Depuis le 17 mars, la France est confinée en raison de l’épidémie de coronavirus. Pierre Larrouy, économiste et essayiste, tient pour la Revue Politique et Parlementaire, un journal prospectif.
La data représentation, mercredi 29 avril
Autour des données, un combat sous-terrain se déroule. Les citoyens sont, de plus en plus, conscients de la spoliation de leurs données personnelles dont ils sont victimes de la part des grandes multinationales des réseaux, les GAFAM. Ils ne sont pas encore, pour autant, mithridatisés. Ils continuent allègrement, dans un syndrome de Stockholm, à nourrir leur tyran. C’est la double mâchoire, de l’attrait de fonctionnements séduisants et d’un sentiment d’impuissance devant la prégnance de l’adversaire.
Peut-être faut-il ajouter une donne à ce constat bien connu ? Pour désagréable que soit cette spoliation, elle se voit compenser, dans un tableau excel, par la difficulté de bien appréhender le dommage. Certes, publiquement on s’insurge contre ces mécanismes qui touchent la vie privée. Mais, au fond, on se demande si ce sont bien les données personnelles qui sont en jeu et qu’en feraient-ils au juste ? Bref, au fond de soi, on relativise.
On est à mi-chemin. Se rebeller ! mais est-ce possible ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? On regarde, indécis, les coups de menton des pouvoirs publics. On lit des chiffres. Plein de doutes voire de suspicion. Mais les taxes ne suffisent pas à motiver une implication plus forte.
Je voudrais apporter un éclairage pas suffisamment exploité.
Cette question de la souveraineté de la donnée doit être abordée en symétrie avec la crise de la représentation.
Que pourrait apporter la reconquête de cette souveraineté pour régénérer la démocratie et la représentation citoyenne ? il va de soi que ce gain potentiel pour le citoyen a un prix. Le prix provient de la bonne compréhension de la valeur de la donnée.
De manière un peu caricaturale, regardons cela comme une table de jeu. Les acteurs/joueurs sont, outre les citoyens individuellement et collectivement, les acteurs publics et les acteurs économiques. En quoi la donnée représente une valeur unitaire partagée qui va permettre à chacun d’atteindre un but personnel ? L’acteur public peut reconquérir l’adhésion citoyenne, en redevenant un tiers de confiance. Les acteurs économiques y trouvent, eux aussi, le lien de confiance qui leur permettra de disposer d’une visibilité. Les citoyens sont détenteurs de la valeur au-travers de leurs données. Ils peuvent revendiquer une représentation meilleure sur leurs usages pour qu’ils acceptent de les confier au tiers de confiance. In fine, dans un circuit court de la donnée, peut s’installer un modèle productif de nouveaux possibles.
Le maître mot est la confiance retrouvée.
Mais le point de départ est plutôt caractérisé par la défiance. On comprend, aisément, que c’est dans la proximité des territoires que cette confiance peut se rétablir, car là tout se voit mieux. Et si la confiance est bien, le contrôle n’est pas inutile.
Je vais entamer une réflexion, un peu plus précise, sur ce que recouvre le nom de Territoire augmenté que je propose.
Si ce territoire augmenté devait avoir des priorités, on pourrait retenir un axe central : le climat, puis la mutation des usages et des comportements qu’il va engendrer et enfin, le saut démocratique et créatif auquel il correspond.
Pierre Larrouy
Economiste et essayiste