellement des victimes en devenir par le fâcheux hasard d’un bug technologique voire d’un hacking, qui déclencherait les conditions d’entrée en conflit nucléaire sauf à être défié par un homme capable de sauver l’humanité comme Stanislas Petrov ?

Le passage au feu nucléaire concerne un nombre restreint de personnes d’une gouvernance, une élite contrainte de se soumettre à un système sans lequel l’arme nucléaire ne peut pas être mise en œuvre.

La situation, humainement, ne doit jamais être considérée comme désespérée car des hommes inspirés dont Stanislas Petrov ont su dans des circonstances exceptionnelles, selon René Girard, stopper le mimétisme de la violence. En 1962, un an après l’échec de la tentative de débarquement dans la baie des cochons pour tenter de renverser Fidel Castro, les soviétiques finissent d’installer à Cuba 36 missiles chargés nucléaires capables d’atteindre les USA. C’est alors que Fidel Castro envoie un courrier au Président Kroutchev de l‘URSS pour l’enjoindre d’utiliser ses armes contre les USA. Kroutchev lui répond en ces termes : « (..) Cher camarade Fidel, j’estime votre suggestion erronée (..) prélude à une guerre thermonucléaire mondiale (..) Cuba aurait été le premier à brûler sous les feux de la guerre ». On peut imaginer que la proposition insensée de Fidel n’aurait pas eu l’accord des cubains s’ils avaient été consultés. La réponse de Kroutchev, apparemment sage, n’est inspirée que par l’intérêt de l’URSS ne pouvant être mis en péril pour un petit allié irrationnel.

Le président Kennedy, lors de la crise de Cuba, au motif des mêmes missiles nucléaires menaçant les USA a su déjouer Armageddon par des qualités d’homme d’état qui doivent servir à jamais d’exemple et de modèle. Il était impossible, en 1962 et toujours pour les USA, d’accepter que des armes nucléaires soviétiques soient implantées aux frontières de l’Amérique, d’où l’alternative de la menace nucléaire envers l’URSS pour que cette dernière rapatrie ses armes nucléaires. Kennedy avait quatorze personnes autour de lui pour prendre la décision finale, personnes civiles et militaires qui illustrent bien la composition contemporaine de la trinité clausewitzienne fusionnant le politique au stratège. Robert Kennedy livre dans ses mémoires que sur les quatorze participants de grande valeur réunis à cette réunion autour du Président Kennedy, six étaient pour déclencher une guerre nucléaire. L’historien Sherwin écrit : « Si Kennedy avait accepté les recommandations de l’Etat-Major, il aurait involontairement provoqué une guerre nucléaire ». Le Président Kennedy a cherché pour conforter sa décision les réponses à deux questions : pourquoi les russes ont-ils agi de cette manière ? comment laisser une porte de sortie à Kroutchev ? Deux enseignements doivent retenir notre attention.

La fusion du politique et du stratège n’est pas souhaitable car la politique et la guerre sont ainsi mêlées alors que l’une doit être la conséquence de l’autre. Le militaire est dans son rôle de vouloir utiliser l’arme la plus puissante dont il dispose à partir du moment où cette arme est déclarée arme de bataille.

Comme pour Truman, l’arme est là. Enfin nous avons ici et historiquement la preuve de la valeur et de la pérennité de l’étonnante trinité de Clausewitz, car Kennedy reprend la main et impose l’entendement au stratège, et au peuple. Dans le même temps stratégique de l’affrontement est-ouest, il faut retenir cet exemple de suprématie de l’entendement dû au génie français, l’attitude du Général de Gaulle pour résoudre la grave crise de Berlin (1958 -1963). L’origine de la crise est une demande soviétique formulée par le Président Kroutchev aux alliés de devoir quitter Berlin et donc de laisser l’ensemble de l’Allemagne de l’Est sous domination soviétique, sous peine de différentes menaces y compris celle nucléaire. Tous les historiens s’accordent à dire que le chef d’état le plus ferme de l’Occident pendant cette périlleuse période fut le général de Gaulle, opposant officiellement la force nucléaire occidentale contre la force nucléaire soviétique avec ce commentaire à un ambassadeur russe : « Eh bien si cela se fait nous mourrons tous ». Cette fermeté gaullienne s’est appuyée sur une véritable coopération intra-occidentale mais largement couplée à l’appel à la détente vers l’Union soviétique. Les discours du général de Gaulle de cette époque sont plein de leçons pour notre époque concernant l’affrontement des blocs, sur le risque nucléaire. Le général fustige tous les anathèmes verbaux à l’égard des soviétiques qui détournent du sujet et ‘’dans le même temps’’ prône la détente, l’échange, qui doivent conduire à l’apaisement dans le monde. Il n’attaque jamais le peuple russe qu’il sait européen, mais le système soviétique qui les domine, oui. Le général de Gaulle, qui a gagné cette guerre de Berlin avant la guerre, est un des principaux artisans de la bonne fin de cette crise dite de Berlin en appliquant le concept trinitaire de Clausewitz : le politique conduit.

