Ce lundi 20 janvier 2025, le monde entier a les yeux tournés vers les États-Unis pour l’investiture du président élu Donald Trump. Cependant, Trump a attribué des postes de hautes responsabilités à des partisans loyaux plutôt qu’à des experts : cette politique s’appelle le « spoil system ». À travers cette analyse, Jacky Isabello nous expose les risques que cette stratégie peut faire peser sur les États-Unis.
Spoil system : Trump réitère l’erreur de la révocation de l’Edit de Nantes.
Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis en ce 20 janvier 2025, accompagné de sa promesse d’« assécher le marais » de Washington, marque une inflexion qui pourrait bouleverser durablement le visage de l’administration américaine. En remplaçant à grande échelle les fonctionnaires par des fidèles nommés selon la mécanique du « spoil system », ce système politique où les postes-clés sont confiés aux soutiens du pouvoir, l’Amérique risque de se priver d’une part de sa substance intellectuelle et technique.
Cette situation, si elle se concrétise, pourrait évoquer une période historique qui fut très préjudiciable à la France : la révocation de l’Édit de Nantes en 1685 par Louis XIV.
Une révocation aux conséquences irréparables
Lorsque le Roi-Soleil mit un terme à l’Édit de Nantes promulgué en 1598 par Henri IV, le roi préféré de François Bayrou notre premier ministre, il ne fit pas seulement le choix d’imposer une uniformité religieuse ; il sonna le glas d’un dynamisme économique et intellectuel hors pair. Des dizaines de milliers de protestants, parmi lesquels se trouvaient des industriels, des banquiers et des artisans de génie, furent contraints à l’exil. Nombre d’entre eux trouvèrent refuge en Allemagne, en Angleterre et jusqu’en Amérique. La France, quant à elle, perdit une génération d’esprits brillants et les nombreuses réalisations de celle-ci.
Et si ces protestants étaient restés ? Imaginons un instant : aurions-nous vu naître une révolution industrielle française avant l’heure, rivalisant avec celle de l’Angleterre ? Peut-être que l’imprimerie aurait connu des progrès fulgurants grâce à des artisans inspirés. Les villes comme Lyon ou La Rochelle auraient pu devenir des centres mondiaux de commerce et d’innovation.
Mais l’intolérance prévalut, et la France s’est affaiblie comme de nombreux travaux économiques l’ont démontré ;
les plus récentes analyses présentées par Cédric Chambru lors de l’Université Ouverte 2023-2024, examinent les conséquences socio-économiques de la révocation, notamment en termes de fuite des compétences et de ralentissements industriels.
Le spoil system, une révocation moderne
En promettant de remplacer des milliers de fonctionnaires fédéraux par des loyaux partisans, Donald Trump réécrit cette histoire à l’échelle contemporaine. La mise au pas de l’administration publique entraînera une perte d’expertise institutionnelle inestimable. Comme le soulignent des chercheurs, cette purge risque de toucher des secteurs cruciaux comme la recherche scientifique, et tout particulièrement la lutte contre le changement climatique, où chaque décision mal informée pourrait entraîner des conséquences irréversibles pour la planète.
Un article des « Echos » daté du 20 janvier décrit un climat de panique au sein de l’administration fédérale. Des fonctionnaires de carrière, qui ont dédié leur vie à comprendre et à résoudre des problèmes complexes, risquent d’être remplacés par des individus moins qualifiés, mais politiquement alignés à une nouvelle secte obsédée par « l’anti-wokisme ». Les États-Unis, longtemps à l’avant-garde de l’innovation mondiale, pourraient voir leur capacité à rivaliser avec des puissances comme la Chine, s’étioler.
Affirmer que l’avenir de certains pans de la science américaine est en jeu n’est pas excessif.
La fragilisation de la recherche climatique
Prenons l’exemple des recherches sur le changement climatique, un domaine où l’expertise est cruciale pour guider les politiques publiques. Les scientifiques au sein des agences fédérales jouent un rôle essentiel en élaborant des modèles prédictifs et en développant des technologies vertes. Si ces experts sont écartés, leurs travaux risquent d’être interrompus ou censurés.
Ce vide scientifique pourrait retarder la transition énergétique et accroître la vulnérabilité de l’économie américaine face aux crises climatiques.
Et ceci malgré les nombreuses catastrophes climatiques qui frappent régulièrement ce vaste pays (les incendies en Californie ne sont qu’un exemple parmi d’autres).
Quand l’Histoire se répète
« Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter », écrivait le philosophe hispano-américain George Santayana. L’exil des protestants français a privé la France d’une énergie créatrice irremplaçable. Aujourd’hui, l’Amérique de Trump semble s’engager sur une voie similaire.
En sacrifiant l’expertise sur l’autel de la loyauté et de l’allégeance, elle met en péril son avenir scientifique, économique et écologique.
Mais chaque jour suffit sa peine, aujourd’hui les excès de Trump promettent la foudre à Washington, demain l’orage de la déportation de millions de travailleurs immigrés, si elle est mise en œuvre, aura des conséquences néfastes non pas sur la science mais sur l’économie du quotidien. Il est malheureusement trop tard pour éviter ces erreurs historiques. Les leçons du passé devraient guider les choix présents. Or Trump choisit de gommer et de réécrire le passé par l’entremise de ses amis techno-capitalistes. Ainsi, ce ne sont pas seulement les administrations, mais bien une Nation tout entière, qui va souffrir parce que l’on confond purge et progrès.
Jacky ISABELLO
Fondateur du Cabinet Parlez-moi d’Impact
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