Le monde a changé en ce temps 21e siècle où une guerre improbable gronde en Europe, où la menace nucléaire réapparaît, où une guerre économique intense épaule le conflit.

Un premier constat nous oblige à penser que l’absence de fermeté occidentale est un des facteurs du passage à l’acte russe. La fermeté a été remplacée par un certain laxisme occidental vis-à-vis d’une réclamation récurrente russe, laxisme doublé de bravades et de provocations plus que de mesures et de discussions. La résistance des ukrainiens est admirable, individuelle, exemplaire mais force est de constater qu’elle compense la force de dissuasion d’une armée structurée et puissante qui aurait forcément compté dans le calcul russe de se faire entendre par une attaque de l’Ukraine.

Globalement, c’est bien cette absence de fermeté et de discussions du côté occidental qui a créé les conditions favorables en temps et circonstances du déchaînement guerrier de l’ours russe. Cette fermeté occidentale non exercée à temps se manifeste aujourd’hui sous des aspects divers, dispersés et parfois contradictoires. Chaque pays a sa propre attitude vis-à-vis de la Russie et organise qui ses appels téléphoniques, qui ses visites sur le terrain, qui ses aides chiffrées. Les USA s’abîment en anathèmes et insultes pour compenser en interne comme en externe le fait que ce conflit doit se faire sans eux. Le courageux président de l’Ukraine tance l’Occident et sermonne l’ONU. Dans cette course à la fermeté, qui peut se réjouir de l’annonce d’un budget de 100 milliards d’euros pour l’armée allemande, non pas qu’il faille douter de la démocratique Allemagne (‘’nos cousins’’ disaient le Général), mais de se poser la question de savoir si l’on ne rentre pas dans une nouvelle compétition à savoir qui aura la plus grosse armée, la France étant sur le podium mais battue avec un budget de 50 milliards d’euros ? Enfin peu glorieuse est cette fermeté joyeuse et triomphante qui déclare la guerre économique totale à la Russie.

Oui pour les sanctions dans un système économique mondialisé qui vise le politique et la gouvernance globale de la Fédération de Russie. Non à cette course aux sanctions qui est mesurée à l’aune du degré d’appauvrissement du peuple russe en spéculant sur le fait qu’il, ce peuple russe, soit conduit à se débarrasser même violemment de ses dirigeants actuels.

Mauvaise pioche si l’on en croit tous les connaisseurs de l’âme russe qui, ne niant pas l’existence d’une opposition en Russie, nous expliquent que ce peuple rodé à la souffrance peut en accepter une de plus et choisir faute d’autre alternative de faire corps avec sa gouvernance. En suivant l’évolution dans le temps du concept trinitaire clausewitzien, on constate avec le fait nucléaire la création d’une solution de continuité qui rend binaire le concept trinitaire : d’un même côté le politique et le stratège, et de l’autre le peuple. Ce dernier, le peuple non seulement ne participe pas à la conduite de l’entendement mais dans les faits en est l’enjeu : c’est lui qui est sanctionné à la place de l’entendement, c’est lui qui est détruit en cas de conflit nucléaire.

Que souhaiter dans cette situation grave et désordonnée ?

D’abord, repenser tout le processus nucléaire en réunissant régulièrement les nations ayant l’arme nucléaire aux fins d’édicter de nouvelles règles et surtout des chambres de dialogue engageant directement les dirigeants.

Ensuite, repenser sous toutes les formes avec toutes les forces de la nation ce qu’implique cet objectif visionnaire qu’est le concept de ‘’gagner la guerre avant la guerre’’.

Enfin, comprendre l’inanité et l’inhumanité à vouloir faire souffrir un peuple en lieu et place de ses dirigeants et de leurs décisions, sachant notamment que le peuple est justement l’enjeu souffrant de toutes ses bravades de plus en plus ignorant des intentions de sa propre gouvernance a fortiori dans cette ère nucléaire. C’est pourquoi il convient de rappeler le titre de cet essai : ‘’Sauver le soldat Petrov’’, cet homme du peuple russe qui a sauvé le monde, qui nous incite aujourd’hui à respecter ce peuple et tous ses Petrov, comme tous les Petrov asiatiques, africains, indiens, blancs du monde.

Général (2S) Jean-Louis Esquivié

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